Mister Arkadin

« SE LAISSER FILMER PAR SON MARI », « LE NANNI MORETTI DE LA SEINE », « COMME DANS LES FILMS PORNOS », « DES FILMS DÉBILES EN RELIEF » « AU MOMENT DE LA SORTIE DE LA GUERRE DES ÉTOILES »

2 Juillet 2017, 13:56pm

Publié par Mister Arkadin

Extraits des Lumières du ciel, roman d’Olivier Maulin (Paris, Éditions Balland, 2011)

 

p.53 :

- Ta gueule, baise-moi.

- Tu charries, Bérangère…

J’ai obtempéré. Je l’ai prise sur le tapis épais. Elle en rajoutait dans la volupté. Elle fermait les yeux en couinant, elle disait oh oui, plus fort, va-z-y, prends-moi, et puis des cochonneries aussi, qu’on peut pas répéter. Son truc, c’était d’imaginer que des dizaines d’inconnus la regardaient en train de faire l’amour. C’est ça qui l’excitait. Chacun ses fantasmes, après tout. Mais du coup elle faisait du théâtre, elle se trémoussait, se léchait le bout des seins comme dans les films pornos. Elle jouait pour son public imaginaire. Parfois, dans le feu de l’action elle leur parlait même, aux inconnus ! Elle disait : Regardez-moi, les gars ! Ça vous excite, bande de porcs ! J’étais obligé de ramener à la raison.

 

p.93-94 :

[…] il ne circulait qu’à scooter. Il sillonnait la ville sous les nuages blancs, se baladait des heures entières, slalomait entre le Louvre et les Invalides, un casque en cuir sur la tête, des lunettes d’aviateur sur le nez, ses longs cheveux au vent. C’était un peu le Nanni Moretti de la Seine, Dédé.

 

 

 

p.118 :

[…] on lui donnait des nouvelles du pays. Il était largué sur à peu près tout. Il connaissait à peine le nom du président de la République. On lui parlait des caméras de vidéo-surveillance installées à chaque carrefour, de l’ADN comme idéal social, des films débiles en relief que l’on regarde avec des lunettes de mongolien, de drones qui surveillent les banlieues, des salaires des ministres, de la corruption généralisée, des fusillades quotidiennes à la Kalachnikov, des progrès du génie génétique, des nanoparticules… on lui foutait les boules ! Il écarquillait les yeux.

 

p.130 :

Dix ans de confessions avaient progressivement rempli son âme de boue, de sperme, de mensonges. Un matin, comme des toilettes bouchées, elle avait fini par déborder. Sa pénitente du moment, des sanglots dans la voix, lui murmurait à travers le grillage qu’elle prenait un plaisir coupable à se laisser filmer par son mari pendant qu’elle commettait le pêché solitaire. Il s’était levé, lui avait annoncé qu’elle finirait rôtie en enfer, était sorti du confessionnal, avait quitté l’église.

 

p.132 :

Il était né en 1977, au moment de la sortie de La Guerre des étoiles sur les écrans français. Son père avait d’abord voulu l’appeler Obi-Wan Kenobi, mais l’employée d’état-civil s’y était opposée. Au bout d’une heure de négociation, ils étaient arrivés à un compromis. C’est ainsi qu’il s’appelait Anakin Lefebvre, ce qui, après tout, était toujours mieux que Obi-Wan Kenobi Lefebvre.

 

p.185 :

Deux grosses poutres en bois traversaient le salon. Une corde était attachée à l’une d’elle, terminée par un nœud de pendu ! Elle était figée au milieu de la pièce comme dans un film d’horreur.

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