CLAUDE BAIGNÈRES
Roger Icart, José Baldizzone, Henri Agel : ce site, dont deux des premiers articles ont été consacrés à Lo Duca et Geneviève Le Baut, se transforme ces derniers temps en nécropole, Claude Baignères venant de les rejoindre au paradis des cinéphiles. Ayant assez peu connu ce dernier, je reprends ci-dessous la nécrologie du Figaro, journal dans lequel il effectua l’essentiel de sa carrière. Je me contenterai de la compléter légèrement et de rectifier quelques approximations.
Claude Baignères fut également scénariste pour un film de Serge Gobbi, La Nuit du risque (1986), méritant peut-être mieux que la mauvaise réputation que lui fait tel site sur les nanars (la mauvaise réputation étant cependant le gage de l’attraction d’un nanar, comme je l’ai écrit récemment).
Sa fiche publiée dans La Critique de cinéma en France. Histoire. Anthologie. Dictionnaire (1) donne 1947 comme date de la collaboration de Claude Baignères au Figaro. C’est en tout cas vers 1947 que Baignères débuta au journal Spectateur. Il m’avait confié qu’il y fit son entrée (comme peut-être au Figaro) grâce à Émile Vuillermoz, son initiateur (avec Bernard Gavoty) dans le métier de critique musical, dont il ignorait qu’il fut aussi critique de cinéma. Au reste, si c’est comme critique de cinéma que j’ai d’abord connu Claude Baignères, il me semble avoir plus excellé dans la critique musicale, domaine dans lequel il publia des livres, ce qu’il ne fit pas pour le "7ème Art". J’avouerais même volontiers que les goûts de Baignères, sinon sa façon de les exprimer, ne m’ont pas toujours paru très heureux. Je me souviens notamment d’un éreintement en trois ou quatre lignes d’un de mes films préférés, Good Men, Good Women. Autant projeter de la lumière blanche sur un drap, tant le film est vide, avait statué Claude Baignères. Au moins ses avis étaient-ils toujours sincères et exprimés dans une langue aussi classique qu’agréable, ne cherchant pas à se faire valoir aux dépens d’œuvres dont Baignères rendait compte avec simplicité et scrupule, à la manière de Jean de Baroncelli ou Jacques Siclier dans le camp d’en face (au Monde), en parfait honnête homme qu’il était.
Note et information complémentaire :
(1) Dir. Michel Ciment / Jacques Zimmer, Syndicat français de la critique de cinéma / Ramsay, 1997, 423 p.
- La nécrologie du Figaro :
« Claude Baignères, un homme de qualité », par M. Th. (24/07/2008, mise à jour, 10:49)
Claude Baignères signait aussi des adaptations pour le théâtre, dont Love Letters, dernière pièce jouée par Philippe Noiret.
Collaborateur du « Figaro » où il dirigea le service spectacles, il vient de s'éteindre à l'âge de 87 ans.
Cigarette vissée à la bouche qu'il remplaça par la suite par le cigare, lunettes relevées sur le front, en bras de chemise, tapant à toute vitesse sur le clavier de sa machine à écrire, il était l'archétype du journaliste, homme d'action jouant d'un charme qui n'était pas sans rappeler celui de Robert Mitchum. Collaborateur au Figaro pendant cinquante ans, Claude Baignères, retiré en Angleterre auprès de sa compagne Anne Tognetti, est mort des suites d'une longue maladie, à l'âge de 87 ans. Opéré des poumons, il parlait avec difficulté, mais jusqu'au bout, la tête fonctionnait.
Filleul de Claude Debussy
À la tête du service spectacles du Figaro qu'il dirigea de 1974 à 1994, il imprima son style fait de culture et de distance envers les événements. Sous sa direction, il n'y eut jamais de chasse aux sorcières, mais l'actualité était traitée avec élégance. Un art de vivre qu'il reçut à la naissance, auprès de son parrain Claude Debussy et d'une famille qui recevait les artistes de son temps, Proust, Stravinsky, dont il se souvenait fort bien. « J'ai sauté sur ses genoux » disait-il parfois, rappelant à ses jeunes troupes qu'il avait eu la chance de croiser des êtres d'exception. La musique baigna son enfance en Suisse où son père était diplomate à la Société des nations et où sa mère, pianiste, tenait un salon comme on le disait au XVIIIème siècle.
Après des études de droit, il entra au début des années 1950 au Figaro, repéré par Bernard Gavoty qui l'initie à la critique musicale. Curieux, homme de culture et de bon goût, il collabore au Figaro Littéraire et signe par la suite des critiques de danse, de théâtre, puis de cinéma. Un éclectisme qui n'avait pas échappé à Jean-Luc Godard qui s'était amusé à lui confier un rôle dans son film, Éloge de l'amour. Quittant notre journal en 2002, Claude Baignères n'a pas posé sa plume, signant avec Anne Tognetti de nombreuses adaptations pour le théâtre, dont LoveLetters, dernière pièce jouée par Philippe Noiret. Amoureux du beau sexe, il laisse une nombreuse famille auquel le Figaro exprime sa sympathie.