Mister Arkadin

CINÉMA ET RADIO : SEMAINE DU 19 JUILLET 2008

19 Juillet 2008, 20:29pm

Publié par Mister Arkadin

« Tous les Mickeys du monde » (Laurent Valière), France Inter, tous les samedis de l’été, de 12h05 à 13h00 – le 19 juillet 2008 : Albator

« Les lycéens font leur cinéma » (Laure Mézan ; « Rencontre entre une classe de lycéens et un compositeur de musique de film »), Radio Classique – Rediffusion, samedi 19 juillet 2008, de 17h00 à 18h00 : Rencontre avec le compositeur Éric Demarsan

« Destination délire » (Anne Pastor), France Inter, dimanche 20 juillet 2008, de 15h05 à 16h00 : « Bienvenue chez les Cht’is » (Thomas Beau) (« Touriste du Septième Art... Quand le tourisme fait son cinéma... » ; reportage à Bergues)

« Prochainement sur cet écran » (Axel Brücker), France Culture, à partir du lundi 21 juillet 2008, du lundi au vendredi à 8h56, 13h26, 20h26 et 23h00 : Présentation d’un film à partir de sa bande-annonce

« Le Rendez-vous Musique de films », Radio Classique, lundis à vendredi, à partir du lundi 21 juillet 2008, de 16h00 à 17h00

« Une touche d’été », France Musique, lundi 21 à vendredi 25 juillet 2008, de 23h00 à 1h00 : « Les musiques d’Alain Resnais »

« Vacances de stars » (Michel Cohen-Solal), RTL, lundi 21 juillet 2008, à 9h10 : Claude Lelouch

« J'ai mes sources » (Guillaume Erner), France Inter, mardi 22 juillet 2008, de 9h35 à 10h00 : le plan de reprise des Cahiers du Cinema, avec son rédacteur en chef, Emmanuel Burdeau

« Musiques de stars » (Olivier Bellamy), Radio Classique, mardi 22 et mercredi 23 juillet 2008, de 17h00 à 19h00 - Rediffusions : Jean Rochefort (acteur), Josée Dayan (réalisatrice)

« Ça vous dérange » (Philippe Bertrand), France Inter, 24 juillet 2008, de  : « Le cinéma français a-t-il gagné un nouveau souffle ? », avec Patrick Sobelman (producteur Agat Films & Ex-Nihilo) et Laurent Vallet (Directeur Générale de l’Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles)


 

 

Rediffusions, dans le cadre des « Nuits » de France Culture :

« Mardis du cinéma » (Noël Simsolo, 8 mars 1988), nuit du samedi 19 au dimanche 20 juillet 2008, de 1h00 à 2h30 : « Brigadoon »

« Mardis du cinéma » (Michel Cazenave, 15 décembre 197), nuit du dimanche 20 au lundi 21 juillet 2008, de 3h25 à 4h50 : « Michael Curtiz »


 

 

Rappel : Grille des émissions de radio spécifiquement consacrées au cinéma

 

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LIBÉRATION DE "LIBÉ", PAR DELANNOY ?

18 Juillet 2008, 01:29am

Publié par Mister Arkadin

Une rumeur s’est propagée en début de mois dans les petits milieux de la cinéphilie parisienne, notamment du côté de Bercy, selon laquelle les nécrologies publiées par Libération et Le Figaro sur Jean Delannoy auraient été assez proches. Le premier se serait même peut-être inspiré du second. Cela signifiait qu’il se serait dépris de la doxa critique qui, depuis la Nouvelle Vague, a rejeté dans les ténèbres de nombreux cinéastes de talent dont elle voulait prendre la place et qui avaient le tort d’avoir d’autres conceptions qu’elle du cinéma (et de la civilité). Un Clouzot ou un Duvivier n’ont plus guère besoin d’être réhabilités. Un Carné ou un Christian-Jaque, encore un peu. Mais Delannoy, ce serait carrément une surprise de ne pas le voir dédaigner par la critique qui pense.

À y regarder de près, Libération n’est pas encore tout à fait libéré de ses œillères, pas par Delannoy en tout cas. C’est dans le numéro du 20 juin 2008, dans une mince colonne « Variétés » de la section « Culture » (page 33), qu’a paru, sous le titre « Delannoy décédé », l’avis suivant : « Le réalisateur Jean Delannoy est décédé mercredi à l’âge de 100 ans. En plus de 60 ans, il avait signé une cinquantaine de films, souvent populaires, dont L’Eternel Retour (1943), la Symphonie pastorale (1946), Marie-Antoinette (1956), Notre Dame-de-Paris (1957)… » Le reproduire in extenso ne m’a pas coûté beaucoup d’efforts, pas plus qu’aux journalistes de Libé pour l’écrire. Comme enterrement de première classe, on ne fait pas mieux ! À tel point qu’en tapant le nom de Jean Delannoy dans le moteur de recherche du site de Libé, on ne tombe pas sur cet avis, mais sur un lien mis en ligne le 19 juin vers le blog Cinoque d’Edouard Waintrop. Le voici donc, ce fameux article relativement laudateur qu’a publié un journaliste de Libé sur Delannoy (dont les films « valent bien A bout de souffle, Les 400 coups et autres Cousins », ô sacrilège !) ; mais non le journal lui-même, comme si le Net constituait un refuge, un espace de liberté où ses journalistes pouvaient reprendre un peu d’autonomie (je note toutefois que Waintrop n’a pas créé de catégorie « Jean Delannoy » pour que celui-ci prenne place parmi les cinéastes [Alain Corneau, Alfred Hitchcock, Andre De Toth, Cecil B. DeMille, Charlie Chaplin, Dino Risi, Don Siegel, etc.] dont le nom figure en permanence dans la colonne de droite de "Cinoque").

Pour sa part, Le Figaro a bien publié l’article pondéré mais respectueux qu’on pouvait attendre de son auteur, notre ami Philippe d’Hugues.

Le Monde se situe entre Libération et Le Figaro, comme on pourra le constater ci-dessous.


Jean Delannoy, un artisan du septième art

Philippe d'Hugues, Le Figaro, 20 juin 2008


Vers 1950, il est unanimement considéré comme un des principaux cinéastes français. Dix ans plus tard, il pâtit d'un tel discrédit que sa réputation ne s'en remettra jamais vraiment.

 

Le réalisateur de «La Symphonie pastorale» disparaît alors qu'il venait d'avoir 100 ans. Il laisse une œuvre abondante, avec quelques titres célèbres comme « L'Éternel Retour », «Notre-Dame de Paris», «Maigret et l'Affaire Saint-Fiacre».

Maintenant, il va être plus facile de lui rendre justice, à lui et à son œuvre. Destinée paradoxale que celle de Jean Delannoy : vers 1950, il est unanimement considéré comme un des principaux cinéastes français. Dix ans plus tard, il pâtit d'un tel discrédit que sa réputation ne s'en remettra jamais vraiment. Certains de ses meilleurs films ne seront jamais considérés comme tels, même si la faveur du public les accompagne encore, sauf en fin de carrière. La critique qui compte, celle qui fait l'opinion, l'a abandonné, et il ne retrouvera jamais ses bonnes grâces. Cette chute fracassante est l'œuvre de la nouvelle vague, et plus précisément de François Truffaut et de ses amis journalistes, puis cinéastes. Cela n'alla pas (comme au même moment pour Autant-Lara) sans beaucoup d'excès et beaucoup d'injustice. Malheureusement aussi, Jean Delannoy prêta trop souvent le flanc à des critiques qui n'étaient pas totalement sans fondement, et il sembla parfois vouloir donner raison à ses détracteurs. À la fin, les défauts l'emportèrent sur les qualités, alors que pendant longtemps ce fut le contraire.

Comme Clouzot, comme Becker, comme Bresson, Delannoy fait partie de la génération qui mit à profit le renouveau cinématographique étonnant de l'Occupation pour se révéler et s'imposer. Après ses vrais débuts, à la veille de la guerre, avec La Vénus de l'or (1938), c'est avec Macao, l'enfer du jeu que Delannoy frappe son premier grand coup. Commencé en 1939 avec Erich von Stroheim comme vedette, le film fut interdit pour cette raison, l'acteur étant sur la liste noire des nazis. Il fallut le remplacer par Pierre Renoir et retourner toutes les scènes où il figurait. À ce prix, le film fut exploité, et il sortit en 1942 avec un franc succès.

Entre-temps, Delannoy avait déjà réalisé trois autres films, de qualité assez moyenne mais qui avaient bénéficié du vide des écrans au début de l'Occupation. Ainsi, Fièvres, grand succès de Tino Rossi, et L'assassin a peur la nuit avaient ouvert la voie à Macao, l'enfer du jeu sorti en même temps que Pontcarral, colonel d'Empire (1942) qui fut un triomphe. Cette belle histoire héroïco-patriotique fut revendiquée plus tard par la Résistance (un de ses chefs prit même le nom du héros comme nom de guerre), pourtant le film avait bel et bien été subventionné par le gouvernement de l'État français. En fait, il y soufflait un vent de fronde qui, fin 1942, ne pouvait que plaire à tout le monde, sans qu'il faille y chercher davantage. En 1943, ce fut l'apothéose de Delannoy avec L'Éternel Retour, écrit et pratiquement coréalisé par Jean Cocteau. C'est celui-ci qui avait choisi le metteur en scène, ayant apprécié les deux films précédents, et surtout L'Enfer du jeu, dont il avait adoré le caractère feuilletonesque. L'Éternel Retour, transposition moderne de Tristan et Yseult, fut un des grands événements cinématographiques de l'Occupation, et la blondeur de Jean Marais fit rêver beaucoup de jeunes filles françaises.

Quoique vieilli aujourd'hui, le film demeure un repère historique incontestable. Il fut suivi d'un excellent Bossu (1944), une des meilleures versions du fameux roman. Ensuite, en 1946, nouveau triomphe, grâce à Gide cette fois et à La Symphonie pastorale, qui marquait la rentrée de Michèle Morgan, après les années d'exil hollywoodien. C'est aussi à ce film que remonte, à juste titre cette fois, l'accusation d'académisme portée contre Delannoy par la jeune cri­tique des années 1950.

Une réhabilitation partielle

D'autres titres viendront la confirmer, comme Les jeux sont faits (1947) sur un scénario de Sartre, Aux yeux du souvenir (1948), La Minute de vérité (1952), Chiens perdus sans collier (1955), Notre-Dame de Paris (1956) ou Vénus impériale (1962) et plusieurs autres qu'on n'a guère envie de défendre.

La bande annonce de «Notre-Dame de Paris» :

Mais, parallèlement, Delannoy continuait de réaliser d'excellents films, couverts d'un égal opprobre, beaucoup moins mérité. C'est sur eux que s'appuieront, pour une réhabilitation partielle, des cinéphiles plus jeunes comme Bertrand Tavernier ou Jacques Lourcelles : Le Garçon sauvage (1951), bien dialogué par Henri Jeanson, ou deux adaptations de Simenon comme Maigret tend un piège (1957) et surtout Maigret et l'Affaire Saint-Fiacre (1959) où Lourcelles a raison de voir « la transposition la plus attachante d'un Maigret au cinéma ».

Un extrait de «Maigret tend un piège» :

On y ajouterait volontiers Dieu a besoin des hommes (1950) qui reste excellent, très supérieur à La Symphonie pastorale (grâce, pour une bonne part, à Pierre Fresnay, inoubliable), et une Marie-Antoinette (1955) un peu trop entachée du fameux académisme, qui reste l'écueil majeur pour Delannoy, plutôt que La Princesse de Clèves, (1961), joliment adapté par Cocteau mais qui avait le tort de venir dix ou quinze ans trop tard. Après Les Amitiés particulières (1964), qui restituait avec tact et respect l'atmosphère du roman de Roger Peyrefitte, on peut ignorer la demi-douzaine de titres qui achèvent une carrière nettement sur le déclin et qui fut un peu trop prolifique.

Delannoy était l'homme d'un autre âge, et il ne fut pas le seul à ne pas s'en apercevoir à temps. Ce n'est pas une raison pour condamner l'ensemble de son œuvre, alors qu'un bon tiers de ses films méritent qu'on s'en souvienne et que trois ou quatre sont de grandes œuvres. Certes, Delannoy ne fut pas un « auteur » au sens qu'on donne au mot aujourd'hui. Mais qui finalement fut, à son époque, un véritable auteur ? Entre les films qu'ils voulaient mais ne purent tourner et ceux qu'ils durent réaliser à contrecœur (car, sauf à renoncer, il faut bien continuer de travailler), la plupart de ses contemporains (sauf Bresson) ne firent guère davantage œuvre d'auteur. Ils se contentèrent d'être des cinéastes, tantôt excellents, tantôt moins inspirés. C'est à leurs côtés que Jean Delannoy, metteur en scène aux limites évidentes, mais toujours respectueux de son art, mérite une place plus qu'honorable et même importante. Le temps est venu de la lui restituer.


Un « monsieur », Jean des Cars, Le Figaro, 20 juin 2008

L'historien Jean des Cars, très proche du cinéaste, témoigne sur celui qui fut considéré comme le survivant d'une autre époque, pour ne pas dire de la préhistoire.

Ce gentilhomme qui n'élevait jamais la voix et avait dirigé les plus grands, de Jean Marais à Jean Gabin en passant par Pierre Fresnay et Gina Lollobrigida, avait, dans son œuvre, résisté à tous les sarcasmes de la nouvelle vague, à toutes les critiques dites intellectuelles des années 1960.

Cinéma de papa, voire de grand-papa ? Sans doute, mais alors on en redemande ! Car Jean Delannoy savait tricoter une intrigue, écrire un scénario, raconter une histoire. Il savait donner la parole aux meilleurs, comme Michel Audiard. Réalisation carrée, comédiens tous remarquables, c'était du solide et dans une époque où tout se démode comme d'habitude  , revoir Maigret tend un piège, Maigret et l'Affaire Saint-Fiacre, La Symphonie pastorale, La Princesse de Clèves et Marie-Antoinette est toujours un régal, pour l'œil comme pour l'oreille, dans des genres on ne peut plus différents. La véritable qualité française, sans acrobatie ni esbroufe. Un grand classique.

Il avait conservé tous ses films en 16 mm

Il y a quelques mois, Michèle Morgan et Marina Vlady ont été saluer ce centenaire dans sa maison aux portes de la Normandie. Elles étaient très émues. Il avait conservé tous ses films en 16 mm et, en 2004, achevant mon livre Rodolphe et les secrets de Mayerling, je lui ai demandé de me prêter sa copie pour revoir ce long-métrage de 1949, courageux et toujours boycotté parce que le seulà défendre la thèse de l'assassinat de l'archiduc héritier, fils deSissi.

Il me dit : « Mais vous le trouverez en cassette. C'est plus simple ! » Certes, sauf que... la version vendue en cassette vidéo est amputée de sept minutes (sans aucune explication) et adopte donc l'éternelle thèse du double suicide… Quand je lui ai révélé cette incroyable censure clandestine de son œuvre, il me dit : « Eh bien, avec moi, vous avez un mystère de plus à ajouter à l'énigme de Mayerling ! »

Un réalisateur qui incarnait soixante-quinze ans de cinéma, ainsi que l'a montré Pierre Unia dans un magnifique hommage où des talents d'une autre génération, comme Yves Boisset, reconnaissent celui de Jean Delannoy. Un cinéma très « français » a perdu l'un de ses maîtres.

Au revoir, cher Jean…


« Jean Delannoy, cinéaste »

Jean-Luc Douin, Le Monde, 21 juin 2008

ne plaisanterie, qui avait été lancée par le cinéaste Jean-Luc Godard, courait Paris au début des années 1960 : le réalisateur du Mépris affirmait avoir vu Jean Delannoy arriver aux studios de Billancourt avec une petite serviette qui le faisait ressembler à un employé d'une compagnie d'assurances. C'est cet homme-là, l'une des têtes de turc de la Nouvelle Vague - cette dernière lui reprochait d'incarner un cinéma français sclérosé, colonisé par les scénaristes en vogue, otage des adaptations littéraires académiques et coupé de la réalité -, qui est mort, le 18 juin, à l'âge de 100 ans.

Né le 12 janvier 1908 à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), licencié ès lettres, il avait hésité : embrasserait-il la carrière de banquier, de journaliste sportif ou de décorateur ? Il finit par opter pour le cinéma, où sa soeur, Henriette Delannoy, s'était fait remarquer comme actrice au temps du muet. Jean Delannoy avait une raide silhouette de notable, un visage peu souriant, mais son apparente froideur cachait un honnête homme, passionné. D'abord acteur, il se spécialise un temps dans le montage, avant de se voir confier la mise en scène de courts et moyens métrages.

C'est avec Mireille Balin qu'il connaît son premier succès en 1938 : La Vénus de l'or. Suivent Macao, l'enfer du jeu, d'après un roman de Maurice Dekobra (1939), un temps bloqué par la censure allemande à cause de la présence d'Eric von Stroheim, Fièvres, avec Tino Rossi (1941), Pontcarral, colonel d'Empire (1942), un film historique à panache avec Pierre Blanchar, dont il doit ôter quelques répliques patriotiques : membre du Comité de libération du cinéma, Delannoy y dénonce implicitement le régime de Vichy.

En 1943, L'Eternel Retour le consacre. Il s'agit d'un scénario de Jean Cocteau, transposition contemporaine de la légende de Tristan et Iseut, avec Jean Marais et Madeleine Sologne. Jean Delannoy est féru des grands mythes et des histoires d'amour célèbres, comme le démontreront Vénus impériale (1962), reconstitution du mariage entre Napoléon et Marie-Louise, et surtout La Princesse de Clèves (1961), inspiré de l'oeuvre de Madame de La Fayette, avec Marina Vlady. Fier de sa carrière et rancunier à l'égard des critiques, qui lui reprochent de faire un "cinéma de papa", l'auteur s'enorgueillit d'avoir réalisé un film qui apparaît comme "l'antithèse de ceux de la Nouvelle Vague, qui sont réalistes et bâclés". A une époque où sévissent, dit-il, "les blousons noirs", il a à coeur de faire l'éloge "de la beauté et de la perfection".

Le goût du mélodrame se mêle chez lui à celui des aventures héroïques, dans un style assez glacé, solennel, parfois pompeux. Amateur de films en costumes et de transpositions à l'écran de grands auteurs, il signe Le Bossu (1944), où Lagardère incarne la résistance à l'occupant allemand. La Symphonie pastorale, d'après André Gide (1946), obtient le Grand Prix au Festival de Cannes. Il signe encore Les Jeux sont faits, d'après Jean-Paul Sartre, avec Micheline Presle (1947), Marie-Antoinette, avec Michèle Morgan (1956), Notre-Dame de Paris, d'après Victor Hugo, avec Gina Lollobrigida et Anthony Quinn (1957), L'Histoire du chevalier Des Grieux (1978), écrit par Jean Anouilh.

Cet adepte du cinéma populaire avait porté à l'écran deux Maigret avec Jean Gabin, Maigret tend un piège (1958) et Maigret et l'affaire Saint-Fiacre (1959). Il continue sa collaboration Jean Gabin-Georges Simenon par Le Baron de l'écluse (1960), avec des dialogues de Maurice Druon et Michel Audiard. Le Soleil des voyous (1967) est son ultime collaboration avec Gabin, qui, dit-il, est devenu "sa propre caricature".

Pourtant peu porté sur la spiritualité, Jean Delannoy a également signé Dieu a besoin des hommes (1950), inspiré par le livre d'Henri Queffélec Un recteur de l'île de Sein, avec Pierre Fresnay (pressenti pour le rôle, Gérard Philipe l'avait refusé sous prétexte que c'était un film religieux). Il tourna encore Bernadette (1988), un film sur la petite visionnaire de Lourdes où, touché par la pureté d'âme de son héroïne, il surmonte sa réticence protestante pour "les manifestations religieuses, d'où qu'elles viennent". Son dernier film est Marie de Nazareth (1995).

Jean Delannoy a occupé plusieurs postes honorifiques : président de l'Association des auteurs de films de 1965 à 1967, de l'Institut des hautes études cinématographiques (Idhec) en 1973 et du Syndicat national des auteurs et compositeurs de 1976 à 1981.


Dates clés

12 janvier 1908
Naissance à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis).

1943
L'Eternel Retour, scénario de Jean Cocteau.

1957
Notre-Dame de Paris.

18 juin 2008
Mort.

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VALSE AVEC L’AVOCAT DE LA TERREUR

17 Juillet 2008, 01:21am

Publié par Mister Arkadin

Ari Folman s’est-il vraiment montré audacieux en exposant et explorant, dans Valse avec Bachir, le malaise qu’il éprouve en se remémorant les massacres de Sabra et Chatila, auxquels il assista passivement, sans se rendre réellement compte de ce qui se passait ? Ne serait-ce pas un moyen pour Israël de se dédouaner, de minimiser son degré d’implication et la culpabilité de ses dirigeants, de son armée et de ses soldats, en plaidant l’irresponsabilité, à tous les sens du terme ? Ayant fait l’éloge du film au dernier "Libre journal du cinéma", je pense qu’il s’agit d’un mauvais procès. D’abord parce qu’un film israélien ne peut qu’être d’une certaine façon juge et partie à ce sujet et que Folman s’en sort de ce fait aussi bien que cela lui était possible. Ensuite parce que le parallèle qu’il établit entre Sabra et Chatila et la Shoah, à travers la comparaison des gestes et attitudes d’un enfant du ghetto de Varsovie et de rescapés libanais, me paraît aller assez loin dans l’introspection sincère et sans tabou.

 

 

Aussi bizarre que puisse paraître ce rapprochement, cela m’a rappelé L’Avocat de la terreur, le film de Barbet Schroeder sur Maître Jacques Vergès. Schroeder n’a pas osé pousser son portrait de Vergès jusqu’aux dernières années. Cela le dispense de traiter correctement la question du terrorisme palestinien contre Israël, juste évoquée. Mais l’on sent bien que Schroeder est gêné par le propos véhiculé par son film, qui laisse penser qu’il considère que Vergès, après des débuts exemplaires, s’est fourvoyé – thèse communément admise. On le sentirait presque prêt à se demander si ce n’est pas son admiration pour le défenseur des terroristes du FLN lors de la guerre d’Algérie, au nom de la Cause et du principe de la fin qui justifie les moyens, qui entre en contradiction avec son sionisme et son aversion pour le terrorisme qui touche Israël. Schroeder ne se demande-t-il pas in fine si ce n’est pas Vergès qui est resté fidèle à ses principes alors que lui-même les fait varier selon l’opportunité, selon les circonstances, qui ne devraient pas primer sur les principes ? Une fois que l’Etat d’Israël, de part la colonisation de territoires palestiniens, se voit confronté à des problèmes similaires à ceux que rencontra l’Etat français lors de la décolonisation, Shroeder est amené à reconsidérer, sinon ses idéaux de jeunesse, au moins les prises de position qui en ont résulté. De la même manière, étant confronté à la question de la complicité d’Israël dans un massacre de populations civiles, on sent Folman prêt à reconsidérer la question de la complicité des Etats qui ont collaboré avec l’Allemagne, et à plus forte raison des alliés, dans la mise en œuvre de la Solution finale, à tout le moins leur passivité et leur incapacité à en prendre conscience à temps et à l’entraver.

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DU RECORD DES CH’TIS ET DE LA CHRONOLOGIE DES MÉDIAS

16 Juillet 2008, 00:49am

Publié par Mister Arkadin

« Les Ch’tis ne devraient pas battre "Titanic" », a titré Le Monde dans son édition du 4 juillet 2008, suite au score décevant du film de Dany Boon lors de la "fête du cinéma", fin juin. Le record de Titanic devrait tenir, puisqu’il compte encore 500 000 spectateurs de plus. Avance en apparence très confortable, et qui devrait le rester, le film de Dany Boon ne réalisant plus que 15 000 entrées environ lors d’une semaine normale.

Jamais je n’avais eu une aussi claire conscience des bouleversements de la fréquentation des films en salles et de la fameuse "chronologie des médias" qu’à la lecture de cette information. Que nous dit-elle en effet ? Qu’un film sorti le 27 février 2008, qui faisait plus d’un million d’entrées par semaine à ses débuts, n’en attire plus que quelques milliers moins de six mois plus tard, alors même que l’on parle encore énormément de lui (encore la bouille de Dany Boon en une de Paris Match récemment). 500 000 spectateurs, par rapport à 20 000 000, cela représente 2,5 %. Autrement dit, il est d’ores et déjà acquis pour tout le monde (i.e. exploitants, distributeurs, journalistes, etc.) que le film aura fait plus de 97 % de ses entrées en cinq mois, que, non seulement il sortira de l’affiche prochainement (contrairement à Emmanuelle, par exemple, qui était encore projeté dans une salle parisienne au début des années 1980, des années après sa sortie), mais qu’une reprise dans quelques années ne permettrait pas de combler ce si faible retard sur Titanic, reprise plutôt improbable d’ailleurs, vu la carrière que Bienvenue chez les Ch’tis devrait faire en DVD, puis à la télévision, où l’on peut parier qu’il sera presque aussi souvent diffusé que La Grande vadrouille. Bref, tous ceux qui voulaient voir le film en salles l’ont vu, le bouche à oreille ne fonctionne que quelques semaines durant, les autres l’ayant vu dans une version piratée ou attendant qu’il soit disponible légalement sur les petits écrans.

Le constat n’est pas tout à fait nouveau, mais, à l’heure où un groupe de cinéastes considère que « la mise à disposition des films [en DVD, VOD ou à la TV] plus tôt après leur sortie en salles » serait l’une des seules mesures susceptibles de compenser les restrictions induites par la lutte contre les téléchargements sauvages sur Internet, qu’il appelle de ses vœux en prenant la défense du projet de loi « création et Internet » (« Culture ne rime pas avec gratuité », Le Monde, 9 juillet 2008), il laisse tout de même songeur.

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DES BLOGS

15 Juillet 2008, 00:16am

Publié par Mister Arkadin

La table ronde sur l’avenir de la critique au regard du développement des blogs, que j’ai annoncée ici il y a une vingtaine de jours et dont la Cinémathèque propose un enregistrement vidéo, , s’est révélée suffisamment stimulante pour m’inciter à compléter ma page de liens relative aux blogs de cinéma. Je me suis contenté pour l’instant d’un classement alphabétique, sans trop de sélection et sans hiérarchie, quoiqu’il aille de soi qu’on y trouve à boire et à manger. J’ai toutefois voulu présenter un panorama assez vaste pour rendre justice à la variété permise par Internet et à la vitalité de la cinéphilie qui s'y déploie.

N’ayant pas le temps de rédiger un compte rendu des débats de la Cinémathèque, je reprends tout de même quelques-uns des propos les plus pertinents :

- Internet est principalement « un média qui met en relation les archives et l’actualité », qui permet par conséquent de « mettre en relation le cinéma d’aujourd’hui avec la mémoire, avec sa propre cinémathèque imaginaire », ainsi qu’avec d’autres disciplines (Joachim Pasquier, 365 jours ouvrables) ;

- Deux problèmes se posent : l’anonymat qui règne parfois sur Internet (notamment sur les forums), la question de la responsabilité de ses écrits demeurant essentielle ; l’archivage des sites, qui disparaissent, évoluent, se perdent dans les sphères informatiques sans que leur histoire ait été écrite ou qu’elle puisse l’être à l’avenir (Alexandre Tylski, cadrage.net) ;

- La critique sur Internet peut et doit permettre le développement de modes d’écriture audiovisuelle nouveaux, propice aux collusions, aux rapprochements inattendus mais pertinents, pour autant qu’elle ne soit pas entravée par le problème des droits d’auteur (Luc Lagier, Arte) ;

- Se pose encore plus sur Internet que dans la presse traditionnelle la question de l’expertise, de la légitimité de tel ou tel à s’exprimer sur le cinéma, à juger les films, tout en permettant de s’affranchir du positionnement imposé par son support de presse, par le créneau de son journal, de se détacher aussi de l’obligation de prescription ;

- A cette question du rôle et de la légitimité de la critique, N.T. Binh répond en rappelant le mot d’Oscar Wilde, du temps où il n’était encore que critique dramatique et qu’un auteur lui demandait de quel droit il dénigrait sa pièce : « Je n’ai pas besoin d’être une poule pour reconnaître un œuf pourri. »


Lien complémentaire :

Le blog des "nouveaux cinéphiles" mentionne d'autres comptes rendus de cette manifestation.

 

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TROIS TENDANCES DE LA BÊTISE DANS LES COMÉDIES FRANÇAISES

14 Juillet 2008, 15:42pm

Publié par Mister Arkadin

L’un des ressorts de la comédie est la bêtise. On peut regretter que la comédie française en fasse presque son unique objet, mais on ne peut lui reprocher d’y recourir. En revanche, l’évolution de son traitement ne laisse pas d’inquiéter. Au risque d’être schématique, on pourrait classer en trois tendances les comédies selon leur façon d’envisager la bêtise des personnages qu’elles mettent en scène.

Les films d’un Jean Yann ou d’un Etienne Chatillez les caricaturent ouvertement. Ils chargent, dénoncent, voire méprisent, selon les détracteurs de ses deux cinéastes. Aucune complaisance envers la bêtise ne peut leur être imputée, mais plutôt de la condescendance, la complicité avec le spectateur s’exerçant au détriment de personnages dont chacun se sent supérieur. En réaction à cette tendance au mépris (comme aurait dit Truffaut), le public a fait un triomphe à Bienvenue chez les Ch’tis car ce film prend habilement le parti de la prétendue bêtise du peuple contre la soi disante intelligence des bobos parisiens ou de la Côte. C’est assurément plus sympathique, quoique un brin démagogique, et cela rejoint les procédés du duo Jaoui/Bacri, en particulier dans Le Goût des autres : méfiez-vous des apparences, riez donc de quelqu’un de bête et c’est vous qui vous sentirez bien sot quand vous découvrirez qu’il ne l’était pas du tout.

La troisième tendance, la plus récente si je ne me trompe, rompt toute coupure, aussi bien entre les auteurs et leurs personnages de demeurés, entre les auteurs et les spectateurs, qu’entre les spectateurs et les imbéciles qui lui sont présentés sur l’écran. Plus de distance, plus d’apparences à dépasser, nous sommes de plein pied dans la bêtise et nous y pataugeons gaiement. Je n’ai pas vu Camping assez longtemps pour pouvoir le placer indubitablement dans cette catégorie. Il m’a bien semblé toutefois que nous étions invités à nous reconnaître, sans honte ni dégoût, dans les personnages du film, aussi médiocres soient-ils. Un peu plus de distance dans La Personne aux deux personnes, esprit Canal oblige, force clins d’œil et décalages se voulant spirituels, mais même adhésion aux personnages. J’ai supporté difficilement ce que j’ai pris pendant les deux tiers de la projection pour du mépris de la part de parvenus de la télévision (Chabat, Bruno et Nicolas) envers le personnage joué par Auteuil, petit employé de bureau médiocrissime, auquel renverrait la bêtise du pauvre spectateur englué dans une vie minable au regard de la vie exaltante des auteurs. Mais, de fait, le moyen que trouve le personnage pour en sortir n’est guère plus exaltant : l’identification à un chanteur de variété tout aussi stupide que lui, qui, en terme d’élévation intellectuelle et d’accomplissement artistique, se situe précisément à peu près au niveau des auteurs du film. Pas de distance là non plus.

Enfin, cette bêtise revendiquée, satisfaite, apolitique et déculturée, se retrouve dans Seuls Two, malgré le cachet "film comique d’auteurs" que Libération et Les Inrockuptibles essaient tant bien que mal de conférer à Eric et Ramzy – à moins que ce ne soit justement l’une des raisons pour lesquels ces derniers trouvent grâce à leurs yeux. J’ai particulièrement été frappé par le moment où Eric découvre comment Ramzy s’occupe dans Paris subitement désert. Comment le personnage occupe-t-il son temps et l’espace soudain vierge ? En roulant à toute allure à travers Paris dans un bolide de course. D’une situation paradisiaque, de Paris sans bruit ni encombrement, sans nuisance sonore (la pire des pollutions) ni populacière, il ne profite nullement, par exemple en prenant le temps de flâner, de contempler, de se promener, à pied ou à vélo. Au contraire, il réintroduit le vacarme, la frénésie de vitesse et d’activités, l’encombrement de l’espace, la nuisance ; il détruit toute préciosité dans le rapport au temps et à l’espace, toute in-nocence (comme dirait Renaud Camus), pour étaler sa bêtise grasse. Et j’ai bien peur que ce que choisit de faire le personnage ne soit livré au spectateur comme ce qu’il y aurait de mieux à faire dans cette situation, de plus jouissif, de plus festif, de plus moderne.

Le spectateur n’est plus invité à se moquer de l’imbécile qui lui ait montré sur l’écran, ni à se déprendre de son sentiment de supériorité pour se rendre compte que son prochain n’est pas plus bête que lui  ; il est désormais encouragé à s’identifier à ce qu’il y a de plus bête dans la société actuelle, à s’y vautrer complaisamment. C’est donc bien d’un Jean Yann dont la comédie française aurait aujourd’hui besoin pour être à nouveau dynamitée. Mais peut-être une quatrième voie s’offre-t-elle à nous. Celle du OSS 117 de Michel Hazanavicius et Jean-François Halin, tel qu’interprété par Jean Dujardin, plus difficile à définir bien que jouant également sur la bêtise du personnage , car nettement plus subtil. Cela tombe bien, OSS 117 revient bientôt sur les écrans (je dis cela au cas vous auriez échappé aux 413 reportages sur le tournage publiés dans la presse ces dernières semaines…). N’en attendons pas trop de peur d’être déçus. Mais soyons certains qu’il relèvera au moins quelque peu le niveau !

 

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VUILLERMOZ - COMPTES RENDUS

14 Juillet 2008, 06:25am

Publié par Mister Arkadin

Comptes rendus du Temps du cinéma. Émile Vuillermoz, père de la critique cinématographique en France
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Dans cette rubrique sont regroupés les comptes rendus de mon livre sur les origines de la critique cinématographique en France.

- Mention sur France Culture (à l'occasion d'un dossier sur la "webcritique").

- Entretien avec Philippe d’Hugues dans son « Libre journal du cinéma », Radio Courtoisie, 26 février 2004.

- Objectif-cinema.com : présentation du livre dans la rubrique « Livres & Presse » de la section « Forum », 12 juillet 2004.

- Cine-studies.net (site de Philippe Chiffaut-Moliard ; rubrique « L’activité éditoriale », dans « Les news ») : présentation (quatrième de couverture et table des matières) + extrait (« D'une incertaine indépendance de la critique : le cas d'Émile Vuillermoz d'après un document de Jean Mitry, 1926 »).

- Libération : « La critique ciné se découvre un père », par Antoine de Baecque, lundi 29 décembre 2003 ; découvert le lundi 5 janvier 2004 ; droit de réponse envoyé le jeudi 7 janvier 2004, non paru ;

- Ma réponse au précédent compte rendu : « Down, down, down... Would the fall never come to an end » (13 février 2004 ; quelques notes complémentaires écrites postérieurement).

- Bref : « De quelques méconnus » [Vuillermoz, mais aussi Kirsanoff et Starewitch], par Jacques Kermabon, printemps 2004, p.76.

- L’Éducation musicale : Jean-Claude Le Saul, n°511/512, mars-avril 2004, p.46.

- 1895 : compte rendu par François Albéra, « La Critique de cinéma, Colette et le sacre de Vuillermoz », n°45, printemps 2005, p.133-139 (136-139).

- Europe : article d’Alain Virmaux, paru dans le n°901, mai 2004, p.352-353.

- Critique d’art : J.L., n°23, printemps 2004, p.42.

- CinémAction : article de Guy Gauthier, n°112 (« Le surhomme à l’écran »), 3e trimestre 2004 [juin], p.279.

- Positif : article de Jean-Paul Morel, n°523, septembre 2004, p.67.

- Éléments : article de Michel Marmin, n°115, hiver 2004-2005 (décembre 2004), p.57.

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VUILLERMOZ - COMPTE RENDU DE "POSITIF"

14 Juillet 2008, 06:19am

Publié par Mister Arkadin

Morel (Jean-Paul), Positif, n°523, septembre 2004, p.67.


Enfin dépassé le complexe Richard Abel. Enfin surmonté, le terrorisme des néo-baziniens. Sous la houlette de Pascal Ory (université de Saint-Quentin-en-Yvelines), à l'instigation de professeurs « autorisés » tels Jean A. Gili, François Albéra et grâce à la dynamique instaurée à l'intérieur de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma (AFRHC). De jeunes chercheurs sont en train de débroussailler un terrain qui n'avait pas été fouillé par les historiens reconnus du cinéma, et qui avait même été obscurci par leurs travaux. Ils ne se laissent plus impressionner par les « phares », ils vont voir et revoir les films, dépouillent les revues, les archives, et n'entendent plus se laisser déborder, avec des moyens encore fort limités, par ces équipes venues d'ailleurs et richement pourvues.

Superbe travail que celui-ci (pour une simple maîtrise), réalisé et édité par Pascal Manuel Heu, sur l'un des premiers grands critiques de cinéma. Émile Vuillermoz (né à Lyon en 1878, mort à Paris en 1960), curieusement délaissé malgré la tribune qu'il occupa pendant vingt-six ans au Temps (l'ancêtre du Monde, rappelons-le), de 1916 à 1942. On pourra déjà en juger à ses quarante pages d'index, de sources et de bibliographie. Vuillermoz n'ayant jamais réuni ses articles, à la différence d'autres critiques, on peut placer ce travail au rang de l'inédit.

Faut-il aujourd'hui considérer Emile Vuillermoz comme le vrai « père de la critique cinématographique » ? Disons d'abord que c'est le principe d'une thèse d'amasser tous les arguments qui peuvent la justifier ; on pourra sans doute en disputer longtemps, mais notre auteur ne craint pas de remonter à d'autres précurseurs ou d'évaluer la place de son sujet face à ses concurrents. Premier critique indépendant, il y a de fortes probabilités qu'il le soit, même si l'on peut citer, « parmi les premiers ». Jean Galtier-Boissière, Ricciotto Canudo, Louis Delluc, Léon Moussinac et Lucien Wahl, et compte tenu que son journal, sans jamais l'honorer en particulier, ne lui a accordé une place régulière qu'après six ans d'efforts, à partir de fin 1922. Tous le déplorent à l'époque. Vuillermoz y compris : il n'existait pas de critique indépendante, pas même le droit de critiquer (la fameuse « interdiction de siffler », héritée de la réglementation théâtrale), avant le fameux procès Sapène-Moussinac, qui n'a été gagné pour la critique, contre les producteurs, distributeurs et exploitants, qu'en décembre 1930 ! Le cinéma, dit-on, est né en 1895... l'enfant avait déjà trente-cinq ans. Le deuxième mérite de ce travail de recherche est d'avoir fait resurgir la figure de Paul Souday (Le Havre, 1869/Paris, 1929). Souday n'était ni le premier des « iconophobes » (voir saint Bernard) ou des « cinéphohes » (voir Jules Claretie. de l'Académie française), ni le dernier (cf. Georges Duhamel, lequel sera aussi de l'Académie française), mais il avait pignon sur rue, au rayon théâtre, dans le même journal (ce qui ne manque pas de sel !). Il fallait contrôler les divertissements des masses qui, avec le caf’conc’ et le music-hall, bouclaient déjà la culture.

Peut-on qualifier Vuillermoz de militant ? II dénonce les conséquences d'un système qu'il se garde bien d'attaquer, ne parlant ni d'« usine aux images » (comme Canudo) ni d' « usine à rêves » (llya Ehrenbourg), et n'apporte pas son soutien, malgré sa tribune, à Léon Moussinac. On lira encore avec plaisir sa déclaration du 15 septembre 1928 : « C'est pourquoi, sans aucun parti pris de xénophobie, nous avons le droit de considérer comme un danger national l’investissement de plus en plus menaçant de toutes nos salles obscures par des catéchistes du Nouveau Monde qui prêchent aux badauds de l'Ancien un bien désolant Évangile... » Mais Vuillermoz ne sait pas analyser les ressorts du contingentement. Lui-même se gargarise d'un discours messianique, et, en voulant faire le « nettoyage » dès son entrée dans la carrière, il sera assimilé (par Jean Prévost, en 1927) aux « cinéphobes ». Son héritier spirituel (sans aucun talent critique) dans les années 30 : Daniel Parker, et le Cartel d'action morale. Dans cet impressionnant dépouillement, comment ne pas souligner quelques failles. Pas un mot sur les jugements esthétiques formulés par le critique, malgré la liste précise des films dont il a rendu compte. Pas un mot ou presque sur l'oreille du critique musical converti au cinéma, malgré les musiques dûment commandées qui accompagnèrent le cinéma dit muet. Pascal Manuel Heu, dans son analyse globale du statut du critique, est victime du discours en vogue et du dogmatisme (terrorisme ?) auquel il semblait vouloir échapper : la théorie avant (voire aux dépens de) l'expérience. Les premiers critiques, heureusement, n'ont pas attendu une telle autorisation.

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VUILLERMOZ - COMPTE RENDU DE "1895"

14 Juillet 2008, 06:18am

Publié par Mister Arkadin

Albéra (François), « Note de lecture », 1895, « Revue de l’association française de recherche en histoire du cinéma », n°45, avril 2005, p.136-139


En 1927 Émile Vuillermoz, dans Le Temps, consacre un article – « Photogénie des bêtes » - à un projet de film de Colette qui serait basé sur une interprétation exclusivement canine. Cette coïncidence permet d’évoquer le livre que Pascal Manuel Heu publie sur Vuillermoz qu’il baptise « père de la critique cinématographique ».

Il ne fait pas de doute qu’Émile Vuillermoz occupe une place importante dans l’ensemble des discours sur le cinéma tant comme critique à proprement parler – dans des journaux et des revues – que comme théoricien. Il n’en est pas moins évident pourtant que son nom s’est quelque peu effacé des ouvrages de référence à quelques exceptions près. Le « 128 » de Prédal en donne une nouvelle démonstration en ne lui accordant aucune place. Le mérite de Pascal Manuel Heu est donc grand de s’être consacré à étudier de près son œuvre critique entre 1910 et 1930, au moment même où un ouvrage consacré à la critique de cinéma en France l’occultait (Michel Ciment, Christian Zimmer (dir.), la Critique de cinéma de France)… Les raisons de cette occultation française – puisque c’est l’Américain Richard Abel qui lui redonne, le premier, sa place -, Pascal Ory, qui a dirigé le mémoire de maîtrise dont procède ce livre, les donne en trois lignes : la construction d’une généalogie critique s’efforçant de relier une pensée du cinéma qui aurait une certaine continuité afin d’aboutir à André Bazin via Auriol et Delluc. La construction occulte tout autant Delluc quoique en le mettant en pleine lumière, mais elle laisse dans l’ombre Vuillermoz – et bien d’autres : Juan Arroy, Pierre Porte, André-Levinson, etc.

A cet égard, l’enquête minutieuse de Heu établit fort bien la précocité de l’intérêt de Vuillermoz pour le cinéma, la régularité de son intervention dans les colonnes du journal le Temps où son propos se distingue de la plupart des chroniqueurs de cinéma du début des années 1910 qui simultanément formulent la nécessité d’une critique de cinéma (G. Pierre-Martin, Yhcam, Fouquet, etc.)

Cependant, la lecture même du livre de Heu peut conduire à formuler une autre hypothèse : l’oubli de Vuillermoz a aussi des raisons sinon objectives, du moins liées à son type d’intervention dans la champ critique, à la teneur de son discours, à son dessein esthétique. C’est pourquoi on peut discuter le fait d’en faire un père, même s’il n’est pas discutable qu’i soit un pionnier.

Mais ce débat renvoie à une première interrogation déjà évoquée tout à l’heure : qu’est-ce que la critique, à qui s’adresse-t-elle ? Quelle est sa fonction ?

Les histoires de la critique ont le tort de projeter sur les débuts d’un discours de presse (sur le cinéma et sur les films) les catégories qui se mettent en place dans les années 1920 et qui perdurent plus ou moins aujourd’hui (elles sont en train de muter vers autre chose, mais ceci est une autre histoire).

Ainsi le mot même de critique cinématographique  met-il quelques années à apparaître après que l’on écrit « déjà » sur le cinéma et sur les films, puis le sens que le terme prend évolue, en tout cas est sujet à débat ou divergences. Dès lors que l’on dit « il faut une critique de cinéma » sur le modèle de la critique dramatique quel objet lui donne-t-on eu égard aux particularités de l’exploitation cinématographique qui n’a que peu de rapport avec le monde théâtral (répertoire, durée des représentations, monde ayant ses critères internes d’évaluation) : le cinéma est pléthorique (nombre de films), ubiquité, les films ne restent pas longtemps en exploitation et disparaissent. D’autre part à qui le critique s’adresse-t-il dans une situation où le champ cinématographique n’est pas constitué avec ses règles, ses lieux consacrés, ses valeurs, etc. ?

Vuillermoz qui exalte l’importance de la critique à partir de son expérience de critique musical (cela le distingue de ceux qui proviennent ou se rattachent au théâtre) se trouve donc au début d’une discussion où quelques autres protagonistes interviennent et de manière croissante…

L’enjeu du discours critique est double : éduquer les cinéastes et les producteurs (en jugeant leur travail et donc en les incitant à l’améliorer), éduquer le public (la foule – c’est une singularité du cinéma par rapport au théâtre et à la musique de s’adresser au plus grand nombre, de ne pas présupposer un niveau culturel minimal de son public). Ce dernier point est à double entrée : le critique guide et éduque, incite et éclaire, mais il prétend aussi dire tout haut ce que le public pense tout bas. Vuillermoz tient les deux discours : en 1923, le critique est le porte-parole du public, en 1928, il guide  un public incapable. Ces positions contradictoires sont cependant tardives et il conviendrait de déterminer précisément la position qu’il adopte entre 1910 et 1916.

Le premier point suppose un système de valeurs.

Le juge qu’est le critique doit être adossé à des certitudes en matière artistique et esthétique. Heu énumère un certain nombre de ces valeurs qui étayent la position de Vuillermoz : la spécificité, l’artisticité, et les modèles ou analogies qui lui servent d’outil : la musique notamment. Il a, d’autre part, un point de vue sur ce moyen de représentation nouveau : ce point de vue procède des certitudes acquises dans les autres arts que Vuillermoz souhaite voir accueillir à son tour le cinéma. Le corrélat de ce point de vue, c’est le paternalisme du critique : il accompagne l’enfant terrible, tente de le raisonner, le faire bien se tenir, il le sait dans l’enfance, à l’âge ingrat, encore vulgaire ou immoral.

Ces différentes attitudes expliquent sans doute le fait que Vuillermoz, s’il est indéniablement un des premiers critiques et des plus prolifiques et des plus durables, n’acquiert pas cette place que Delluc occupe. Delluc ne veut pas que le cinéma rejoigne ou égale les autres arts, il le met au-dessus d’eux, comme l’Herbier avec qui Vuillermoz rompt quelques lances sans voir quel sens le cinéaste donne à son intervention provocatrice « le cinématographe contre l’art ». En d’autres termes là où Delluc est enthousiaste, incitatif, engagé, Vuillermoz demeure réservé, juge impartial. On le voit mal, en ce sens, insuffler une dynamique dans la production, même s’il se félicite des innovations, appelle à un développement des écoles et des querelles d’écoles concurrentes. La personnalité de Vuillermoz demeure un peu mystérieuse, sauf à s’en tenir aux pages hautes en couleur que lui consacre Autant-Lara dans la Rage dans le cœur (Veyrier, 1984), à l’occasion de « l’affaire Ciboulette » où Vuillermoz, intermédiaire entre Reynaldo Hahn et la production du film, s’oppose sans cesse à Prévert et Lara qui entendent prendre des libertés avec l’opérette…

On pourra enfin discuter la propension qu’a Heu de considérer Vuillermoz tout d’un bloc et de faire dialoguer des textes distants parfois de dizaines d’années. Il semble qu’on aurait intérêt à examiner de plus près l’inscription des ces textes dans le contexte et ainsi pouvoir suivre leur évolution.

Mais Vuillermoz est tout autant théoricien du cinéma que critique de films et dans la vaste discussion autour des notions de rythmes et de correspondances entres les arts, ses écrits ont encore beaucoup à révéler.

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VUILLERMOZ - COMPTE RENDU D'"ÉLÉMENTS"

14 Juillet 2008, 06:17am

Publié par Mister Arkadin

M.M. [Marmin (Michel)], « Émile Vuillermoz », Éléments, n°115, hiver 2004-2005 [décembre 2004].


Dans mon Lang, j’ai fait une longue citation d’un article d’Émile Vuillermoz sur les Nibelungen (1924), l’un des chefs-d’œuvre muets du cinéaste allemand. Très connu pour avoir été l’un des plus grands musicologues du XXe siècle, Vuillermoz l’est moins comme critique et comme théoricien du cinéma. Je devrais dire "était", car son rôle capital a été mis en lumière par Pascal Manuel Heu dans un ouvrage où l’on découvre que le musicologue fut en réalité, dès 1916, l’inventeur de la critique cinématographique, et qu’il fut dans le quotidien Le Temps le défenseur avisé d’un moyen d’expression dont il fut l’un des tout premiers à déceler la spécificité et la valeur, mais aussi la fragilité. Ce livre constitue à cet égard une contribution majeure à l’histoire de la pensée cinématographique.

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