GÉOPOLITIQUE D’"HANCOCK"
Il est très rare que je sois capable de lire le "sous-texte" des films. Très "bon public", je les regarde la plupart du temps au premier degré et ne suis aucunement doué pour interpréter brillamment un film en démontrant qu’un banal récit camoufle une métaphore politique hautement subversive ou un message sur l’état du monde et des mœurs de la plus grande importance. Si tout le monde n’avait été mis au courant de la dimension métaphorique de The Shave, qui paraît pourtant évidente, je n’aurais vu dans ce court métrage de Scorsese qu’un type se rasant un peu maladroitement. Que tel western ou film fantastique des années 1950 soient des vigoureuses dénonciations du maccarthysme me passerait au-dessus de la tête si toute personne ayant lu plus de deux lignes sur le cinéma n’était au courant.
De ce fait, je m’étonne que l’évidente métaphore géopolitique de Hancock n’ait pas été relevée par la critique. Serais-je en proie au délire d’interprétation ? Me faudrait-il à toute force faire l’original pour trouver de quoi alimenter ce site, l’émission de radio à laquelle je participe ou un simple échange de points de vue cinéphiliques avec un ami ? Bien que le scénario original de Hancock semble avoir circulé à Hollywood dès le début des années 1980, son actualité est aveuglante. A l’instar de Spiderman III, s’y lit le doute des Etats-Unis, sur eux-mêmes et surtout à propos de la perception que les pays étrangers ont de ce pays. Le super héros taciturne, alcoolique et gaffeur qu’interprète Will Smith représente la mélancolie américaine, nourrie par le sentiment d’injustice éprouvé par ce pays messianique, qui pense pouvoir faire le bonheur du monde en s’instituant gendarme de la planète. Le scénario de Hancock repose à cet égard sur la notion de « dommage collatéral ». Certes, le super héros commet tant de dommages quand il intervient pour arrêter des malfaiteurs et prévenir une situation catastrophe que les populations se retournent contre leur bienfaiteur, mais, s’il finit par se montrer agressif à leur égard, toutes ses tentatives d’intervention partent de bons sentiments, d’une réelle volonté de venir en aide à autrui. Comment ne pas y voir la situation des Etats-Unis, qui essaieraient tant bien que mal de résoudre les conflits qui ensanglantent ou menacent le monde, au Proche Orient notamment, mais qui ne "casseraient pas d’omelette sans œuf" et se le verraient reprocher par des ingrats ?
Serait-ce dès lors un hasard si le seul personnage qui fait confiance à Hancock, qui le prend en sympathie malgré ses erreurs, et voit juste avant tout le monde dans son cœur meurtri, est le fils du conseiller en communication que Hancock est contraint d’engager pour restaurer son image, un petit garçon nommé Aaron ? Un ami très nettement plus antisioniste que moi n’y a pas vu malice. Comme il me serait bien difficile d’interpréter la dernière demi-heure du film, et le rôle donné au personnage joué par Charlize Theron, qui ne me paraît gonflé que pour qu’une présence féminine attire les foules, je donnerai raison à cet ami en reconnaissant, provisoirement peut-être, qu’il n’y a là que divagations et qu’Hancock ne vaut pas une once de réflexion.
Liens complémentaires :
- ""Hancock" et la résurgence du passé ségrégationniste américain", par Tina Harpin, sur Rue89 ;
- "Hancok : la version longue décortiquée", par Kevin Prin, filmsactu.com.