Au cas où l'antipathie que nous pourrions avoir pour le FN deviendrait trop forte, les gens biens, i.e. les cinéastes "de gauche", les journaux sérieux (bien que quasiment personne ne leur fasse plus confiance) et les politiques progressistes, se chargent de nous donner furieusement envie de le défendre sur certains points. La ministre de la Culture, en pilotage automatique, vient d'enfourcher l'inusable cheval de bataille de la "liberté d'expression", comme elle le fit pour le rappeur qui appelait à s'amuser lors des commémorations de Verdun. Tout appel à la censure m'est a priori désagréable. Si c'est ce qu'ont fait les gens du FN, en plus de s'étonner qu'un film qui prend pour cible un parti d'opposition ayant le vent en poupe à deux mois de l'élection majeure soit financé sur deniers publics (non par l'Avance sur recettes, nous informe Libération, mais tout de même par des chaînes vivant de la Redevance), ils ont eu tort, d'autant que ce film de propagande ne leur nuira probablement guère (1).
En revanche, alors que je ne trouvais pas forcément tous les arguments de Lucas Belvaux de mauvaise foi (sans doute en vertu d'un préjugé favorable pour ce réalisateur que j'aime bien, surtout depuis sa trilogie et l'hilarant Pour rire !, principalement) (2), l'article de Libération, dont je laisse aux lecteurs deviner de quel côté il se range, me fait découvrir le Tartuffe : outre que Belvaux s'applique à y donner raison au réprouvé Reynouard (3), j'y apprends que lui et son coscénariste Jérôme Leroy (qu'on espérait occupés à d'autres besognes) ont appelé le parti de leur blonde égérie le Rassemblement national populaire, soit l'un des deux principaux partis de la Collaboration (celui de Déat). Avant même de voir le film, on peut donc en déduire qu'il ne s'en tient pas à "la réalité" (pour parler comme cette chère Audrey), il diffame.
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Notes :
(1) Aucun des films de Belvaux n'a dépassé 350.000 entrées en France ; gageons qu'il en sera de même pour celui-ci, pour autant qu'il ne boive carrément pas la tasse.
(2) Son 38 témoins, balourde métaphore sur l'inaction vis-à-vis de la Shoah, m'avait déjà fait regretter que Belvaux ne s'en tienne pas au genre dans lequel il excelle, la comédie - Rapt et les volets tragiques de sa trilogie n'étaient pas mal, ceci dit. Mi-figue, mi raison, son dernier film, Pas son genre, était en partie foiré, pour ne pas dire foireux.
(3) « On ne débat pas avec ces gens-là, leur tactique est toujours de décrédibiliser les contradicteurs [...] [etc.] » : n'est-ce pas çui-qui-dit-qui-est, comme on disait dans la cour de récréation ?
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Complément :
L'affiche du film, est-ce un paradoxe, est très séduisante et ne joue pas sur les teintes brunes et les visages fermés, voire butés, ressort habituel pour dénoncer "le-retour-des-heures-les-plus-sombres" :