Mister Arkadin

Y A-T-IL ENCORE UN LECTEUR DANS LA SALLE ?

23 Juillet 2008, 01:27am

Publié par Mister Arkadin

« Plus de rayon cinéma. » J’ai dû demander confirmation au libraire pour y croire vraiment. De retour d’un séjour à Lyon, je n’en reviens toujours pas que "Le Père penard", l’une des librairies de France les plus fournies en bouquins et revues d’occasion, délaisse le cinéma (essentiellement pour se spécialiser en BD). On y trouve encore ici ou là, à l’étage, dans ses nombreuses collections de périodiques anciens, quelques numéros sur le cinéma. Il est par exemple possible d’y acheter en ce moment les deux numéros sur le cinéma de la revue L’Age nouveau (« Devenir du cinéma », publié en 1955, et « Préhistoire du cinéma », 1960) ou tel bulletin des amis de Jean Giono sur Un roi sans divertissement. Mais c’est bien tout. Pour moi qui ai fréquemment enrichi au Père penard mes collections de revues de cinéma (Jeune cinéma par exemple) et surtout ma collection de numéros sur le cinéma publiés par des périodiques non spécialisés en cinéma (L’Ane, Art Press, Atlantis, le Bulletin des Amis d’André Gide, le Bulletin du Vieux Saint-Étienne, les Cahiers de l’histoire, les Cahiers de l’Université de Perpignan, les Cahiers de la Méditerranée, Dérives, Jungle, Lui, Masques, La Nef, Recherches soviétiques, etc.), c’est un choc. Maigre consolation, le rayon érotique résiste un peu à l’envahissement de la BD, mais n’offre que le dixième de ce que l’on pouvait y trouver il y a trois ou quatre ans.

Après ma déception d’avril, qui m’a vu revenir de Bruxelles avec à peine une valise de livres et revues en tous genres, alors qu’un coffre de voiture m’aurait été nécessaire quelques années auparavant, après la disparition de plusieurs librairies du cinéma, c’est un nouveau coup dur pour le collectionneur que je suis. Si les librairies abandonnent les unes après les autres la vente de périodiques, notamment de cinéma, j’imagine que c’est faute d’acheteurs. Mais, bientôt, faute de vendeurs, disparaîtront aussi les acheteurs potentiels, et sans doute aussi jusqu’aux derniers connaisseurs de la cinéphilie livresque. Ne subsisterait déjà plus qu’une "niche", comme l’a dénommée Antoine de Baecque lors d’un débat sur l’édition de livres d’histoire du cinéma, de 3 à 4.000 lecteurs. « Le cinéma a une réputation de sinistrose auprès des éditeurs » et « en termes économiques, l’édition de cinéma n’existe pas », a renchéri Michel Marie. Michel Ciment, à la fin de sa carrière, déplorait que les étudiants en cinéma ne lisent plus guère que Première ou Studio, plutôt que les Cahiers ou Positif ; au moins lisaient-ils encore quelque chose…
Lors de mon dernier passage à la librairie Gilda, j’ai tenté de revendre quelques numéros de revues, notamment de Cinémathèque. En vain : le libraire m’a expliqué qu’il n’achetait plus de revues, même Positif et les Cahiers, faute d’acheteurs. J’ai eu beau lui expliquer que s’il n’y avait plus d’offres, il n’y aurait bien sûr plus de demandes, que moi-même, si je n’avais pas déjà en double les numéros que je voulais lui vendre, je serais très heureux de les lui acheter, rien n’y fit. Je me souviens d’un dialogue de sourds similaire avec le libraire de Ciné Reflet. Il vendait ses Saisons cinématographiques trop cher pour que je puisse les lui acheter, mais ne voulait pas me prendre celles que je lui proposais, car il en avait trop en stock. Je suppose qu’il doit toujours les avoir dans ses cartons…

Certes, il pourrait m’être rétorqué que d’autres supports de lecture sont désormais privilégiés, qu’Internet supplée, avantageusement sur bien des points, le support papier, que ceci ne tuera pas cela, que d’autres canaux de vente se sont ouverts (e-bay, notamment), etc. Je les utilise moi-même largement, par ailleurs. La nostalgie ayant toujours fait bon ménage avec la cinéphilie, on me permettra toutefois d’y céder encore un peu.

Voir les commentaires

ART MINEUR, RESPONSABILITÉ MAJEUR

22 Juillet 2008, 01:38am

Publié par Mister Arkadin

"Voix off" est la rubrique de Positif  que je consulte le plus systématiquement. Y sont repris des textes inédits ou rares de personnalités du cinéma, le plus souvent de cinéastes. J'y ai pour ma part publié un échange entre Sacha Guitry et Emile Vuillermoz (n°520, juin 2004, p.47-50).

Le texte du mois dernier (n°568, juin 2008, p.50-54, "Un art mineur, une responsabilité majeur, ou Comment devenir désuet") est l'un des plus denses jamais parus. Il s'agit d'une conférence datant de 1977 prononcée par Marcel Ophuls à New York. Le propos est si riche et profond qu'il résiste à toute tentative de résumé. Je me risque tout de même à condenser ce que j'en ai retenu. Ophuls y analyse le décalage entre l'humilité des gens de cinéma de la première moitié du siècle dernier (son père notamment), qui considérait n'être au service que d'un art mineur tout en estimant avoir une grande responsabilité dans le choix de ce qu'il filmait et leur façon de le faire, et la prétention de ceux de la fin du siècle, qui pensent excercer une activité très importante tout en se moquant pas mal des conséquences et du sens de celle-ci, de l'influence que peuvent avoir leurs films. Changement de civilisation, dont Ophuls ne semble pouvoir se résoudre à prendre son parti.

Voir les commentaires

INTOLÉRABLE TOLÉRANCE

21 Juillet 2008, 11:24am

Publié par Mister Arkadin

A l'invitation d'Alain Soral, j'ai failli signer la pétition pour Siné sur le site de l'entartreur, suite à la dernière bassesse (1) de Val (j'en relève une ici). Je me suis abstenu en lisant : « notre objectif étant de faire pâlir de rage Philippe Val, nous envoyons dinguer les signatures canularesques (même celles qui nous font le plus marrer) ou poliquement fétides (pouah !) ». Introduire une mesure de censure, et même de contrôle a priori, dans une pétition pour la liberté d'expression, me paraît de la dernière hypocrisie. Cela me rappelle l'éviction d'Alain de Benoist de la pétition de soutien à Edgar Morin, des Vigilants n'ayant pas voulu voir son nom à côté du leur. Tous ces gens veulent-ils donner raison à Finkielkraut : « combattre la pensée unique au nom de l'unique pensée » (2) ? (3)

Notes :
(1) (note du 2 août 2008) Après lecture de l'éditorial de Philippe Val dans lequel il donne sa version de l'affaire, j'ai failli retirer ce terme tant elle est enrobée de beaux principes qui emportent presque la conviction (au moins de la bonne foi de Val). Après réflexion, j'aurais trouvé la position de Val défendable s'il avait non pas demandé à Siné de s'excuser (ce qui ne pouvait que provoquer le renvoi de Siné, dont ce n'est pas le genre de baisser la culotte), mais l'avait renvoyé tout en démissionnant lui-même de ses fonctions de directeur de Charlie-Hebdo (de ce fait responsable de la publication de la chronique incriminée, qu'il dit n'avoir pas pris la peine de lire).
(2) (note du 31 août 2008) Cette impression est confirmée en écoutant un entretien avec Siné pour le lancement de son hebdomadaire, aux "Grosses têtes", disponible ici.
« On accueille tous les gens à qui on a fait fermer le clapet partout ailleurs », se garganise le champion de la liberté d'expression. « Même Dieudonné ? », demande ingénuement le journaliste. Siné se renfrogne alors, dénonçant un coup bas : « Je n'ai rien à voir avec Dieudonné, qui est antisémite. » Siné accueillera donc tout le monde, sauf les gens qui ont été excommuniés par ceux-là même qui lui cherchent des noises. Gageons que la tournée promotionnelle de l'artiste va pouvoir continuer sans trop d'encombres. Chapeau bas...
(3) (note du 1er septembre 2008) Dans les Cahiers du cinéma de septembre (p.42), Jean-Michel Frodon règle promptement et gaillardement son compte à C'est dur d'être aimé par des cons, le documentaire que Daniel Leconte a pondu à la gloire des grands Résistants à l'islamo-fascisme de Charlie-Hebdo (sortie le 17 septembre) : « Si on souscrit au titre qui figure sur l'affiche, on y graffiterait volontiers qu'il est tout aussi dur que la liberté soit ainsi défendue par des caciques sectaires, ou que le cinéma soit parasité par qui à ce point le méprise ».

Liens complémentaires :
- http://mister-arkadin.over-blog.fr/article-21854920.html
- Point de vue de Jean-Marie Laclavetine dans Le Monde : ce n'est pas le lieu d'examiner si "une voix discordante" qui se situerait à droite, voire à l'extrême-droite, est
« en état de se faire entendre », mais de constater que même une tribune "libre" dénonçant, apparemment de façon vigoureuse et rigoureuse, le climat intellectuel étouffant qui règne en France se refuse absolument, et a priori, à envisager la question, ne serait-ce qu'une seconde, for the sake of argument, alors que toute la gauche, y compris l'extrême gauche, au contraire, est forcément convoquée.
- http://susauvieuxmonde.canalblog.com/archives/la_bande_de_sinet/index.html : dans le dossier constitué par Charles Tatum, on lire en priorité le très divertissant article d'Edwy Plenel, qui s'élève contre
« la chasse à l'antisémite subliminal, potentiel ou imaginaire », alors même qu'il fut lui-même l'un des grands orchestrateurs de la chasse au Camus et qu'il ne leva pas le moindre petit doigt lorsque Bruno Gollnisch fut lui aussi vitime d'une justice « condamn[ant] le subliminal », « qui renvoie aux mauvaises pensées ou aux idées malfaisantes des lecteurs, quand, en vérité, elle est saisie de l'explicite ».
- Quelques documents intéressants aussi sur le site de la Ligue de Défense Juive (notamment la chronique de dénonciation de Claude Askolovitch à RTL).

Voir les commentaires

LE CINÉMA D'UNE HEURE DU MAT'

20 Juillet 2008, 19:43pm

Publié par Mister Arkadin

Ne travaillant pas demain matin, je me suis dit que je pourrais regarder le "Cinéma de minuit", émission qui a modelé ma cinéphilie (comme celles de bien d'autres), d'autant que le film présenté ce soir, Les Aveux d'un espion nazi, est relativement rare. Cette nuit, devrais-je hélas écrire. Cela fait longtemps que le film proposé par Patrick Brion le dimanche soir ne se termine plus à minuit, mais commence aux environs de minuit, le lundi matin. C'est maintenant carrément vers une heure du mat' qu'il débute ! 0h50 cette nuit ; 1h05 il y a deux semaines. C'en est fini du plaisir que nous avions à regarder un classique à la tombée de la nuit, quand la ville dort, pour terminer en beauté une semaine. L'enregistrement est désormais de rigueur, les piles de cassettes que l'on ne regardera jamais s'accumulent et le charme de cette émission est à jamais rompue. Encore un plaisir que les jeunes générations ne connaîtront plus. Ils en connaîtront d'autres, peut-être. Saluons tout de même la persévérance de Patrick Brion, qui tient un blog aussi concis et précis que ses célèbres présentations du "Cinéma de minuit".


PS : le film de cette nuit a finalement débuté à 1h10. Peut-être celui d'il y a deux semaines avait-il commencé à 1h30. Encore un effort et nous aurons littéralement le "Cinéma de mi-nuit" !

Voir les commentaires

PHILIPPE D'HUGUES - CV

20 Juillet 2008, 00:45am

Publié par Mister Arkadin

J'avais annoncé que Philippe d'Hugues participerait au libre journal d'Arnaud Guyot-Jeannin du 8 juillet dernier. La liaison téléphonique n'a finalement pu être établie entre le studio et le lieu de villégiature de Philippe d'Hugues. On peut se rattraper en lisant l'entretien qu'il a donné au même journalisme pour le magazine Le Choc du mois, qui consacre son numéro d'été au cinéma français, "à bout de souffle". Le dossier remet habilement certaines tares du cinéma français en perspective, même s'il n'apprendra sans doute pas grand chose aux personnes susceptibles d'être intéressées par mon site ; la couverture, que j'ai hésité à reproduire, est par contre fort laide.
Pour faire bonne mesure, je diffuse
le CV de PdH dans la section "Cinéma et Radio" .

Voir les commentaires

CINÉMA ET RADIO : SEMAINE DU 19 JUILLET 2008

19 Juillet 2008, 20:29pm

Publié par Mister Arkadin

« Tous les Mickeys du monde » (Laurent Valière), France Inter, tous les samedis de l’été, de 12h05 à 13h00 – le 19 juillet 2008 : Albator

« Les lycéens font leur cinéma » (Laure Mézan ; « Rencontre entre une classe de lycéens et un compositeur de musique de film »), Radio Classique – Rediffusion, samedi 19 juillet 2008, de 17h00 à 18h00 : Rencontre avec le compositeur Éric Demarsan

« Destination délire » (Anne Pastor), France Inter, dimanche 20 juillet 2008, de 15h05 à 16h00 : « Bienvenue chez les Cht’is » (Thomas Beau) (« Touriste du Septième Art... Quand le tourisme fait son cinéma... » ; reportage à Bergues)

« Prochainement sur cet écran » (Axel Brücker), France Culture, à partir du lundi 21 juillet 2008, du lundi au vendredi à 8h56, 13h26, 20h26 et 23h00 : Présentation d’un film à partir de sa bande-annonce

« Le Rendez-vous Musique de films », Radio Classique, lundis à vendredi, à partir du lundi 21 juillet 2008, de 16h00 à 17h00

« Une touche d’été », France Musique, lundi 21 à vendredi 25 juillet 2008, de 23h00 à 1h00 : « Les musiques d’Alain Resnais »

« Vacances de stars » (Michel Cohen-Solal), RTL, lundi 21 juillet 2008, à 9h10 : Claude Lelouch

« J'ai mes sources » (Guillaume Erner), France Inter, mardi 22 juillet 2008, de 9h35 à 10h00 : le plan de reprise des Cahiers du Cinema, avec son rédacteur en chef, Emmanuel Burdeau

« Musiques de stars » (Olivier Bellamy), Radio Classique, mardi 22 et mercredi 23 juillet 2008, de 17h00 à 19h00 - Rediffusions : Jean Rochefort (acteur), Josée Dayan (réalisatrice)

« Ça vous dérange » (Philippe Bertrand), France Inter, 24 juillet 2008, de  : « Le cinéma français a-t-il gagné un nouveau souffle ? », avec Patrick Sobelman (producteur Agat Films & Ex-Nihilo) et Laurent Vallet (Directeur Générale de l’Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles)


 

 

Rediffusions, dans le cadre des « Nuits » de France Culture :

« Mardis du cinéma » (Noël Simsolo, 8 mars 1988), nuit du samedi 19 au dimanche 20 juillet 2008, de 1h00 à 2h30 : « Brigadoon »

« Mardis du cinéma » (Michel Cazenave, 15 décembre 197), nuit du dimanche 20 au lundi 21 juillet 2008, de 3h25 à 4h50 : « Michael Curtiz »


 

 

Rappel : Grille des émissions de radio spécifiquement consacrées au cinéma

 

Voir les commentaires

LIBÉRATION DE "LIBÉ", PAR DELANNOY ?

18 Juillet 2008, 01:29am

Publié par Mister Arkadin

Une rumeur s’est propagée en début de mois dans les petits milieux de la cinéphilie parisienne, notamment du côté de Bercy, selon laquelle les nécrologies publiées par Libération et Le Figaro sur Jean Delannoy auraient été assez proches. Le premier se serait même peut-être inspiré du second. Cela signifiait qu’il se serait dépris de la doxa critique qui, depuis la Nouvelle Vague, a rejeté dans les ténèbres de nombreux cinéastes de talent dont elle voulait prendre la place et qui avaient le tort d’avoir d’autres conceptions qu’elle du cinéma (et de la civilité). Un Clouzot ou un Duvivier n’ont plus guère besoin d’être réhabilités. Un Carné ou un Christian-Jaque, encore un peu. Mais Delannoy, ce serait carrément une surprise de ne pas le voir dédaigner par la critique qui pense.

À y regarder de près, Libération n’est pas encore tout à fait libéré de ses œillères, pas par Delannoy en tout cas. C’est dans le numéro du 20 juin 2008, dans une mince colonne « Variétés » de la section « Culture » (page 33), qu’a paru, sous le titre « Delannoy décédé », l’avis suivant : « Le réalisateur Jean Delannoy est décédé mercredi à l’âge de 100 ans. En plus de 60 ans, il avait signé une cinquantaine de films, souvent populaires, dont L’Eternel Retour (1943), la Symphonie pastorale (1946), Marie-Antoinette (1956), Notre Dame-de-Paris (1957)… » Le reproduire in extenso ne m’a pas coûté beaucoup d’efforts, pas plus qu’aux journalistes de Libé pour l’écrire. Comme enterrement de première classe, on ne fait pas mieux ! À tel point qu’en tapant le nom de Jean Delannoy dans le moteur de recherche du site de Libé, on ne tombe pas sur cet avis, mais sur un lien mis en ligne le 19 juin vers le blog Cinoque d’Edouard Waintrop. Le voici donc, ce fameux article relativement laudateur qu’a publié un journaliste de Libé sur Delannoy (dont les films « valent bien A bout de souffle, Les 400 coups et autres Cousins », ô sacrilège !) ; mais non le journal lui-même, comme si le Net constituait un refuge, un espace de liberté où ses journalistes pouvaient reprendre un peu d’autonomie (je note toutefois que Waintrop n’a pas créé de catégorie « Jean Delannoy » pour que celui-ci prenne place parmi les cinéastes [Alain Corneau, Alfred Hitchcock, Andre De Toth, Cecil B. DeMille, Charlie Chaplin, Dino Risi, Don Siegel, etc.] dont le nom figure en permanence dans la colonne de droite de "Cinoque").

Pour sa part, Le Figaro a bien publié l’article pondéré mais respectueux qu’on pouvait attendre de son auteur, notre ami Philippe d’Hugues.

Le Monde se situe entre Libération et Le Figaro, comme on pourra le constater ci-dessous.


Jean Delannoy, un artisan du septième art

Philippe d'Hugues, Le Figaro, 20 juin 2008


Vers 1950, il est unanimement considéré comme un des principaux cinéastes français. Dix ans plus tard, il pâtit d'un tel discrédit que sa réputation ne s'en remettra jamais vraiment.

 

Le réalisateur de «La Symphonie pastorale» disparaît alors qu'il venait d'avoir 100 ans. Il laisse une œuvre abondante, avec quelques titres célèbres comme « L'Éternel Retour », «Notre-Dame de Paris», «Maigret et l'Affaire Saint-Fiacre».

Maintenant, il va être plus facile de lui rendre justice, à lui et à son œuvre. Destinée paradoxale que celle de Jean Delannoy : vers 1950, il est unanimement considéré comme un des principaux cinéastes français. Dix ans plus tard, il pâtit d'un tel discrédit que sa réputation ne s'en remettra jamais vraiment. Certains de ses meilleurs films ne seront jamais considérés comme tels, même si la faveur du public les accompagne encore, sauf en fin de carrière. La critique qui compte, celle qui fait l'opinion, l'a abandonné, et il ne retrouvera jamais ses bonnes grâces. Cette chute fracassante est l'œuvre de la nouvelle vague, et plus précisément de François Truffaut et de ses amis journalistes, puis cinéastes. Cela n'alla pas (comme au même moment pour Autant-Lara) sans beaucoup d'excès et beaucoup d'injustice. Malheureusement aussi, Jean Delannoy prêta trop souvent le flanc à des critiques qui n'étaient pas totalement sans fondement, et il sembla parfois vouloir donner raison à ses détracteurs. À la fin, les défauts l'emportèrent sur les qualités, alors que pendant longtemps ce fut le contraire.

Comme Clouzot, comme Becker, comme Bresson, Delannoy fait partie de la génération qui mit à profit le renouveau cinématographique étonnant de l'Occupation pour se révéler et s'imposer. Après ses vrais débuts, à la veille de la guerre, avec La Vénus de l'or (1938), c'est avec Macao, l'enfer du jeu que Delannoy frappe son premier grand coup. Commencé en 1939 avec Erich von Stroheim comme vedette, le film fut interdit pour cette raison, l'acteur étant sur la liste noire des nazis. Il fallut le remplacer par Pierre Renoir et retourner toutes les scènes où il figurait. À ce prix, le film fut exploité, et il sortit en 1942 avec un franc succès.

Entre-temps, Delannoy avait déjà réalisé trois autres films, de qualité assez moyenne mais qui avaient bénéficié du vide des écrans au début de l'Occupation. Ainsi, Fièvres, grand succès de Tino Rossi, et L'assassin a peur la nuit avaient ouvert la voie à Macao, l'enfer du jeu sorti en même temps que Pontcarral, colonel d'Empire (1942) qui fut un triomphe. Cette belle histoire héroïco-patriotique fut revendiquée plus tard par la Résistance (un de ses chefs prit même le nom du héros comme nom de guerre), pourtant le film avait bel et bien été subventionné par le gouvernement de l'État français. En fait, il y soufflait un vent de fronde qui, fin 1942, ne pouvait que plaire à tout le monde, sans qu'il faille y chercher davantage. En 1943, ce fut l'apothéose de Delannoy avec L'Éternel Retour, écrit et pratiquement coréalisé par Jean Cocteau. C'est celui-ci qui avait choisi le metteur en scène, ayant apprécié les deux films précédents, et surtout L'Enfer du jeu, dont il avait adoré le caractère feuilletonesque. L'Éternel Retour, transposition moderne de Tristan et Yseult, fut un des grands événements cinématographiques de l'Occupation, et la blondeur de Jean Marais fit rêver beaucoup de jeunes filles françaises.

Quoique vieilli aujourd'hui, le film demeure un repère historique incontestable. Il fut suivi d'un excellent Bossu (1944), une des meilleures versions du fameux roman. Ensuite, en 1946, nouveau triomphe, grâce à Gide cette fois et à La Symphonie pastorale, qui marquait la rentrée de Michèle Morgan, après les années d'exil hollywoodien. C'est aussi à ce film que remonte, à juste titre cette fois, l'accusation d'académisme portée contre Delannoy par la jeune cri­tique des années 1950.

Une réhabilitation partielle

D'autres titres viendront la confirmer, comme Les jeux sont faits (1947) sur un scénario de Sartre, Aux yeux du souvenir (1948), La Minute de vérité (1952), Chiens perdus sans collier (1955), Notre-Dame de Paris (1956) ou Vénus impériale (1962) et plusieurs autres qu'on n'a guère envie de défendre.

La bande annonce de «Notre-Dame de Paris» :

Mais, parallèlement, Delannoy continuait de réaliser d'excellents films, couverts d'un égal opprobre, beaucoup moins mérité. C'est sur eux que s'appuieront, pour une réhabilitation partielle, des cinéphiles plus jeunes comme Bertrand Tavernier ou Jacques Lourcelles : Le Garçon sauvage (1951), bien dialogué par Henri Jeanson, ou deux adaptations de Simenon comme Maigret tend un piège (1957) et surtout Maigret et l'Affaire Saint-Fiacre (1959) où Lourcelles a raison de voir « la transposition la plus attachante d'un Maigret au cinéma ».

Un extrait de «Maigret tend un piège» :

On y ajouterait volontiers Dieu a besoin des hommes (1950) qui reste excellent, très supérieur à La Symphonie pastorale (grâce, pour une bonne part, à Pierre Fresnay, inoubliable), et une Marie-Antoinette (1955) un peu trop entachée du fameux académisme, qui reste l'écueil majeur pour Delannoy, plutôt que La Princesse de Clèves, (1961), joliment adapté par Cocteau mais qui avait le tort de venir dix ou quinze ans trop tard. Après Les Amitiés particulières (1964), qui restituait avec tact et respect l'atmosphère du roman de Roger Peyrefitte, on peut ignorer la demi-douzaine de titres qui achèvent une carrière nettement sur le déclin et qui fut un peu trop prolifique.

Delannoy était l'homme d'un autre âge, et il ne fut pas le seul à ne pas s'en apercevoir à temps. Ce n'est pas une raison pour condamner l'ensemble de son œuvre, alors qu'un bon tiers de ses films méritent qu'on s'en souvienne et que trois ou quatre sont de grandes œuvres. Certes, Delannoy ne fut pas un « auteur » au sens qu'on donne au mot aujourd'hui. Mais qui finalement fut, à son époque, un véritable auteur ? Entre les films qu'ils voulaient mais ne purent tourner et ceux qu'ils durent réaliser à contrecœur (car, sauf à renoncer, il faut bien continuer de travailler), la plupart de ses contemporains (sauf Bresson) ne firent guère davantage œuvre d'auteur. Ils se contentèrent d'être des cinéastes, tantôt excellents, tantôt moins inspirés. C'est à leurs côtés que Jean Delannoy, metteur en scène aux limites évidentes, mais toujours respectueux de son art, mérite une place plus qu'honorable et même importante. Le temps est venu de la lui restituer.


Un « monsieur », Jean des Cars, Le Figaro, 20 juin 2008

L'historien Jean des Cars, très proche du cinéaste, témoigne sur celui qui fut considéré comme le survivant d'une autre époque, pour ne pas dire de la préhistoire.

Ce gentilhomme qui n'élevait jamais la voix et avait dirigé les plus grands, de Jean Marais à Jean Gabin en passant par Pierre Fresnay et Gina Lollobrigida, avait, dans son œuvre, résisté à tous les sarcasmes de la nouvelle vague, à toutes les critiques dites intellectuelles des années 1960.

Cinéma de papa, voire de grand-papa ? Sans doute, mais alors on en redemande ! Car Jean Delannoy savait tricoter une intrigue, écrire un scénario, raconter une histoire. Il savait donner la parole aux meilleurs, comme Michel Audiard. Réalisation carrée, comédiens tous remarquables, c'était du solide et dans une époque où tout se démode comme d'habitude  , revoir Maigret tend un piège, Maigret et l'Affaire Saint-Fiacre, La Symphonie pastorale, La Princesse de Clèves et Marie-Antoinette est toujours un régal, pour l'œil comme pour l'oreille, dans des genres on ne peut plus différents. La véritable qualité française, sans acrobatie ni esbroufe. Un grand classique.

Il avait conservé tous ses films en 16 mm

Il y a quelques mois, Michèle Morgan et Marina Vlady ont été saluer ce centenaire dans sa maison aux portes de la Normandie. Elles étaient très émues. Il avait conservé tous ses films en 16 mm et, en 2004, achevant mon livre Rodolphe et les secrets de Mayerling, je lui ai demandé de me prêter sa copie pour revoir ce long-métrage de 1949, courageux et toujours boycotté parce que le seulà défendre la thèse de l'assassinat de l'archiduc héritier, fils deSissi.

Il me dit : « Mais vous le trouverez en cassette. C'est plus simple ! » Certes, sauf que... la version vendue en cassette vidéo est amputée de sept minutes (sans aucune explication) et adopte donc l'éternelle thèse du double suicide… Quand je lui ai révélé cette incroyable censure clandestine de son œuvre, il me dit : « Eh bien, avec moi, vous avez un mystère de plus à ajouter à l'énigme de Mayerling ! »

Un réalisateur qui incarnait soixante-quinze ans de cinéma, ainsi que l'a montré Pierre Unia dans un magnifique hommage où des talents d'une autre génération, comme Yves Boisset, reconnaissent celui de Jean Delannoy. Un cinéma très « français » a perdu l'un de ses maîtres.

Au revoir, cher Jean…


« Jean Delannoy, cinéaste »

Jean-Luc Douin, Le Monde, 21 juin 2008

ne plaisanterie, qui avait été lancée par le cinéaste Jean-Luc Godard, courait Paris au début des années 1960 : le réalisateur du Mépris affirmait avoir vu Jean Delannoy arriver aux studios de Billancourt avec une petite serviette qui le faisait ressembler à un employé d'une compagnie d'assurances. C'est cet homme-là, l'une des têtes de turc de la Nouvelle Vague - cette dernière lui reprochait d'incarner un cinéma français sclérosé, colonisé par les scénaristes en vogue, otage des adaptations littéraires académiques et coupé de la réalité -, qui est mort, le 18 juin, à l'âge de 100 ans.

Né le 12 janvier 1908 à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), licencié ès lettres, il avait hésité : embrasserait-il la carrière de banquier, de journaliste sportif ou de décorateur ? Il finit par opter pour le cinéma, où sa soeur, Henriette Delannoy, s'était fait remarquer comme actrice au temps du muet. Jean Delannoy avait une raide silhouette de notable, un visage peu souriant, mais son apparente froideur cachait un honnête homme, passionné. D'abord acteur, il se spécialise un temps dans le montage, avant de se voir confier la mise en scène de courts et moyens métrages.

C'est avec Mireille Balin qu'il connaît son premier succès en 1938 : La Vénus de l'or. Suivent Macao, l'enfer du jeu, d'après un roman de Maurice Dekobra (1939), un temps bloqué par la censure allemande à cause de la présence d'Eric von Stroheim, Fièvres, avec Tino Rossi (1941), Pontcarral, colonel d'Empire (1942), un film historique à panache avec Pierre Blanchar, dont il doit ôter quelques répliques patriotiques : membre du Comité de libération du cinéma, Delannoy y dénonce implicitement le régime de Vichy.

En 1943, L'Eternel Retour le consacre. Il s'agit d'un scénario de Jean Cocteau, transposition contemporaine de la légende de Tristan et Iseut, avec Jean Marais et Madeleine Sologne. Jean Delannoy est féru des grands mythes et des histoires d'amour célèbres, comme le démontreront Vénus impériale (1962), reconstitution du mariage entre Napoléon et Marie-Louise, et surtout La Princesse de Clèves (1961), inspiré de l'oeuvre de Madame de La Fayette, avec Marina Vlady. Fier de sa carrière et rancunier à l'égard des critiques, qui lui reprochent de faire un "cinéma de papa", l'auteur s'enorgueillit d'avoir réalisé un film qui apparaît comme "l'antithèse de ceux de la Nouvelle Vague, qui sont réalistes et bâclés". A une époque où sévissent, dit-il, "les blousons noirs", il a à coeur de faire l'éloge "de la beauté et de la perfection".

Le goût du mélodrame se mêle chez lui à celui des aventures héroïques, dans un style assez glacé, solennel, parfois pompeux. Amateur de films en costumes et de transpositions à l'écran de grands auteurs, il signe Le Bossu (1944), où Lagardère incarne la résistance à l'occupant allemand. La Symphonie pastorale, d'après André Gide (1946), obtient le Grand Prix au Festival de Cannes. Il signe encore Les Jeux sont faits, d'après Jean-Paul Sartre, avec Micheline Presle (1947), Marie-Antoinette, avec Michèle Morgan (1956), Notre-Dame de Paris, d'après Victor Hugo, avec Gina Lollobrigida et Anthony Quinn (1957), L'Histoire du chevalier Des Grieux (1978), écrit par Jean Anouilh.

Cet adepte du cinéma populaire avait porté à l'écran deux Maigret avec Jean Gabin, Maigret tend un piège (1958) et Maigret et l'affaire Saint-Fiacre (1959). Il continue sa collaboration Jean Gabin-Georges Simenon par Le Baron de l'écluse (1960), avec des dialogues de Maurice Druon et Michel Audiard. Le Soleil des voyous (1967) est son ultime collaboration avec Gabin, qui, dit-il, est devenu "sa propre caricature".

Pourtant peu porté sur la spiritualité, Jean Delannoy a également signé Dieu a besoin des hommes (1950), inspiré par le livre d'Henri Queffélec Un recteur de l'île de Sein, avec Pierre Fresnay (pressenti pour le rôle, Gérard Philipe l'avait refusé sous prétexte que c'était un film religieux). Il tourna encore Bernadette (1988), un film sur la petite visionnaire de Lourdes où, touché par la pureté d'âme de son héroïne, il surmonte sa réticence protestante pour "les manifestations religieuses, d'où qu'elles viennent". Son dernier film est Marie de Nazareth (1995).

Jean Delannoy a occupé plusieurs postes honorifiques : président de l'Association des auteurs de films de 1965 à 1967, de l'Institut des hautes études cinématographiques (Idhec) en 1973 et du Syndicat national des auteurs et compositeurs de 1976 à 1981.


Dates clés

12 janvier 1908
Naissance à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis).

1943
L'Eternel Retour, scénario de Jean Cocteau.

1957
Notre-Dame de Paris.

18 juin 2008
Mort.

Voir les commentaires

VALSE AVEC L’AVOCAT DE LA TERREUR

17 Juillet 2008, 01:21am

Publié par Mister Arkadin

Ari Folman s’est-il vraiment montré audacieux en exposant et explorant, dans Valse avec Bachir, le malaise qu’il éprouve en se remémorant les massacres de Sabra et Chatila, auxquels il assista passivement, sans se rendre réellement compte de ce qui se passait ? Ne serait-ce pas un moyen pour Israël de se dédouaner, de minimiser son degré d’implication et la culpabilité de ses dirigeants, de son armée et de ses soldats, en plaidant l’irresponsabilité, à tous les sens du terme ? Ayant fait l’éloge du film au dernier "Libre journal du cinéma", je pense qu’il s’agit d’un mauvais procès. D’abord parce qu’un film israélien ne peut qu’être d’une certaine façon juge et partie à ce sujet et que Folman s’en sort de ce fait aussi bien que cela lui était possible. Ensuite parce que le parallèle qu’il établit entre Sabra et Chatila et la Shoah, à travers la comparaison des gestes et attitudes d’un enfant du ghetto de Varsovie et de rescapés libanais, me paraît aller assez loin dans l’introspection sincère et sans tabou.

 

 

Aussi bizarre que puisse paraître ce rapprochement, cela m’a rappelé L’Avocat de la terreur, le film de Barbet Schroeder sur Maître Jacques Vergès. Schroeder n’a pas osé pousser son portrait de Vergès jusqu’aux dernières années. Cela le dispense de traiter correctement la question du terrorisme palestinien contre Israël, juste évoquée. Mais l’on sent bien que Schroeder est gêné par le propos véhiculé par son film, qui laisse penser qu’il considère que Vergès, après des débuts exemplaires, s’est fourvoyé – thèse communément admise. On le sentirait presque prêt à se demander si ce n’est pas son admiration pour le défenseur des terroristes du FLN lors de la guerre d’Algérie, au nom de la Cause et du principe de la fin qui justifie les moyens, qui entre en contradiction avec son sionisme et son aversion pour le terrorisme qui touche Israël. Schroeder ne se demande-t-il pas in fine si ce n’est pas Vergès qui est resté fidèle à ses principes alors que lui-même les fait varier selon l’opportunité, selon les circonstances, qui ne devraient pas primer sur les principes ? Une fois que l’Etat d’Israël, de part la colonisation de territoires palestiniens, se voit confronté à des problèmes similaires à ceux que rencontra l’Etat français lors de la décolonisation, Shroeder est amené à reconsidérer, sinon ses idéaux de jeunesse, au moins les prises de position qui en ont résulté. De la même manière, étant confronté à la question de la complicité d’Israël dans un massacre de populations civiles, on sent Folman prêt à reconsidérer la question de la complicité des Etats qui ont collaboré avec l’Allemagne, et à plus forte raison des alliés, dans la mise en œuvre de la Solution finale, à tout le moins leur passivité et leur incapacité à en prendre conscience à temps et à l’entraver.

Voir les commentaires

DU RECORD DES CH’TIS ET DE LA CHRONOLOGIE DES MÉDIAS

16 Juillet 2008, 00:49am

Publié par Mister Arkadin

« Les Ch’tis ne devraient pas battre "Titanic" », a titré Le Monde dans son édition du 4 juillet 2008, suite au score décevant du film de Dany Boon lors de la "fête du cinéma", fin juin. Le record de Titanic devrait tenir, puisqu’il compte encore 500 000 spectateurs de plus. Avance en apparence très confortable, et qui devrait le rester, le film de Dany Boon ne réalisant plus que 15 000 entrées environ lors d’une semaine normale.

Jamais je n’avais eu une aussi claire conscience des bouleversements de la fréquentation des films en salles et de la fameuse "chronologie des médias" qu’à la lecture de cette information. Que nous dit-elle en effet ? Qu’un film sorti le 27 février 2008, qui faisait plus d’un million d’entrées par semaine à ses débuts, n’en attire plus que quelques milliers moins de six mois plus tard, alors même que l’on parle encore énormément de lui (encore la bouille de Dany Boon en une de Paris Match récemment). 500 000 spectateurs, par rapport à 20 000 000, cela représente 2,5 %. Autrement dit, il est d’ores et déjà acquis pour tout le monde (i.e. exploitants, distributeurs, journalistes, etc.) que le film aura fait plus de 97 % de ses entrées en cinq mois, que, non seulement il sortira de l’affiche prochainement (contrairement à Emmanuelle, par exemple, qui était encore projeté dans une salle parisienne au début des années 1980, des années après sa sortie), mais qu’une reprise dans quelques années ne permettrait pas de combler ce si faible retard sur Titanic, reprise plutôt improbable d’ailleurs, vu la carrière que Bienvenue chez les Ch’tis devrait faire en DVD, puis à la télévision, où l’on peut parier qu’il sera presque aussi souvent diffusé que La Grande vadrouille. Bref, tous ceux qui voulaient voir le film en salles l’ont vu, le bouche à oreille ne fonctionne que quelques semaines durant, les autres l’ayant vu dans une version piratée ou attendant qu’il soit disponible légalement sur les petits écrans.

Le constat n’est pas tout à fait nouveau, mais, à l’heure où un groupe de cinéastes considère que « la mise à disposition des films [en DVD, VOD ou à la TV] plus tôt après leur sortie en salles » serait l’une des seules mesures susceptibles de compenser les restrictions induites par la lutte contre les téléchargements sauvages sur Internet, qu’il appelle de ses vœux en prenant la défense du projet de loi « création et Internet » (« Culture ne rime pas avec gratuité », Le Monde, 9 juillet 2008), il laisse tout de même songeur.

Voir les commentaires

DES BLOGS

15 Juillet 2008, 00:16am

Publié par Mister Arkadin

La table ronde sur l’avenir de la critique au regard du développement des blogs, que j’ai annoncée ici il y a une vingtaine de jours et dont la Cinémathèque propose un enregistrement vidéo, , s’est révélée suffisamment stimulante pour m’inciter à compléter ma page de liens relative aux blogs de cinéma. Je me suis contenté pour l’instant d’un classement alphabétique, sans trop de sélection et sans hiérarchie, quoiqu’il aille de soi qu’on y trouve à boire et à manger. J’ai toutefois voulu présenter un panorama assez vaste pour rendre justice à la variété permise par Internet et à la vitalité de la cinéphilie qui s'y déploie.

N’ayant pas le temps de rédiger un compte rendu des débats de la Cinémathèque, je reprends tout de même quelques-uns des propos les plus pertinents :

- Internet est principalement « un média qui met en relation les archives et l’actualité », qui permet par conséquent de « mettre en relation le cinéma d’aujourd’hui avec la mémoire, avec sa propre cinémathèque imaginaire », ainsi qu’avec d’autres disciplines (Joachim Pasquier, 365 jours ouvrables) ;

- Deux problèmes se posent : l’anonymat qui règne parfois sur Internet (notamment sur les forums), la question de la responsabilité de ses écrits demeurant essentielle ; l’archivage des sites, qui disparaissent, évoluent, se perdent dans les sphères informatiques sans que leur histoire ait été écrite ou qu’elle puisse l’être à l’avenir (Alexandre Tylski, cadrage.net) ;

- La critique sur Internet peut et doit permettre le développement de modes d’écriture audiovisuelle nouveaux, propice aux collusions, aux rapprochements inattendus mais pertinents, pour autant qu’elle ne soit pas entravée par le problème des droits d’auteur (Luc Lagier, Arte) ;

- Se pose encore plus sur Internet que dans la presse traditionnelle la question de l’expertise, de la légitimité de tel ou tel à s’exprimer sur le cinéma, à juger les films, tout en permettant de s’affranchir du positionnement imposé par son support de presse, par le créneau de son journal, de se détacher aussi de l’obligation de prescription ;

- A cette question du rôle et de la légitimité de la critique, N.T. Binh répond en rappelant le mot d’Oscar Wilde, du temps où il n’était encore que critique dramatique et qu’un auteur lui demandait de quel droit il dénigrait sa pièce : « Je n’ai pas besoin d’être une poule pour reconnaître un œuf pourri. »


Lien complémentaire :

Le blog des "nouveaux cinéphiles" mentionne d'autres comptes rendus de cette manifestation.

 

Voir les commentaires