Mister Arkadin

"CHARLIE HEBDO", LES RATS ET LES TIQUES

18 Juin 2008, 15:42pm

Publié par Mister Arkadin

"Hors-cadre" : j’inaugure ici une rubrique extra cinématographique, ayant pour rapport avec l’objet de ce blog de traiter de la presse, de la façon dont se révèle son idéologie et de l’influence de la manière dont elle rend compte de divers phénomènes sur la réception de ceux-ci.


À la lecture d’un article de Jean Bricmont, intitulé « La liberté d’expression : quels principes ? » ("Le Grand soir", 12 juin 2008), et notamment de la proposition « la question n’est pas de savoir si on "aime" Gollnisch (ou Faurisson, Irving, etc.), mais jusqu’à quel point on est prêt à sacrifier les principes les plus élémentaires de la justice et du droit pour faire taire les gens qu’on n’aime pas », j’ai aussitôt pensé à la manière dont Charlie Hebdo (n°832, 28 mai 2008, p.4) s’est gaussé du retrait de la politique de Bruno Mégret :

« ADIEU – Bruno Mégret a annoncé son "retrait de la politique" : "Je vais travailler à l’étranger pour une grande entreprise." Disneyland ? Il paraît qu’ils embauchent des rats pour jouer Mickey. »

La ratonnade est une pratique fréquente dans Charlie Hebdo (1), qui introduit parfois quelques plaisantes variations en assimilant ceux qui n’ont pas l’heur de lui plaire à divers insectes nuisibles (je reproduis ci-dessous un courrier, resté bien sûr sans réponse, que j’avais envoyé à ce canard sur ce sujet il y a quelques années). Qu’elle s’exerce sur des personnages qui ne me sont pas particulièrement sympathiques ne la rend pas moins nauséabonde. Car la phrase de Bricmont peut être inversée : « La question est de savoir jusqu’à quel point on est prêt à défendre les principes les plus élémentaires de la justice et du droit y compris à propos de gens qu’on n’aime pas (notamment leurs droits à la libre expression et à être traités en êtres humains). »

Nombre de dirigeants des partis nationalistes français ont une allure et surtout une voix qui ne me reviennent pas, par exemple Messieurs Gollnish et Mégret ; sans doute est-ce plutôt ma faute que la leur, mais je ne puis m’empêcher d’avoir un préjugé défavorable à leur encontre, en application d’une sorte de délit de sale gueule, qu’ils ne méritent peut-être point (il s’est d’ailleurs en partie dissipé les quelques fois où j’ai eu l’occasion de les entendre relativement longuement, sur Radio Courtoisie, et non plus quelques instants, comme c’est le cas dans quasiment tous les autres médias français). Toutefois, m’insupporte la manière dont « les principes les plus élémentaires de la justice et du droit » sont bafoués à leur propos. Ainsi une bonne partie des historiens français s’est-elle déconsidérée en signant moult pétitions contre les "lois mémorielles", en particulier quand elles menaçaient l’un des leurs, tout en ne pipant mot sur l’éviction concomitante de Bruno Gollnish de la faculté de Lyon, en raison des sous-entendus négationnistes qu’on lui prêtait et de mauvaises pensées supposées. De même pour les poursuites judiciaires très sévères dont a été l’objet Bruno Mégret parce que les services de la municipalité de Vitrolles avaient été utilisés pour envoyer des tracts d’une campagne électorale personnelle. C’est très répréhensible assurément et lui-même a vite reconnu et voulu réparer l’erreur commise. Que la pratique soit courante (un exemple ici ; des pratiques similaires ici et ) n’est certes pas une circonstance atténuante ; elle rend cependant pour le moins discutable la façon dont la presse (notamment Libération) s’est emparée de l’affaire et y a consacré de nombreux articles uniquement parce qu’elle concernait un homme politique honni.


Note et documents complémentaires :

(1) (18 septembre 2008) Pratique courante et aucunement répréhensible selon la justice, la liste des procès que Charlie-Hebdo publie sur le site que l'hebdomadaire vient de lancer rappelant que Bruno Mégret lui paya des dommages et intérêts pour s'être plaint d'avoir été traité de "petit rat" par Luz (février 2008).

- Un courrier adressé à Philippe Val, directeur de Charlie-Hebdo, le 28 février 2003 :

« Cher Monsieur Val,

 » Je vous suis infiniment reconnaissant pour votre article sur le Medef et les intermittents du spectacle (Charlie Hebdo du 26 février 2003), dans lequel vous comparez le baron Seillière à une tique au cerveau microscopique.

 » Je n’avais jusqu’à sa lecture jamais réussi à concevoir comment tant de Français des années trente et quarante avaient pu supporter que des analogies entre une partie de la population et des animaux (par exemple des rats) soient développées dans un journal qui connut un plus grand succès encore que le vôtre.

 » Je n’arrivais pas à comprendre comment on pouvait ne pas être choqué, voire trouver spirituel l’article dans lequel Robert Brasillach (esprit brillant s’il en fut, ce qui ne faisait que renforcer l’énigme) parlait de la "question singe", afin qu’en vertu du décret Marchandeau, on ne pût l’attaquer pour avoir traité de la "question juive".

 » Je sais désormais, grâce à vous, que Je suis partout était tout simplement un journal similaire à Charlie-Hebdo, c’est-à-dire l’hebdomadaire satirique et radical de l’époque, tout comme Charlie-Hebdo est le Je Suis Partout d’aujourd’hui.

 » Veuillez croire, Cher Monsieur Val, en mes remerciements les plus sincères pour cette très éclairante leçon d’histoire.

 » Pascal Manuel HEU. »

- Un autre texte de Jean Bricmont sur la liberté d’expression.


PS (26 décembre 2008) : L'avant-dernier édito de Philippe Val (17 décembre, p.3, nouveau monument de mauvaise foi, de "pensée  subtile", binaire et auto-satisfaite, reprend le procédé d'animalisation des ennemis, "ratons laveurs" et "petits lapins" "pens[ant] encore plus vite qu'ils ne baisent". On appréciera également le procédé de diabolisation d'un contradicteur, "Bernard Romain Marie Antony", qui consiste à citer trois phrases sur les juifs prélevés dans un article de 1979, alors que Bernard Antony a publié l'année dernière un livre de 530 pages intitulé Histoire des Juifs d'Abraham à nos jours. Éléments pour la connaissance de l'histoire de la religion et de la culture juive.

Compléments :

(24 septembre 2010) Le changement d'éditorialiste (Bernard Maris ayant remplacé Philippe Val) n'a pas modifié la rhétorique de Charlie-hebdo, peu avare d'attaques ad hominem, d'animalisation de l'adversaire, de racisme de classe, de dénonciations des apatrides (la une récente de Libé arborant "Touche pas à ma nation" ne vise-t-elle pas à dénoncer l'"Anti-France" ?), d'insultes, bref de tout ce qui est ordinairement imputé à la presse "d'extrême-droite". Deux exemples :

- "L'apéro de Bernard Maris" du 15 septembre 2010 : « [...] Fillon qui arbore des Sebago, des blazers, un look et une mèche de petit lèche-cul d'étudiant en droit géniteur d'une demi-douzaine d'enfants »

- "L'apéro de Bernard Maris" du 22 septembre 2010 : « [...] Hortefeux n'est pas vraiment de nationalité française ; il est de Neuilly - comme Sarko -, ce qui est différent. »

(6 janvier 2011) Les Inrockuptibles rivalisent parfois avec CH dans l'animalisation de l'adversaire, comme dans leur numéro 785 (15 décembre 2010, p.47), où le président du Front National est traité de "gros porc".

Autres exemples :

http://farm6.static.flickr.com/5100/5522563920_4d0ddf1f87_z.jpg

http://farm6.static.flickr.com/5139/5521974003_4f1ca5ce9d_z.jpg(9 avril 2011) Autre "anti-fasciste" d'opérette se livrant à l'animalisation de l'Ennemi : Didier Porte dans moult chroniques, la dernière en date le 8 avril 2011 ("Arrêt sur images", "Chez Didier : Porte soigne Ménard, atteint de zemmourite aiguë"), Éric Zemmour étant censé avoir contaminé Robert Ménard, Zemmour ayant lui-même chopé le "virus" Le Pen : « Comment s'attrape la zemmourite ? Est-elle transmissible par le toucher ou la salive ? Est-il possible de s'immuniser ? Didier Porte, chroniqueur médical, étudie le cas inquiétant du patient Robert Ménard. » Constatons une nouvelle fois que les plus brillants "humanistes", à coup sûr soucieux du sort en prison de n'importe traficant de drogue ou violeur d'enfants (ce dont on ne saurait les blâme), ne rêvent que d'enfermer et de mettre le baillon et la camisole de force à tous les êtres nuisibles qui n'ont pas l'heur de penser comme eux. Rappelons-nous à cet égard que l'un des mots de Jean-Marie Le Pen qui fit le plus scandale, le fameux "Durafour crématoire", assurément de mauvais goût, avait été prononcé en réaction au souhait exprimé par ledit Durafour d'"exterminer" le Front national.