Les thèses "complotistes" sur l’usage satanique que telle ou telle société secrète ferait des médias de masse, et en particulier du cinéma, m’ont toujours laissé quelque peu dubitatif, sinon pour le moins amusé. Aussi les messages subliminaux dont maints dessins animés, clips et chansons de variété anglo-saxonne regorgeraient ne m’ont-ils guère convaincu que leurs dénonciateurs avaient raison d’y voir plus que des blagues de potaches. J’ai souvenir que Tim Burton raconte s’être défoulé en réalisant son court métrage Vincent, d’après Edgar Allan Po, exaspéré qu’il était d’avoir à dessiner toute la journée durant des petits oiseaux et de doux lapins quand il travaillait pour les ateliers Disney. Des réalisateurs ne peuvent-ils avoir glissé quelques dessins horrifiques, coquins, voire pornographes dans les films de cette firme pour se divertir un peu, plus que par volonté de pervertir la jeunesse ? Faut-il voir dans le phénomène plus qu’un exutoire ? De même dans les messages, pour le coup pas du tout subliminaux, des groupes de hard rock que j’écoutais dans ma jeunesse (Hell ain’t a Bad Place to Be, d’AC/DC étant l’exemple cardinal, où il n’était point besoin d’aller chercher un sous texte ou de passer la bande à l’envers pour y découvrir le sens caché) et qu’il m’arrive encore d’écouter avec plaisir (tiens, pourquoi ne pas s’écouter un petit Whole Lotta Rosie de derrière les fagots ?).
Ceci explique qu’aujourd’hui que j’en aurais besoin, je n’arrive pas à remettre la main sur le livre Illuminati. De l’industrie du Rock à Walt Disney : les arcanes du satanisme (Éditions du Salat, 2012), que son auteur, Laurent Glauzy, croisé au sortir d’un studio de radio, m’avait très aimablement envoyé, bien que je lui eusse dit que le sujet, pour passionnant qu’il était probablement, n’était pas au centre de mes préoccupations présentement. Oserais-je écrire que j’eus l’impression d’être confronté à un aussi gentil que fantaisiste hurluberlu, ce que les titres de ses autres ouvrages paraissaient amplement confirmer (1) – à moins qu’il ne faille faire la part dans cette réaction de la prévention, du refus d’être dupe de théories fumeuses que se doit de manifester tout "esprit fort". Car si, par courtoisie, je m’étais tout de même promis de lire le livre reçu (108 pages, me renseigne Internet, ce n’était pas la mer à boire), force est de constater qu’il a rejoint l’une des nombreuses piles d’ouvrages mis de côté qui jonchent mon appartement, rangés, plutôt moins que plus, parmi les "à consulter plus ou moins prochainement", où le "moins" l’emporte à nouveau de beaucoup sur le "plus".
Or, je n’ai pu m’empêcher d’y repenser en voyant le dernier Pixar, dont l’absorption par Disney ne fait désormais plus aucun doute. La mièvrerie du film, ses couleurs aussi laides que criardes, sa saveur de bonbon acidulé mal dosé, le faible marquage sexuel du personnage principal (2), son sentimentalisme dégoulinant, le primat de l’émotionnel comme moteur quasi exclusif des actions humaines renvoient-t-ils uniquement à l’univers Disney ou n’est-il pas d’imprégnation franchement LGBT ? N’avons-nous pas affaire à un film de propagande propre à combler d’aise un Frédéric Martel [1] ?
Si le film vous enchose aussi profondément que moi, prenez votre mal en patience en jouant à un petit jeu : comptez le nombre d’apparition du drapeau arc-en-ciel qu’affectionne tant le mouvement LGBT et que l’on retrouve sur la couverture d'un livre du susdit, Global Gay. Comment la Révolution gay change le monde (3). Les cinq plus évidents : les couleurs des cinq personnages représentant les émotions qui régissent le comportement de Riley ; le polo de la fille à son arrivée à San Francisco (4) ; l’insigne qu’arbore son protecteur imaginaire (Bing Bong) ; la trainée derrière le véhicule de ce dernier ; la licorne Arc-en-ciel.
On l’aura compris au nom de ce dernier personnage, la propagande n’est pour le moins guère subliminale dans ce Vice Versa : l’esthétique et la thématique gays n’y sont pas abordés en douce, mais frontalement. De tout le film suinte cette atmosphère. Aussi ne soyez pas surpris par cette traduction bizarre du titre original, Inside / Out. L’un et l’autre renvoie au même univers.
Les distributeurs français ont choisi une expression chérie par "la communauté" (5) : remember le bar lillois dont les médias ont si abondamment et opportunément relayé l’attaque qu’il subit durant les débats sur le mariage gay.
Quant au titre amerloque, la référence est encore plus explicite. Il n’est que de lire la description qu’Amazon donne du livre Inside / Out. Lesbians Theories, Gay Theories (edited by Diana Fuss, Routledge, Chapman and Hall, Inc., 1991) : « Lesbians and gays have gone from "coming out," to "acting up," to "outing," meanwhile radically redefining society's views on sexuality and gender. The essays in Inside/Out employ a variety of approaches (psychoanalysis, deconstruction, semiotics, and discourse theory) to investigate representations of sex and sexual difference in literature, film, video, music, and photography. Engaging the figures of divas, dykes, vampires and queens, the contributors address issues such as AIDS, pornography, pedagogy, authorship, and activism. Inside/Out shifts the focus from sex to sexual orientation, provoking a reconsideration of the concepts of the sexual and the political. » [2]
"a reconsideration" : comme ces choses-là sont bien dites. Et comme elles sont bien faites par l’oncle Sam dans sa production à destination des chères têtes blondes ! « La technique invasive d'une imagerie façonnant l'esprit d'un vaste public au point de décider de représenter cet esprit lui-même, c'est ici le dernier tour de force et l'ultime tyrannie de l'entreprise Pixar dans sa douce expansion colonisatrice », comme le dit Didier Péron dans son papier de Libération (17 juin 2015, p.27), de façon aussi pertinente qu'imprécise (puisque ladite imagerie n'est décrite que de manière superficielle). [3]
Quoi qu’il en soit, après l’aussi éprouvant À la poursuite de demain (6), cela fait deux de chute, parmi mes cinéastes d’animation préférés, Brad Bird, le réalisateur des excellents Les Indestructibles et Ratatouille, s’étant essayé en vain au film avec acteur réel et Pete Doctor, responsable des formidables Wall-E et Là-haut (7), ayant fini par se laisser engluer dans la gangue disneyenne.
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Notes :
(1) Extraterrestres, les messagers du New Age ou Du mystère : ça vous a-t-y pas des airs de douce dinguerie ?
(2) Défini comme une fille ("She", ai-je entendu, si mes souvenirs sont bons), il porte cela va de soi un prénom aussi bien féminin que masculin, Riley, qui est celui d’un personnage masculin de la série tv Buffy contre les vampires, interprété par Marc Blucas. Il était aussi celui de B.B. King.
En revanche, sa pratique du hockey sur glace, sport assez viril, que j’ai cru identifier comme un indice flagrant de la volonté de masculiniser cette Riley, n’est point probante. Il semble en effet en vogue chez les femmes depuis assez longtemps en Amérique du Nord.
(3) Ce livre a été suivi d’un documentaire au sous-titre plus gnan-gnan, opérant de la sorte un renversement du point de vu présenté, d’offensif à défensif : Global Gay : pour qu’aimer ne soit plus un crime.
(4) Paradoxe d’une production Disney, ménageant la chèvre et le chou (pour tromper son monde ?) : cette ville, parfois considérée comme « la patrie des homos », y est présentée comme d’une infinie tristesse pour l’héroïne, qui souhaite retourner dans le Minnesota de son enfance heureuse, quitte à fuguer, avant de se raviser pour trouver du réconfort dans les bras de papa-maman.
(5) « Vice Versa (1947–1948), subtitled "America's Gayest Magazine", is the earliest known U.S. periodical published especially for lesbians, as well as the earliest extant example of the lesbian and gay press in that country », nous apprend Wikipedia.
(6) L'objet de ce film est encore plus flagrant que celui de Vice Versa : préparer les esprits à la cohabitation robots / humains (thème à la mode - cf. Ex Machina), en rendant plausible une relation sentimentale entre les deux.
(7) Les dix premières minutes de ce film sont les plus belles qui m’aient été données de voir à l’écran sur la vie d’un couple.
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Compléments :
(30 juin 2015)
[1] Suite à la décision de la Cour Suprême d'imposer le mariage gay dans tous les états des USA, celui-ci a diffusé un message "Gay Marriage Victory in the US" pour promouvoir trois articles publiés sur le sujet :
- "A la veille de la Gay Pride, un "Stonewall juridique" ce vendredi 26 juin : la victoire du mariage gay"
- "La victoire gay de Barack Obama"
- "Tour du monde de la question gay en 22 pays friendly et 80 pays homophobes"
[2] Arte a diffusé le samedi 27 juin 2015, à 22h20, le premier volet du documentaire Tellements ! Homosexualité et pop culture. Son titre : "Inside". Le titre du second, qui passera le samedi suivant : "Out".
[3] Jo Biden aurait remercié Hollywood, et en particulier ses dirigeants juifs, pour son action en faveur du marriage gay : news anglo-saxonne ; traduction française.
(14 juillet 2015)
[4] Qui apporte son soutien le plus enthousiasme à la propagande LGBT ?
(14 septembre 2016)
On ne pourra pas dire que l'industrie du spectacle n'a pas un beau projet pour nos chères petites têtes blondes :
(3 décembre 2016)
Ce projet rejoint celui du cosmopolitisme prôné d'un peu partout, auquel Guy Sorman a donné l'orientation arc-en-ciel à la mode : « L'immigration légale ou non se poursuivra, le métissage intérieur continuera et la nouvelle race américaine, arc-en-ciel, se substituera nécessairement à la résistance des mâles blancs » (Le Monde, 11 novembre 2016 ; cité par Faits & Documents, n°424, 15-30 novembre 2016, p.4).