Mister Arkadin

LE PEN DÉMAGOGUE ?

30 Avril 2008, 08:52am

Publié par Mister Arkadin

Le président du Front national et député européen Jean-Marie Le Pen a prétendu ce matin sur France Inter (le « sept dix ») que son échec à la dernière présidentielle était dû à son choix de dire la vérité aux Français plutôt que de les caresser dans le sens du poil, comme l’auraient fait les autres candidats, en particulier celui qui a finalement été élu.

Un site sur le cinéma n’est pas le lieu pour attribuer des bons ou des mauvais points à quelque homme politique que ce soit, au moins en matière de conduite du pays, de campagne électorale ou d'instrumentalisation du passé, au sujet de ses prises de positions en matière d’économie, de politique étrangère, de plus ou moins grande ouverture des frontières (aux hommes ou aux capitaux), etc.

En revanche, il n’est pas inintéressant de relever de temps en temps ce que les hommes politiques déclarent quand ils sont interrogés sur tel ou tel film. Non que leur manière d’aborder le cinéma soit forcément révélatrice, mais cela donne tout de même quelques indices précieux. Ainsi Jean-Marie Le Pen, interrogé sur la bannière sur les Ch’tis qui a valu au PSG l’opprobre nationale, a-t-il considéré que, pour idiote qu’elle fût, cette bannière ne l’était pas plus que bien d’autres et que le scandale qu’elle a provoquée avait en grande partie été gonflé par une campagne médiatique quelque peu suspecte (1). D’autant qu’elle était surtout due à l’engouement pour un mauvais film à ses yeux, donnant une image caricaturale des gens du Nord. Jean-Marie Le Pen a ajouté que l’immense succès de Bienvenue chez les Ch’tis était hélas un signe de plus de la décadence orchestrée de la culture et du peuple français.

Ces propos peuvent être jugés stupides, insultants, inappropriés ; ils peuvent être condamnés de quelque manière que l’on veut. N’ayant toujours pas vu le film en question, je ne puis pour ma part me prononcer. Mais, à tout le moins, on ne peut leur reprocher d’être démagogiques, car, si Jean-Marie Le Pen voulait se réconcilier avec les électeurs qui l’ont lâché et en gagner d’autres à faible coût, il devrait assurément s’abstenir de tels propos, qui ne flattent pas l’électorat populaire qu’on lui prête, c’est le moins qu’on puisse dire ! Dès lors, force est de constater que Le Pen, au moins sur ce sujet, dit vrai quand il prétend préférer dire aux Français la vérité (la sienne en tout cas), plutôt que de les flatter et de brider sa liberté d’expression.

Encore une fois, on peut fort bien ne pas partager les opinions de quelqu’un, voire les condamner fermement, sans lui faire des reproches qu’il ne mérite pas. Ainsi Jean-Marie Le Pen peut-il éventuellement être taxé de xénophobie (puisqu’il souhaite étendre la préférence nationale, qui existe déjà dans la fonction publique et dans le système protectionniste dont  bénéficient les cinéastes français, majoritairement immigrationnistes, par l'intermédiaire du fonds de soutien), mais pas de racisme (puisqu’il s’oppose à la discrimination positive que prônent ses adversaires politiques, et voudrait que tous les Français, quelles que soient leur race, leur religion, leur origine sociale, soit traités de la même façon). Ainsi, autant peut-il éventuellement être taxé de stupidité, de cinéphobie ou d’aveuglement en matière de cinéma, autant ne peut-il pas être taxé de démagogie dans l’expression de ses goûts cinématographiques.


Note et lien complémentaire :

(1) L'extrait peut être écouté sur le site que La Voix du Nord consacre au film.

- Intéressante chronique de Cyril Lemieux sur cette affaire, dans le cadre de l'émission « La Suite dans les idées » (sur France Culture, le 20 mai 2008).

(2) (23 septembre 2008) J’utilise abondamment, et sans doute excessivement, adverbes, locutions adverbiales et adjectifs, bien que je n’ignore pas que maints stylistes en déconseillent l’usage ou conseillent de ne les utiliser qu’avec la plus extrême parcimonie. Il en est cependant quelques-uns dont je méfie : évidemment, bien entendu, bien sûr ; tous ceux qui s’apparentent au « c’est-vrai-qu’isme » analysé par Renaud Camus. Résumons grossièrement : ce souci de souligner l’évidence et la vérité de ce que l’on énonce n’est-il pas le signe que l’on en doute, que le statut même de la vérité devient incertain ? Ce que je me permets d’appeler, en m’inspirant de Camus, l’ « évidemmentisme » peut aussi être une manière de se couvrir en assénant comme une vérité indiscutable un lieu commun dont tout indique par ailleurs que l’on en doute ou que l’on devrait en douter, ce que l’on ne pourrait se permettre de faire car cela ne siérait pas au "politiquement correct". Un cas flagrant dans l’entretien, assez intéressant au demeurant, que Louis-Georges Tin, porte-parole du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), a donné au Monde (21-22 septembre 2008, p.14) : « Les [mouvements racistes] ne parlent guère de la question noire ; ce qui est fondamental à leurs yeux, c’est la question nationale : le Front national est national. Il invoque "la préférence nationale", pas la suprématie blanche. Il s’intéresse à l’identité nationale et aux immigrés, qui sont souvent noirs, mais ce n’est pas en tant que tel qu’il s’intéresse à eux (ce qui ne veut pas dire que le FN ne soit pas raciste, évidemment). Or les antiracistes ne parlent pas davantage de la question noire, puisque, comme ils le disent, il n’y a pas de race noire. Donc pour des raisons tout à fait différentes, cette question a été délaissée en France à la fois par les mouvements racistes et les mouvements antiracistes. » C’est moi qui souligne cet étrange « évidemment », qui s’applique à une affirmation que le reste de la démonstration de Louis-Georges Tin vient de contredire (puisque, tout au plus, les points de vue du Front national qu’il synthétise devraient l’amener à parler d’un « mouvement xénophobe ») !

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JEUNES ET VIEUX HABITUÉS

25 Avril 2008, 21:27pm

Publié par Mister Arkadin

Pourquoi donc l’annonce de la sélection du Festival de Cannes est-elle encore attendue comme un événement et fait-elle l’objet d’un tel ramdam, avec conférence de presse en grande pompe, micros empressés et passage des président et délégué général dans tous les médias ? En attend-on encore vraiment quelque surprise que ce soit ? Quelque espoir d’un renouvellement ? Quelque espoir d’une audace de la part des sélectionneurs ?

1 792 longs métrages candidats, nous précise Le Monde d’aujourd’hui. Tout ça : cet énorme travail de visionnement par des petits comités de petits yeux au service des deux têtes pensantes de la direction du festival. Pour ça : un savant saupoudrage prévalant manifestement de plus en plus sur toute prise de risque.

Gilles Jacob prétend qu’avec l’arrivée de Thierry Frémaux au poste de délégué général, une « primauté » serait désormais « accordée à l’artistique » (toujours d’après Le Monde), les films « importants et novateurs » étant privilégiés. Force est de constater que ces derniers sont comme par hasard toujours réalisés par la petite série de réalisateurs ayant la carte auprès de ces messieurs.

La sélection francophone est à cet égard symptomatique, comme l’année dernière (Breillat, Honoré et je ne sais plus trop qui, si mes souvenirs, non des films, aussi vite oubliés qu’à moitié vus, mais de la sélection, sont bons). Au reste, pourquoi donc penser que le cinéma français aurait besoin de renouvellement, voire de découvertes, alors que nous disposons de cinéastes aussi immenses que Desplechin et Garrel, qui feront encore une fois s’extasier les gazettes qui font la mode (Les Cahiers, Les Inrocks, Libé, Le Monde) ?

Avions-nous déjà été gratifiés d’une sélection aussi paresseuse ? Même la section "Un certain regard" n'annonce rien de bien excitant. C'est donc vers des inconnus qu'il faudra se tourner. Mais ceux-ci sont bien rares en compétition, où l'on nous refourgue les vieux habitués ou semi-habiles surcotés, souvent bien fatigués, quoique leur persévérance nous vaille encore parfois quelques fulgurances et quoiqu’on serait prêt à tout leur pardonner tant ils nous ont déjà donné (Wenders, Egoyan voire Eastwood, les Dardenne, Depardon et Soderberg), et les jeunes habitués, fatigués avant même d'être vieux et dont on n’attendait déjà plus grand-chose après les premiers films (Michel Gondry, Nuri Bilge Ceylan, Jia Zhangke, Charlie Kaufman – ce dernier comme cinéaste après avoir signé quelques scénarios aussi indigents que prisés des snobs).

Pas plus d’audace hors compétition ou en séances spéciales, avec, c’est selon, les surévalués ou légèrement dévalués Allen, Ferrara, Wong Kar Waï, Spielberg. Restent Giordana et Kusturica, qui semblent eux aussi avoir leur(s) chef-d'œuvre(s) derrière eux.

Bref, même si quelques pépites se cachent sans doute dans le lot (à l’instar du Coen de l’année dernière), cela va roupiller dur sur la Croisette : bon courage aux festivaliers !


Lien complémentaire : « Cannes, un festival qui tourne à vide » (Le Monde diplomatique, mai 2006).


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CINÉMA ET RADIO : SEMAINE DU 26 AVRIL 2008

24 Avril 2008, 10:27am

Publié par Mister Arkadin

Voici la liste des émissions radiophoniques sur le cinéma de la semaine à venir :

Dimanche 27 avril, de 22h10 à 23h30, France Culture : « ACR » (« Atelier de création radiophonique », Philippe Langlois et Frank Smith), avec « Warp Zones », jeu radiophonique du cinéaste Julien Lousteau (réalisé par Gilles Mardirossian)

Lundi 28 avril 2008, de 15h00 à 16h00, Europe 1 : « Regarde les hommes changer » (Frédéric Taddéï), avec le réalisateur et créateur de séries télévisées Pierre Grimblat

Mardi 29 avril, de 11h05 à 12h30, France Inter : « Le fou du roi » (Stéphane Bern), avec le réalisateur Jean Becker, pour son film Deux jours à tuer

Mardi 29 avril, à 21h00, France Culture : « L’oreille d’un sourd » (par Yvan Amar), avec les Ciné-concerts au Festival "Extension du domaine de la note" (La Muse en circuit, Paris et Val-de-Marne)

Mercredi 30 avril, de 11h05 à 12h30, France Inter : « Le fou du roi » (Stéphane Bern), avec Vladimir Cosma, compositeur, notamment de musique de films

Mercredi 30 avril, à 17h10, RFI : « Culture vive » (Pascal Paradou), avec la comédienne Miou-Miou, pour le film de Pascal Bonitzer Le Grand alibi

Jeudi 1er mai, de 12h03 à 13h00, France Musique : « À portée de mots » (François Castang), avec l’écrivain et critique de cinéma Michel Boujut

Vendredi 2 mai, de 20h00 à 21h00, Radio Classique : « Des femmes d’exception » (C.Pigozzi), avec la comédienne Michèle Morgan

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Rappel : Grille des émissions de radio spécifiquement consacrées au cinéma

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CINÉMA ET RADIO : SEMAINE DU 19 AVRIL 2008

21 Avril 2008, 14:10pm

Publié par Mister Arkadin

Voici la liste des émissions radiophoniques sur le cinéma de la semaine en cours :

 

D’abord un attrapage de la semaine précédente (merci à Desata pour les infos sur RSF et les Sentiers de la création !) :

Mercredi 16 avril 2008, de 11h03 à 11h30 (rediffusion à 19h03) sur RSF (Radio Suisse Romande) : « Entre les lignes » (Louis-Philippe Ruffy), entretien de David Collin avec Didier Blonde pour son livre Les Fantômes du muet (Éditions Gallimard)

Puis :

Samedi 19 avril 2008, de 13h30 à 15h30, sur RSF (Radio Suisse Romande) : « L’Horloge de sable » (Christian Ciocca, « Trésors de la Radio Suisse Romande »), « Chaplin, clown universel »

Samedi 19 avril 2008, de 15h00 à 17h00, France Culture : « Ça me dit l’après-midi » (Frédéric Mitterrand), avec la romancière et essayiste Célia Bertin, auteur de biographies, notamment sur Jean Renoir

Dimanche 20 avril 2008, de 14h45 à 15h00, Fréquence Protestante : « Obliques » (Pierre Gaffié), avec le Docteur Martine Frémont, sur la maladie d’Alzheimer vu par le cinéma (auteur du film Loin d’elle, de Sarah Polley)

Lundi 21 à jeudi 24 avril 2008, de 9h05 à 10h00, France Culture : « Fabrique de l’histoire » (Emmanuel Laurentin, « Les usages politiques et sociaux du passé »), sur les Archives du cinéma, pour une semaine spéciale FIAF (Fédération Internationale des Archives du Film), avec notamment Robert Daudelin (historien du cinéma, ancien directeur de la Cinémathèque québécoise) et, jeudi, un débat avec Guido Convents, Guido Huysmans, Pedro Pimenta, Jean-Pierre Garcia et Gaston Gaboré

Lundi 21 avril 2008, de 9h10 à 9h35, France Inter : « Esprit critique » (Vincent Josse), avec Madeleine Malthète-Méliès et Laurent Mannoni pour l'exposition Méliès à la cinémathèque française

 

Lundi 21 avril 2008, de 14h30 à 16h00, RTL : « La tête dans les étoiles » (Laurent Boyer), avec la comédienne Astrid Veillon

Mardi 22 avril 2008, de 12h00 à 13h30, Radio Courtoisie : « Libre Journal de Philippe Lejeune », avec le cinéaste Georges Lautner, interrogé par Sylvie Pelayo, Valentin Fiume-Freddo et Arnaud Guyot-Jeannin (émission présentée par Maximilien Choussy)

Mardi 22 avril 2008, de 12h03 à 13h00 sur RSF (Radio Suisse Romande) : « Dare-dare » (Alexandre Barrelet et Martine Béguin, « L'actualité culturelle »), entretien de Sylvie Tanette avec Laurent Mannoni pour l'exposition Méliès à la cinémathèque française

Mercredi 23 avril 2008, de 8h30 à 9h00 (rediffusion à 19h30) sur RSF (Radio Suisse Romande) : « Les Temps qui courent » (Anik Schuin), « La Philosophie au cinéma », entretien de Michel Onfray avec Philippe Zibung au sujet de L’Innocence du devenir: la vie de Frédéric Nietzsche (Galilée 2008), dans lequel Onfray propose un scénario pour un film qui retracerait quelques étapes décisives de la vie de Nietzsche

 

Mercredi 23 avril 2008, de 12h03 à 13h00, France Musique : « À portée de mots » (François Castang), avec la comédienne Dominique Blanc

Mercredi 23 avril 2008, de 17h05 à 18h00, France Inter : « Nonobstant » (Yves Calvi), avec le comédien Pierre Arditi

Jeudi 24 avril 2008, de 15h00 à 16h00, Europe 1 : « Regarde les hommes changer » (Frédéric Taddéï), avec Vladimir Cosma, compositeur, notamment de musique de films

 

Jeudi 24 avril 2008, de 20h10 à 21h00, France Inter : « L’humeur vagabonde » (Kathleen Evin), avec Hubert Prolongeau, pour son roman Américain américain (Flammarion), sur la trahison d’Elia Kazan

 


Par ailleurs, sur « Les Sentiers de la création », chaîne numérique de France Culture, des rediffusions d’anciennes émissions sur le cinéma sont diffusées en ce moment :

« Un morceau de Délice - Penser le cinéma »

Penser le cinéma, ce miroir qui reflète autant qu'il donne à réfléchir. Tenter d'étreindre cet art dans son irréductibilité, pourtant souvent qualifié d'impur, car septième, au carrefour des autres arts dont il suscite constamment la rencontre. Tenter de s'approcher du mystère de son langage, de la traduction de notre modernité qu'il lui est propre. En compagnie de Gabriel Marcel, André Bazin, Georges Sadoul, Eisenstein, Edgar Morin, Jean Mitry, Gilles Jacob.

« Le cinéma au milieu des autres arts » dans l'émission "Tribune de Paris" du 20 septembre 1948, 20 mn.

« Le cinéma, instrument de la culture populaire », dans l'émission "Tribune de Paris" du 19 juillet 1946, 19 mn.

« Eisenstein et le langage filmé », dans l'émission "Institutions et sociétés" du 19 octobre 1961, 12 mn.

« Le cinéma, rêve ou réalité ? » dans l'émission "Culture française" du 7 janvier 1966, 58 mn.

« Le cinéma est-il un langage ? » dans l'émission "Culture française" du 25 mars 1966, 58 mn.

« Le cinéma et l'homme du XXème siècle : l'univers cinématographique », entretien avec Edgar Morin », dans l'émission "Des idées et des hommes" du 1er janvier 1956, 28 mn.

Le cinéma et l'homme du XXème siècle : l'homme imaginaire », entretien avec Edgar Morin, dans l'émission "Des idées et des hommes" du 9 décembre 1956, 25 mn.


 

Liens et informations complémentaires :

Rappel : Grille des émissions de radio spécifiquement consacrées au cinéma

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À MOINS QUE... MARILYN...

17 Avril 2008, 23:00pm

Publié par Mister Arkadin

Il n'est pas rare que ce soit en marge de ses recherches, subrepticement, par hasard, que l'on trouve les documents les plus intéressants. Aussi faut-il autant que possible ne pas hésiter à se disperser un peu et à laisser vagabonder ses yeux lorsque l'on dépouille une revue et ne pas se limiter à chercher ce que l'on était venu y trouver. En vertu de ce principe, c'est en consultant pour une tout autre raison le numéro 764 de l'hebdomadaire de Jacques Laurent Arts (2-8 mars 1960) que j'ai trouvé une légende de photo qui m'a particulièrement ému. "Les étoiles qui meurent", lit-on sous une photographie de Marilyn Monroe. Sauf qu'il s'agit là du titre qui introduit les photos d'autres stars hollywoodiennes (Marlène Dietrich, Greta Garbo, Ava Gardner). Le titre au dessus de Marilyn la place "au zénith", en compagnie d'Anthony Perkins et Audrey Hepburn.
Quant à la légende relative à MM, il prend une résonance tout autre qu'à l'époque : "Sa carrière n'est donc pas près d'être finie"... "à moins que les sautes d'humeur de son caractère impossible...". Lire cet "à moins que" ravive une sorte de "nostalgie posthume", alimentée par des espérances conjuguées au futur antérieur d'un temps que nous n'avons pas vécu.

Complément (26 septembre 2009) : j'apprends que cet "art" de la découverte subreptice s'appelle la sérendipité.

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"LE PARISIEN", JOURNAL POPULAIRE DE QUALITÉ ? 44 PREUVES PAR LE CINÉMA

13 Avril 2008, 06:15am

Publié par Mister Arkadin

« Dis-moi comment tu traites les films, je te dirai quel journal tu es », ai-je écrit dans mon article du 20 février 2008. Le Parisien nous est souvent présenté comme un "journal populaire de qualité", ou populaire mais de qualité, comme s’il s’agissait d’un oxymoron (question irrésolue s’il en est !). Ce journal serait l’un des seuls à attirer les lecteurs, bien que d’honnête facture. Je ne le lis pas assez pour avoir une opinion tranchée sur la question. Toutefois, si j’appliquais le syllogisme énoncé plus haut, la réputation du Parisien ne résisterait pas à l’examen. Le Canard enchaîné de mercredi dernier (9 avril 2008, p.4) remarque perfidement que Le Parisien est l’un des très rares journaux à avoir dit du bien de l’ « excellent » Disco, film dont le quotidien est partenaire (affiche publiée en dernière page trois jours de suite !). Le compte a été fait : 44 articles ont été consacrés au film depuis mai 2006. Travail de longue haleine, matraquage en règle, gavage du peuple, faillite du jugement critique, etc… et procédé suscitant plus qu’un doute, non seulement sur la probité des critiques ciné du Parisien, mais sur la qualité de l’ensemble du journal !

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CINÉMA ET RADIO : SEMAINE DU 12 AVRIL 2008

11 Avril 2008, 09:33am

Publié par Mister Arkadin

Voici la liste des émissions radiophoniques sur le cinéma de la semaine à venir :

 

D'abord un rattrapage de la semaine précédente – Mardi 8 avril 2008, de 22h00 à 0h00, Radio Bandiera Nera : « Derrière la porte », avec Philippe d’Hugues, pour sa Chronique buissonnière des années 50 (Éditions de Fallois), dans laquelle il est longuement question du cinéma – émission disponible en ligne

 

Samedi 12 avril 2008, de 11h30 à 12h30, RTL : « Vos plus belles années » (Patrick Sébastien et Rémi Castillo), avec la comédienne Astrid Veillon

Samedi 12 avril 2008, de 15h00 à 17h00, France Culture : « Ça me dit l’après-midi » (Frédéric Mitterrand), avec le cinéaste, metteur en scène de théâtre et écrivain Marco Tullio Giordana

Samedi 12 avril 2008, à 23h00, Radio Libertaire (89.4) : « Nuit off », sur les « dernières scènes et génériques de films » (« The End »)

Dimanche 13 avril 2008, de 11h30 à 12h30, RTL : « Vos plus belles années » (Patrick Sébastien et Rémi Castillo), avec les Charlots

Dimanche 13 avril 2008, de 13h30 à 14h00, France Inter : « Au fil de l’Histoire » (Patrick Liegibel, avec Stéphanie Duncan), sur « Louise Brooks, l’insoumise de Hollywood » (texte de Véra Feyder), avec Béatrice Agenin, Stéphane Valensi, Véra Feyder, Evelyne Guimmara, Patrice Bornan, Luciano Travaglino

Lundi 14 avril, de 11h05 à 12h30, France Inter : « Le fou du roi » (Stéphane Bern), avec l’acteur et réalisateur Jean-Pierre Rouve, pour son film Sans armes, ni haine, ni violence

 

Lundi 14 avril, de 17h05 à 18h00, France Inter : « Nonobstant » (Yves Calvi), avec l’agent, le producteur et acteur Dominique Besnehard

Mardi 15 avril, de 11h05 à 12h30, France Inter : « Le fou du roi » (Stéphane Bern), avec l’acteur Edouard Baer et la réalisatrice Toni Marshall, pour le film de cette dernière, Passe-passe

Mardi 15 avril, de 14h30 à 16h00, RTL : « La tête dans les étoiles » (Laurent Boyer), avec l’acteur et réalisateur Jean-Paul Jouve, pour son film Sans armes, ni haine, ni violence

Mardi 15 avril, à 17h10, RFI : « Culture vive » (Pascal Paradou), avec la réalisatrice Toni Marshall, pour le film de cette dernière, Passe-passe

Mercredi 16 et jeudi 17 mars, de 22h15 à 23h30, France Culture : « Surpris par la nuit » (Alain Veinstein), « Les fantômes de l'Opéra, Frederick Wiseman ou les Scènes de la vie américaine » (Hélène Frappat), avec le documentariste Frederick Wiseman, Marie-Claude Treilhou, Claire Doyon, Eric Chauvier

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À noter également la rediffusion d’une ancienne fiction réalisée par un homme de cinéma, dans le cadre des « Nuits » de France Culture, mercredi 16 avril, de 1h00 à 2h37 : La montre magique de Pierre Scizet et Jean-Paul Le Chanois (cinéaste) - émission proposée par Paul Louis Mignon, réalisée par Guy Delaunay (27 juin 1949)

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Liens et informations complémentaires :

Rappel : Grille des émissions de radio spécifiquement consacrées au cinéma

- Du 21 janvier au 13 avril 2008, Radio Classique présente « Les Élections de la musique de film », 60 musiques candidates étant classées par thématique (romance, road-movie, western...) et diffusées à l'antenne deux par deux, en confrontation

 

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LE DERNIER DES GÉANTS ?

10 Avril 2008, 06:25am

Publié par Mister Arkadin

À chaque disparition d’un grand acteur américain, on se dit qu’il s’agissait peut-être du "dernier des géants". En réfléchissant un peu, on se rappelle qu’il en reste encore quelques-uns, ne serait-ce que Paul Newman (Charlton Heston est mort depuis la rédaction de cet article, mais je ne l’aurais de toute façon pas compté parmi les géants, malgré La Soif du mal…). Cependant, à l’annonce de la mort de Richard Widmark, survenu avant-hier, difficile de ne pas se dire que peu d’entre eux doivent avoir passé le siècle et que plus grand-chose nous relie à "l’âge d’or hollywoodien".


Cela devait bien arriver un jour, se dit-on aussi. Un pincement au cœur tout de même à propos de Widmark, l’admirable interprète du Carrefour la mort de Henry Hataway. Je me souviens qu’à la mort de Jean-Pierre Cassel, j’avais comparé ce dernier à Widmark pour leur propension à jouer des personnages imbuvables, alors même que l’on pouvait deviner que ses deux acteurs devaient être charmants dans la vie courante.

Pincement au cœur également en pensant qu’il n’y a plus de « Dernière séance » pour diffuser un hommage en prime time. Heureusement que la vidéo a pris le relais pour que nos enfants ne soient pas complètement privés de tous les merveilleux westerns qui ont enchanté nos soirées d’enfance et nos discussions de cours de récréation, La Flèche brisée par exemple (qui passe à Paris ces temps-ci), Le Trésor du pendu (celui qui m’a le plus marqué), ou ce 3h10 pour Yuma, dans lequel ne joue pas Widmark, mais dont vient de sortir en salles un remake pas inintéressant (1).


Note et lien complémentaire :

(1) Un point commun entre les deux derniers films cités : le nom d’un personnage, le fameux Ben Wade de 3h10 et le Jake Wade du Trésor (Titre original : The Law and Jake Wade).

- un papier astucieux sur le rictus de Widmark, comparé à celui de Nicholson sur le blog Cinéchanges.

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LES "CAHIERS HENRI BÉRAUD" ET L’ARAHB

9 Avril 2008, 11:37am

Publié par Mister Arkadin

En avant-première, voici des pages de présentation de l’Association rétaise des Amis d’Henri Béraud, qui a accueilli mon étude sur « Henri Béraud et le cinéma » (compte rendu ci-dessous), pages dont la matière constitue le cahier n°XVII de l’ARAHB (« Henri Béraud. Bilan général de 15 années de publication, par l’Association Rétaise des Amis d’Henri Béraud », printemps 2008).

Des portraits de l’écrivain lyonnais Henri Béraud (1885-1958) sont disponibles sur les encyclopédie et site d’information en ligne Wikipédia et Novopress.

On lira aussi avec intérêt l’article de Pierre Assouline sur le reporter Henri Béraud.

 

Et, pour faire plus ample connaissance, on se reportera aux trois biographies successives de Jean Butin et à celle de Francis Bergeron.



Notre inventaire des cahiers Béraud étant un peu long, nous l’avons fragmenté en plusieurs pages :

1. Présentation générale de l’ARAHB et sommaire des cahiers n°I à VII (1996-2002)

2. Sommaire des cahiers n°VIII à XVIII (2003-2008)

3. Index des cahiers : textes de Henri Béraud

4. Index des cahiers : articles et documents contemporains (« Béraud aujourd’hui »)

5. Index des cahiers : conférences du 14 juillet

6. Index des cahiers : articles et documents anciens (« Béraud hier »)

7. Autres publications et activités de l’ARAHB

8. Couvertures des cahiers

9. Béraud : Bibliographie (actualisation du cahier Béraud n°V, reproduite avec l’aimable autorisation d’Alain de Benoist)

 

10. Bilan d’étape, par Francis Bergeron, président de l’ARAHB


Compte rendu parus dans Cinéscopie (n°9, mars 2008, p.55)

 

 

 

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LES ROIS DU DÉSERT : PEUT-ON RIRE DE LA GUERRE EN IRAK ?

8 Avril 2008, 10:02am

Publié par Mister Arkadin

Les Rois du désert passe en ce moment sur Canal + Cinéma (prochaines diffusions mercredi et jeudi). Voici l’analyse que j’ai proposée sur ce film dans un ouvrage collectif publié par la Commission Française d’Histoire Militaire et l’Institut de Stratégie Comparée en 2006 (Le Cinéma et la guerre, dir. Hervé Coutau-Bégarie / Philippe d’Hugues, Paris, Éditions Economica, p.177-184).


Au début de l’année 2003, alors que le débat sur la légitimité de la guerre annoncée par les Etats-Unis d’Amérique contre l’Irak battait son plein, George Clooney se rangeait du côté des stars hollywoodiennes opposées à l’escalade militaire. Dans un entretien publié par l’hebdomadaire français Télérama, il se disait en outre très fier d’avoir tourné un film consacré à la première guerre du Golfe, Les Rois du désert, réalisé en 1999 par David O. Russell (également auteur du scénario, à partir d’une histoire de John Ridley). Pourtant, ce film n’a pas rencontré dans son pays le succès qu’aurait pu drainer le seul nom de l’acteur et, dans une moindre mesure, les noms de ses partenaires (Mark Wahlberg, mannequin vedette et futur premier rôle de La Planète des singes ; Ice Cube, chanteur de rap célèbre ; Spike Jonze, acteur comique et futur réalisateur de Dans la peau de John Malkovich), ainsi que le genre auquel il appartient (un film de guerre traité en comédie dramatique). La critique de l’interventionnisme américain ne serait-elle donc plus admise au cinéma, comme au temps du triomphe de M.A.S.H., auquel on ne cesse de comparer Les Rois du désert ? Ou faut-il plutôt attribuer cette différence de réception au traitement même que les deux films font subir à l’armée américaine ? Ces films ont en effet pour caractéristique commune de montrer l’armée américaine sous un jour assez peu reluisant.

Le ressort dramatique des Rois du désert est si classique dans le cinéma américain que l’on pourrait le résumer en rapprochant deux titres de films, Take the money and run et Detour : un ou plusieurs bandits ou escrocs fomentent un plan pour rafler une grosse somme d’argent et organisent leur fuite ; un ou des imprévus surviennent qui remettent tout en cause, les protagonistes subissant en fin de compte l’action au lieu de la contrôler. L’originalité du scénario de David O. Russel est de transposer ce schéma narratif dans un film de guerre : comment des militaires américains, bien plus préoccupés par leur intérêt matériel que par leur mission, se trouvent embarqués, de par leur propre faute, dans une aventure dont ils se montrent incapables de contrôler le cours. Les soldats américains perdent ici progressivement leur assurance légendaire et sont dominés par un sentiment d’instabilité, d’incertitude (quant à l’identité de leurs ennemis, quant à leurs motivations, quant à l’attitude à adopter, etc). Il était particulièrement audacieux de le faire à propos d’une guerre non seulement présentée comme "juste" par ses instigateurs (quelle guerre ne l’a pas été ?), mais qui fut qui plus est victorieuse et dont on peut penser qu’elle a été maîtrisée de bout en bout par les stratèges et soldats américains. Il n’est dès lors guère étonnant que cette volonté de démystification de l’héroïsme américain n’ait pas rencontré tous les suffrages aux Etats-Unis.

Cependant, au fur et à mesure que la seconde guerre du Golfe devenait de plus en plus probable, puis certaine, Les Rois du désert, qui rencontra un succès mitigé lors de sa sortie (aussi bien auprès de la critique que du public) (1), prenait une nouvelle dimension. Les chaînes françaises ne s’y sont pas trompées, TPS Star et France 3 l’ayant diffusé opportunément, en février 2003 pour la première, le 29 mai pour la seconde. Parallèlement, le forum de la plus célèbre encyclopédie en ligne sur le cinéma, l’Internet Movie Data Base (I.M.D.B.), montre que l’intérêt pour le film de David O. Russell s’est maintenu tout au long de l’année 2002, alors même qu’il était sorti partout dans le monde depuis deux ou tr

ois ans déjà. Le nombre de textes déposés sur le site à propos de Three Kings (2) est très proche pour 2002 et 2001 (trente-quatre pour 2002, quarante-cinq pour 2001, dont quinze pour le seul mois de janvier). Après un net ralentissement en décembre 2002 et janvier 2003 (un seul en deux mois), Three Kings a de nouveau suscité l’intérêt des cinéphiles internautes, dix commentaires étant déposés en février et mars, quatre en avril et mai, six en juin (3). Il n’est dès lors pas surprenant de constater que Three Kings, bien que consacré à la première guerre du Golfe, en est venu à nourrir la réflexion et les discussions sur la seconde. Comme le remarque un internaute de Hambourg, « contrairement à beaucoup de films de guerre précédents », « le scénario n’est pas datée quelques semaines après la réalisation du film, mais reste pertinent au point que la fiction, la satire délibérée devient réalité. Non qu’un film puisse influencer les décisions politiques, mais n’est-il pas amusant  que tout ce que l’on voit dans Three Kings soit rejoué pour de vrai dans les déserts du Moyen Orient ? » (4).

On se souvient que M.A.S.H. avait eu une résonance particulière dans l’opinion au début des années 1970 alors que l’action était située durant la guerre de Corée, c’est-à-dire les années 1950. Mais il était évident, aussi bien pour les auteurs du film que pour les spectateurs, ainsi que pour le Jury cannois qui lui attribua la Palme d’or, que l’impact du film tenait à l’écho de la guerre du Vietnam. Dans le cas des Rois du désert, il va de soi que le film peut faire l’objet d’une lecture qui ne prendrait en compte que la première guerre du Golfe. Mais, d’une part, il a été réalisé bien après et traite finalement plus des causes et des conséquences de la guerre que de la guerre elle-même. D’autre part, il a été réalisé alors que le conflit avec l’Irak n’avait pas vraiment cessé puisqu’il avait pris la forme d’un blocus économique et de bombardements anglo-américains périodiques sur certaines zones du pays.

L’action des Rois du désert se situe en mars 1991, juste après l’accord de cessez-le-feu consécutif à la victoire des alliés en Irak. Les troupes américaines ne se préoccupent plus que de faire la fête et leurs chefs de « vendre les sujets qu’on veut » « pas ceux qu’on ne veut pas » à la presse, représentée ici par une journaliste de la chaîne "NBS" (Adriana Cruz, interprétée par Nora Dunn). À un supérieur qui lui reproche de se divertir avec une autre journaliste au lieu de songer à ses responsabilités, le Major Archie Gates (interprété par George Clooney) répond qu’il n’a jamais voulu ce travail et qu’il ne sait même pas ce qu’ils sont venus faire en Irak. Quand il met la main sur une carte confisquée à un prisonnier irakien, persuadé qu’elle indique dans quel bunker irakien ont été cachés des lingots d’or volés aux Koweïtiens, c’est donc sans le moindre scrupule qu’il part à leur recherche sans en avertir sa hiérarchie, bien décidé à s’accaparer le magot. Accompagné de trois autres soldats, Troy Barlow (Mark Wahlberg), Chief Elgin (Ice Cubin) et Conrad Vig (Spike Jonze), c’est avec le plus parfait cynisme qu’il se réclame des ordres du Président Bush (« Nous sommes ici pour vous protéger » et pour rendre aux Koweïtiens ce qui leur appartient) pour demander à la population du village de Kerbala où se trouve le trésor, alors même que leur expédition va créer une confusion profitable aux troupes restées fidèles à Saddam Hussein, chargées de mater la rébellion qu’avait encouragée dans le pays l’Administration Bush. Pris à parti par la population qui les supplie de leur apporter nourriture et assistance médicale, ils demeurent uniquement préoccupés par la quête de l’or et cherchent même à profiter de la nécessité pour l’armée irakienne de contenir la population pour agir à leur guise. Ils finissent cependant par s’apitoyer et décident de sauver les rebelles tout en ne renonçant pas à récupérer l’or. Un pacte est alors conclu : les quatre soldats achemineront cinquante-cinq rebelles (hommes, femmes et enfants) à la frontière entre l’Irak et l’Iran, si ces derniers les aident à trouver l’or, la journaliste, ravalée jusque là au rang d’utilité, devant leur servir, par sa couverture de l’événement, à dissuader l’armée américaine de les en empêcher, bien que cette action humanitaire soit illégale (vu la politique de désengagement des affaires irakiennes adoptée après le cessez-le-feu).

Les Rois du désert, contrairement à M.A.S.H., qui accumulait les situations grotesques et tournait en ridicule l’armée américaine, peut être qualifié de tragi-comédie. L’intrigue principale prête bien sûr à sourire. Mais peu de scènes sont traitées de façon outrancièrement comique et l’histoire racontée est en fin de compte on ne peut plus sérieuse. De plus, les conséquences de ce hiatus ne sont nullement épargnées au spectateur. Ainsi est-ce avec le plus grand réalisme que sont filmées plusieurs scènes particulièrement violentes : l’assassinat d’une femme d’une balle dans la tête tirée à bout portant, sous les yeux de son mari et de sa fille ; une scène de torture ; un enfant soldat bombardé par un tank. C’est la tension constamment entretenue tout du long du film entre les motivations dérisoires des protagonistes principaux et les situations tragiques auxquelles se trouvent confrontés les personnages qu’ils rencontrent en chemin qui crée simultanément l’amusement et la stupeur du spectateur. À cet égard, il est particulièrement habile de la part des scénaristes d’avoir situé l’action après le cessez-le-feu. Ainsi, le début du film pourrait-il presque illustrer la thèse de Jean Baudrillard selon laquelle la guerre du Golfe n’aurait pas eu lieu. La première scène mérite à ce propos d’être décrite. Elle donne de plus une bonne idée de l’habile mélange des genres auquel est parvenu David O. Russell, non seulement en faisant alterner scènes satiriques et scènes dramatiques, mais au sein d’une même séquence. On y voit deux soldats, l’un américain, l’autre irakien, se faire face dans le désert, leur fusil à la main. Le dialogue place d’emblée le spectateur devant une parodie du duel des westerns hollywoodiens. Filmé du point de vue du soldat américain, le soldat irakien est vu d’assez loin et sans que l’on distingue très bien ses intentions, de telle sorte que l’on comprend la peur qui saisit Troy Barlow. Il s’adresse alors à ses compagnons restés derrière lui (5) :

- « Est-ce qu’on tire ? » (« Are we shooting ? ») ;

- « Pourquoi ? » (« Why ? »), lui répond une voix manifestement peu intéressée ;

- « On est ici pour tirer ou quoi ? » (« Are we shooting people or what ? ») ;

- « Est-ce qu’on tire ? » (« Are we shooting ? »), lui fait-on écho, toujours aussi peu concerné ;

- « C’est ce que je vous demande ! » (« That’s what I am asking you ! ») ;

- « Quelle est la réponse ? » (« What is the answer ? ») ;

- « J’en sais rien ! C’est justement pour ça que je cherche à savoir ! » (« I don’t know the answer ! That’s what I’m trying to find out ! »).

Ce dialogue de sourds n’étant guère à même de rassurer le soldat américain et la panique le saisissant lorsque son vis-à-vis bouge son arme, il finit par lui tirer dessus, malgré le chiffon blanc agité. « Félicitations, tu t’en es payé un ! », lui dit son ami Conrad Vig, avant d’ajouter : « je ne pensais pas voir un seul mort durant cette guerre. »

Ce sentiment d’une guerre tronquée, sans combat, se retrouve plus tard dans l’excuse que Conrad Vig invoque pour expliquer son désir de se défouler un peu en tirant à tout va dans le désert : « On n’a pas vu d’action. ». À quoi Archie Gates réplique en amenant ses trois compagnons voir les corps calcinés d’Irakiens enterrés vifs pour cause de bombardements américains. Un peu honteux, Conrad Vig bafouille « On n’a rien vu, sauf sur CNN. » Au fur et à mesure du film, alors même que l’armée irakienne est vaincue et que les Américains sont censés régner en maîtres, les quatre soldats en quête de fortune, et le spectateur avec eux, sont amenés à découvrir qu’une guerre a bien eu lieu et qu’elle a fait des ravages (bombes à fragmentation ; terrains infectés de mines ; populations affamées, quand elles ne sont pas tout bonnement massacrées par les forces armées de Saddam Hussein ; puits de pétrole en feu et oiseaux souillés, etc.). C’est sans doute cette guerre-ci que les spectateurs américains n’étaient guère disposés à accepter de voir en masse.

 



Il est possible également que l’absence de manichéisme manifestée par ce film ait quelque peu déconcerté le public américain. David O. Russell fait preuve de beaucoup d’égards dans le traitement de l’Autre, les Arabes en l’occurrence, presque jamais ridiculisés et très souvent à leur avantage dans leurs rapports avec les Américains (mis à part dans le maniement des armes), notamment pour ce qui est de l’intelligence. Une scène est particulièrement significative de cette volonté de ne pas présenter l’adversaire comme un monstre, alors même que la situation pourrait s’y prêter. Troy Barlow, fait prisonnier, est torturé par un Irakien. S’engage alors un interrogatoire qui tourne à la discussion sur les buts de guerre des Américains. Alors que Troy Barlow semble réciter une leçon dont tout son comportement précédent indique qu’il n’y croit pas vraiment (la nécessité de faire respecter le droit international, d’assurer la stabilité dans la région, de secourir le peuple irakien, etc.), son bourreau lui rétorque : « Ton armée se soucie-t-elle des enfants irakiens ? Est-elle revenue après la guerre ? Intervient-elle dans d’autres parties du monde en guerre ? ». Il lui raconte ensuite que son fils est mort dans son lit sous un bombardement américain, ce qui permet de comprendre la haine qui l’anime. Dans le même temps, bien que le point de vue du tortionnaire soit présenté plus qu’équitablement, sa cruauté n’est en rien dissimulée (par exemple quand il force le soldat américain à boire du pétrole pour lui montrer quel était le véritable but de son pays), et aucunement excusée par les horreurs qu’il a lui-même subies, les deux parties étant en quelque sorte renvoyées dos à dos.

On notera également que le réalisateur ne se permet quelque fantaisie dans le traitement des souffrances endurées par les victimes de la guerre que lorsque c’est un Américain qui est touché. Il propose une visualisation, que l’on a dit à juste titre très cartoonesque (tout en paraissant très réaliste, chirurgicale même), des effets provoqués par une balle à l’intérieur du corps (par exemple quand elle perfore les poumons). A contrario, son respect de la population irakienne, son attention à sa détresse, la description de ses aspirations, ainsi que de certaines de ses coutumes (par exemple ses funérailles, que Conrad Vig, pourtant le plus inculte des quatre mercenaires, demande à recevoir au moment de sa propre mort), ont été soulignés par plusieurs internautes ayant vu le film récemment : « Ce film est dur à regarder, surtout au moment où nous sommes engagés dans une autre guerre contre Saddam Hussein, mais il propose une excellente étude de la condition des Irakiens après la guerre. […] Ce film ne laisse jamais le spectateur oublier son message pacifiste, ainsi que l’Administration qui a laissé mourir tant d’innocents qui auraient pu être sauvés si nous étions intervenus » (6).

 


La fin du film, qui délivre en quelque sorte son message, est plus ambiguë. Tels les trois hors-la-loi du western de John Ford Le Fils du désert (Three Godfathers, 1948) (7), auquel il est implicitement fait référence, nos rois mages sont détournés de leur but initial par leur prise de conscience qu’ils ne peuvent se désintéresser plus longtemps du sort d’autrui. Partis pour de mauvaises raisons, ils sont amenés à faire le bien presque « à l’insu de leur plein gré », pour reprendre une expression qui a fait florès. Cette rédemption in fine des soldats américains a pu conduire certains esprits forts à y déceler une insidieuse « ruse de la propagande », comme en témoigne l’avis de Jean-François Rauger, qui officie dans le supplément hebdomadaire « Télévision » du quotidien Le Monde : « Pendant la guerre du Golfe, trois soldats cherchent à mettre la main sur un trésor. Un faux film de guerre. Sa peinture de héros individualistes fut appréciée. On peut y voir aussi (et le développement du scénario y invite, qui voit trois GI oublier le projet pour pratiquer un sauvetage humanitaire de réfugiés) une ruse de la propagande » (19 janvier 2002). Certes, tout est bien qui finit bien, les soldats fautifs étant même réhabilités dans leur pays, puisqu’un carton nous indique qu’ils ont obtenu « un certificat de bonne conduite grâce au reportage d’Adriana Cruz » et que les dernières images nous montrent la réussite de leurs reconversions respectives. Et, a posteriori, on peut voir dans la conclusion du film une incitation à retourner en Irak « finir le travail », selon l’expression typiquement américaine employée par un internaute de l’État de New York le 18 mai 2003 : « Ce film montre l’hypocrisie de l’administration de Bush durant la guerre du Golfe [la première]. Il voulait se débarrasser de Saddam Hussein mais ne voulait pas utiliser les troupes américaines pour le faire ou aider les autres à se débarrasser de lui. C’est pourquoi nous l’avons laissé au pouvoir jusqu’à récemment. Ce film montre à quel point la guerre du Golfe fut une plaisanterie et pourquoi nous avons dû y retourner douze ans plus tard pour finir le travail » (8). Une fois levée la principale critique émise par David O. Russel à l’encontre de la politique américaine en Irak (ne pas avoir libéré les Irakiens de Saddam Hussein), il était  tentant d’y lire un discours justifiant une nouvelle intervention. Aussi, s’il est vrai, comme l’écrivait Jean-Claude Loiseau dans le Télérama du 19 février 2003 (diffusion des Rois du désert sur TPS Star), que « ce film "démonte" à sa manière le monstrueux mensonge que fut ce show télévisé planétaire intitulé, rappelez-vous, Tempête du désert », il devint plus difficile d’y voir une sorte de critique par anticipation de la seconde guerre du Golfe. Télérama ne s’y est pas trompé, puisque l’hebdomadaire a coupé la dernière phrase de Jean-Claude Loiseau dans la nouvelle mouture du même texte, paru le 21 mai 2003 (diffusion sur France 3). Jean-Claude Loiseau conclut : « Un salubre mauvais esprit souffle sur ce film brillant, tordu, roublard à l’occasion, bourré d’une énergie explosive. » Or, dans la version précédente, il ajoutait : « dont l’effet ne peut être que démultiplié aujourd’hui par la sinistre croisade "bushienne" en cours… » Entre-temps, les statues du tyran étaient tombées… Le cours des événements sur le terrain incitera-t-il Télérama à rétablir la conclusion de sa notule pour la prochaine diffusion du film ?

Cependant, autant les mercenaires des Rois du désert, en tant qu’individus ayant par la force des choses acquis une connaissance plus aiguë des problèmes de la région, sont absous, autant n’est-ce qu’au prix d’un marchandage assez sordide que l’armée régulière, aussi tatillonne sur les règlements qu’indifférente aux malheurs des autochtones, accepte in extremis de se plier à leur volonté en laissant s’enfuir les rebelles. Ce n’est que contre la restitution de l’or koweïtien par les trois soldats que l’armée permet aux rebelles de passer la frontière pour se réfugier en Iran. La vertueuse Amérique en sort-elle grandie ? C’est sans doute la richesse d’un film de pouvoir se dérober ainsi au sens univoque qu’on voudrait lui trouver.


Notes, liens et informations complémentaires :

- La bande-annonce du film pour sa sortie en DVD, qui souligne la dimension tragique de l’histoire bien plus que sa dimension comique.

(1) George Clooney aime à se présenter comme un véritable acteur qui, malgré son statut de star, est prêt à faire des sacrifices financiers en révisant ses cachets à la baisse afin que de "petits" films d’auteurs à contre-courant des modes puissent être réalisés. L’insuccès d’une entreprise comme celle-ci, et donc les risques courus par les producteurs, sont cependant relatifs puisque, d’après la base de données « Lumière » sur les entrées des films distribués en Europe, Les Rois du désert a tout de même été vu par près de 12 millions de spectateurs dans les salles américaines, 5 millions dans les salles de l’Europe des Quinze, dont 800 000 en France. C’est très peu par rapport au plus grand succès de George Clooney (Ocean’s Eleven, Steven Soderbergh : plus de 33 millions aux U.S.A., de 25 millions en Europe, de 4 en France), mais plus que beaucoup d’autres, dont Hors d’atteinte, du même Soderbergh, qui bénéficiait également de la présence de Jennifer Lopez (8 millions, 4 millions, 550 000).

(2) Mieux vaut ici donner le titre américain car tous les commentaires déposés sur l’Internet Movie Data Base à propos de ce film le sont en anglais.

(3) Les débats sur ce film ont continué les années suivantes, 535 commentaires ayant été déposés au total (au 8 avril 2008).

(4) Commentaire de Dierk Haasis, I.M.D.B. (http://us.imdb.com/CommentsShow?0120188), 11 avril 2003 : « […] the script shows to be timeless ; it’s not – like many a war movie before – dated a few weeks after release but remains topical to a point where the fiction and deliberate satire becomes reality. Not that a movie could hold off political decisions, but isn’t it funny that everything we see in "Three Kings" is re-enacted for real in the Persian deserts ? »

(5) Cette scène peut être entendue dans la « Hollywood : la fabrique de l'ennemi », émission, diffusée dans le cadre de « Surpris par la nuit » en 2005, que l'on peut récupérer ici.

(6) « This movie is hard to watch, especially when we are intrenched in another war with Saddam Hussein, but it is an excellent study of the conditions of the Iraqi people after the war. […] This movie never lets the viewer forget the antiwar message, and the beaurocracy which allowed so many innocent people die who could have been saved if we intervened. » (anonyme, I.M.D.B., 31 mars 2003 ; rappelons que le déclenchement des opérations a eu lieu le 20 mars 2003, la chute de Bagdad étant annoncée le 10 avril).

(7) Le parallèle entre les deux films se retrouve non seulement dans leur titre, la référence à Ford étant probablement volontaire de la part de David O. Russel, mais aussi dans la distance qui existe entre les titres originaux et les titres français (eux aussi assez proches). Dans Le Fils du désert, trois bandits tentent de traverser un désert après avoir dévaliser une banque. En chemin, il trouve une mourante qu’ils aident à accoucher. Lui ayant promis de s’occuper du nouveau-né, ils compromettent leur fuite et même leur survie (deux d’entre eux meurent) afin de sauver l’enfant recueilli.

(8) « This movie shows the hypocrisy of the Bush Aministration during the Gulf War. He wanted to get rid of Saddam Hussein but didn’t want to use American troops to do it or help others to get rid of him. So we left in power until recently. This movie shows what a joke the Gulf War was and why we had to go back 12 years later to finish the job. » (commentaire de Joseph Pintar, I.M.D.B.).

 

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