Il y a un an, Louis Skorecki quittait Libération, où il avait tenu pendant des années la chronique quotidienne « Le Film » de la page « Télévision ». À l’occasion de cette anniversaire, voici un petit florilège de ses fameux aphorismes :
« Avant le cinéma, il y a toujours le cinéma. » (7 octobre 2004).
« La nouvelle vague n'a pas produit grand-chose de nouveau. » (8 novembre 2004).
« On reconnaît le cinéphile à son sourire idiot. » (9 novembre 2004).
« La dernière chronique de Skorecki vaut cent fois le dernier Godard. » (25 novembre 2004).
« Aimer Rambo, c'est un signe de distinction. » (29 novembre 2004).
« Quand le cinéma précède le cinéma, c’est la preuve qu’il existe encore en tant que "cinéma". » (1er décembre 2004).
« Il faut d'abord admirer le jeune Ford (surtout la trilogie Will Rogers) et pas le vieil homme bougon que quelques chefs-d'oeuvre complaisants (L'homme qui tua Liberty Valance, la Prisonnière du désert) ont imposé au monde des bobos et des gogos. » (6 décembre 2004).
« C’est un film qui rime avec lui-même. – Tu peux t’expliquer ? – Non. » (10 janvier 2005).
« Qu’est-ce qui est le plus important au cinéma ? - Le cinéma. - C’est quoi, le cinéma ? – Ben, c’est le cinéma. » (12 janvier 2005)
« Tu crois qu’on les apprend par cœur, tes chroniques ? – On devrait. » (3 mars 2005).
« Ah ah ah, Skorecki. C’était le bon temps. Qu’est-ce qu’il devient ? – Il travaille en usine. » (8 juillet 2005).
« Je n'aime pas le cinéma. Depuis quand au juste ? Dix ans, vingt ans, je ne sais plus. Je sais comment ça s'est passé mais pas quand. Ce n'est pas tant que les films devenaient mauvais (ils le devenaient), c'est que les spectateurs de cinéma, joyeux festivaliers et crétins à temps plein, devenaient eux aussi de plus en plus mauvais. S'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que je ne faisais pas partie de ce monde, et qu'il faisait encore moins partie du mien. J'ai cessé de faire des films, j'ai surtout cessé d'avoir le désir d'en faire. Dans ces conditions, dira-t-on (on me l'a souvent dit), pourquoi continuer à écrire sur le cinéma ? C'est qu'écrire et aimer sont deux choses différentes. Le seul grand théoricien français du cinéma, qui n'est ni André Bazin, ni Serge Daney, mais Jean-Pierre Oudart, ne s'est jamais intéressé qu'à la peinture. Personne n'a jamais moins aimé le cinéma que lui. Ce n'est pas comme s'il avait un jour cessé de l'aimer, il ne l'a jamais aimé. » (27 janvier 2005).
« Ils sont combien, à ton avis, les grands cinéastes qui ne sont pas des crapules ? […] Il faut être dur pour faire du cinéma. » (8 mars 2005)
« La télévision et le cinéma, c'est pareil. Il n'y a que les crétins pour ne pas s'en rendre compte. » (11 mars 2005)
« Plus un film est beau, plus il s'oublie vite. » (11 avril 2005)
« - Du téléfilm filmé ? - C'est ça. Aucun relief. Pitoyablement plat. Empesé, amidonné. - C'est souvent bien, ça. - Quand c'est Resnais, oui. - Tu aimes Resnais maintenant ? - I Want To Go Home, surtout. - Mais c'est raté. - C'est ça qui est bien. » (26 avril 2005)
« Eastwood, c'est juste un connard d'amateur de jazz. » (28 avril 2005)
« Drôle d'objet, aurait-il dit. Une manière de film pédé hétérosexuel, si vous voyez ce que je veux dire. » (sur Falbalas, 2 novembre 2005)
« Le cinéma d'aujourd'hui, que vous l'aimiez ou pas, s'appelle télé-réalité. » (12 janvier 2006)
« Je n'aime pas le cinéma. » (26, 27 et 30 janvier 2006 ; 8 février 2006)
« Le seul grand théoricien français du cinéma, qui n'est ni André Bazin, ni Serge Daney, mais Jean-Pierre Oudart, ne s'est jamais intéressé qu'à la peinture. Personne n'a jamais moins aimé le cinéma que lui. Ce n'est pas comme s'il avait un jour cessé de l'aimer, il ne l'a jamais aimé. » (27 janvier 2006)
« Quand les spectateurs deviennent mauvais, le "cinéma" se met entre guillemets. » (8 février 2006)
« Sait-on encore, en ces temps de fétichisation de l'image, cette pute qui n'a pas grand-chose à voir avec le cinéma, que c'est la parole qui le fonde, le cinéma ? Sait-on que la télévision, c'est le cinéma parvenu à ses fins, et qu'un Maigret avec Jean Richard vaut un Murnau ? » (13 mars 2006)
« Les Cahiers avaient aimé, j'étais interdit d'avis contraire. Dans les endroits chic, on parle de doxa. Je dirais plutôt connerie. Sans guillemets ? Oui. » (27 mars 2006)
« John Ford est le cinéma. » (18 avril 2006)
« Merci, John Wayne, d'être ce que tu es. » (25 avril 2006)
« Embrasser Cary Grant sur le menton, ça doit donner de sérieux frissons. » (26 avril 2006)
« la cinéphilie, un truc bête et aventureux qui a viré en abrutissement marchand » (7 juillet 2006)
« [le] Patrice Chéreau italien, Franco Zeffirelli » (13 juillet 2006)
« Les films sont faits pour être vus et oubliés. » (30 août 2006)
« Rendre un idiot intelligent, c'est une définition comme une autre du cinéma. » (31 août 2006)
« oublier les films de Duvivier, c'est un crime. » (12 septembre 2006)
« J'explore la tombe de Lang et j'y trouve le corps nu de Christophe. Bizarre, non? » (2 octobre 2006)
« Les Juifs, ça fait toujours sale. Ils sont toujours en trop. » (24 octobre 2006)
« le surestimé Monsieur Klein (1976), qui est d'une démagogie sans nom. » (26 octobre 2006)
« Ne pas oublier que le cinéma (celui de Pagnol, de Renoir, de Ford, de Welles) n'est que du théâtre filmé. Et rien d'autre. […] Cinéma et théâtre, c'est pareil. Tout le reste est littérature. » (8 novembre 2006)
« Le devenir-Barbie de Brisseau vaut largement le devenir-barbant du cinéma. » (3 janvier 2007)
« Brisseau est le dernier critique de cinéma. Il y avait Skorecki, mais il arrête. » (15 février 2007)
« Le plus beau Vigo, disait-on, même s'il est signé Christian-Jaque. […] Vigo est un mauvais cinéaste, un cinéaste désuet. » (sur Les Disparus de Saint-Agil, 19 février 2007)
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Notes, liens et informations complémentaires :
- Skorecki (Louis), Les violons ont toujours raison. Chroniques cinéma / TV. 1998-1999, PUF, octobre 2000 ; Dialogues avec Daney et autres textes, PUF, mars 2007.
- Le blog (musical) de Louis Skorecki.
- 17 chroniques de Louis Skorecki, notamment de films d’Hitchcock.
- Le journal d’un cinéphile où il est très fréquemment question de Skorecki : http://zohiloff.typepad.com/kuhe_in_halbtrauer/
- La version longue d’un entretien avec Skorecki paru dans Les Inrockuptibles.