Mister Arkadin

QUOI DE NEUF ? "JEUNE CINEMA" !

13 Juillet 2008, 12:32pm

Publié par Mister Arkadin

Sans doute les derniers numéros de Jeune Cinéma (les 314 et 315/316) avaient-ils paru en retard. Ils étaient si riches que je l’avais oublié. Et c’est aujourd’hui une joie d’autant plus vive de recevoir le nouveau JC moins de deux mois après le précédent ! Un gros numéro double, formule adoptée presque systématiquement désormais et que l’on voit se pérenniser avec satisfaction tant elle convient à cette revue qui, bien qu’elle traite de l’actualité, ne lui est pas soumise. Moins encore aux modes et la recherche du succès d’audience à bon compte. Qu’on en juge : Humphrey Jennings en couverture pour la partie « Du monde entier », qui comprend aussi des dossiers sur Im Sang-soo, Darren Aronofsky et le cinéma finlandais pour enfants. Pas une once de racolage à JC, dont Lucien Logette tient les rênes avec persévérance. Son éditorial est de nouveau un modèle de concision et de vigueur. Il y revient avec bonheur sur le précédent, pour se moquer gentiment des Cahiers et pour souligner à très juste titre que l’excellent bouquin Symptômes du jeune cinéma français comble bien des lacunes du trop fameux rapport du Club des 13 (j’aimerais pour ma part pouvoir discuter avec Daniel Serceau de son livre et de la situation du cinéma français au libre journal du cinéma de septembre).

Logette règle par ailleurs leur compte, dans sa présentation générale d’un dossier sur Cannes, à ceux qui ont "daubé" sur une sélection du festival qui passerait par un « cinéma sans surprises, estampillé "cannocompatible" ». Ayant fait partie de ces grincheux, ici même, je reconnais bien volontiers que les arguments de Logette font mouche. J’apprécie tout autant sa pique contre "la méthode dite du "je-l’ai-pas-vu-mais-j’en-ai-entendu-causer-et-il-faut-que-je-la-ramène", que Truffaut a sans doute inventée en matière de critique cinématographique, que Les Inrocks se vante presque de transformer en système, que Finkielkraut ne peut s’empêcher d’employer périodiquement, quand bien même cela lui vaudrait de se faire taper sur les doigts (cf. le film de Bonitzer, Rien sur Robert, et moult sites, par exemple celui-ci)… et que je reprendrai moi-même sans doute prochainement à propos d’Entre les murs !

L’avantage d’une aussi bonne revue que JC, c’est que même les points de vues avec lesquels on n’est pas du tout d’accord comportent des analyses pertinentes qui éclairent notre jugement. Ainsi pourrais-je quasiment reprendre l’essentiel de l’éloge d’Un conte de Noël par René Prédal, presque mot à mot, en le retournant pour démolir le film. Un seul exemple. Prédal prétend que Desplechin jamais ne s’abandonne à « la surcharge maniériste ». Apprécions la dénégation, car sa propre description montre le contraire : « tous les personnes […] ne sentent, ne pensent et donc ne réagissent jamais selon les schémas attendus » ; « tous les rituels convoqués sont en effet systématiquement massacrés » ; « Desplechin se permet tout » (c’est moi qui souligne). On voudrait démontrer la médiocrité d’un film un peu crapoteux car régi par un parti-pris systématique de subversion à bon marché et épate-bourgeois que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

Puisqu’il a été question de Finkielkraut, remarquons que, bien que tourné en ridicule par les cinéphiles, c’est bien lui qui a gagné sa bataille contre Kusturica. Le Maradona de ce dernier est certes mille coudées en dessous de ses trois ou quatre chefs-d’œuvre. Il ne mérite tout de même pas la curée dont la presse l’a accablée pour des raisons autant idéologiques que cinématographiques. JC joint sa voix au concert, en allant jusqu’à qualifier de "minable" une chanson, « à la gloire de Maradona », qui nous vaut l’une des deux séquences les plus émouvantes du film, celles où l’ego de Kusturica, un peu envahissant je le reconnais, se met justement en sourdine.

Autre petite déception à la lecture de ce numéro, d’un autre ordre : le peu de lignes de mes deux rédacteurs préférés, Vincent Dupré et Alain Virmaux, ce dernier se faisant aussi plus rare dans la revue Europe : pourvu que nous les retrouvions sur plus de pages dans les prochains numéros. A contrario, j’avouerais, bien qu’un texte d’une figure éminente de la cinéphilie (qui plus est lyonnaise) ne se refuse pas, que le retour de Bernard Chardère sur l’œuvre de Carné et Prévert, s’il contient des notations très intéressantes, ne m’a pas paru suffisamment novateur pour s’étaler sur dix-huit pages (d’autant qu’une suite est annoncée).

Les cent trente autres pages du numéro sont cependant si fournies qu’on aurait tort de faire la fine bouche, surtout quand, en prime, notre revue de cinéma préférée gagne la palme de la photo d’hommage à Cyd Charisse la plus originale !