UNE "BONNE RÉPONSE" : LA PUBLICATION DE VINNEUIL
« Comment juger Rebatet ou Chardonne, si certains de leurs livres, jamais interdits, ne sont pas réédités ? », écrit Jacques Drillon dans Le nouvel observateur (« Le retour de la censure », 29 octobre – 4 novembre 2009, p.98-101). Un peu plus loin : « La censure et l’autocensure a posteriori sont des manières de récrire l’histoire. Du révisionnisme. On voudrait que le passé ait été autrement, on ment pour le changer : c’est enfantin. » Est enfin mise en exergue la phrase suivante pour introduire la conclusion : « La censure est toujours une mauvaise réponse, même quand elle se pare de louables intentions. »
La censure par le silence étant au moins aussi efficace que la censure par les pouvoirs publics, cette dernière pouvant même bénéficier à la promotion d’une œuvre, nul doute que Jacques Drillon se fera un plaisir d’annoncer, voire de commenter dans Le Nouvel Observateur la parution prochaine d’écrits sur le cinéma de Lucien Rebatet, pour lutter contre le "révisionnisme" et afin d’inciter ses lecteurs à juger sur pièces (1). C’est en effet à la fin du mois de novembre que paraîtra chez Pardès un volume de plus de 400 pages des écrits de François Vinneuil, réunis par Philippe d’Hugues, travail auquel j’ai participé en compagnie de Marc Laudelout et de Philippe Billé, et que j’avais annoncé l’année dernière, ici et là. Voici le texte de la quatrième de couverture :
« Tout le monde connaît le romancier des Deux Étendards, le pamphlétaire des Décombres ou le grand historien de la musique. Mais beaucoup ignorent ou ont oublié que Lucien Rebatet, qui avait d’autres cordes à son arc, fut aussi un très grand critique de cinéma, le plus grand, selon un augure comme l’antifasciste Nino Frank. Sous son pseudonyme de François Vinneuil, longtemps plus célèbre que son nom véritable, il écrivait avant la guerre à L’Action française et Je suis partout et, sous l’Occupation, dans le même hebdomadaire. À sa sortie de prison, et jusqu’à sa mort, il reprit cette activité dans Dimanche matin, L’Auto-Journal et le Spectacle du monde, notamment. L’ensemble représente une masse considérable d’articles exceptionnels qui méritent publication. Avec Quatre ans de cinéma, on a commencé par ceux de l’Occupation, à cause de l’intérêt historique de la période et de la qualité particulière de la production cinématographique d’alors. C’est aussi le temps où l’influence de Rebatet est à son apogée. Il contribue plus que n’importe qui à révéler les nouveaux talents qui surgissent alors (Autant-Lara, Becker, Bresson, Clouzot, Delannoy) et à défendre, en oubliant tout clivage politique, des maîtres d’avant-guerre comme Carné et Grémillon, ou de bons artisans comme Joannon, Decoin et Christian-Jaque. C’est lui qui, le premier, ferraille allégrement pour imposer ces futurs classiques, souvent d’abord contestés et aujourd’hui illustres : L’assassin habite au 21, Le Corbeau, Goupi Mains-Rouges, Le Mariage de Chiffon, Douce, Les Anges du péché, Les Inconnus dans la maison, La Symphonie fantastique, La Main du Diable, L’Assassinat du Père Noël, Le Carrefour des enfants perdus, Pontcarral et dix autres que dominent deux titres phares : Les Visiteurs du soir et Le ciel est à vous, chevaux de bataille du critique dans son incessant combat pour la renaissance du cinéma français. L’évocation colorée – pleine de passion et d’animation – de ces oeuvres, du contexte politique – qui fut celui de leur apparition – et de la toile de fond historique qui en constitue l’arrière-plan, les sorties virulentes contre Vichy et Londres, contre les gaullistes, les communistes et les «terroristes»; tout cela donne lieu à une fresque pleine de bruit et de fureur. Livre de cinéma d’une importance majeure, Quatre ans de cinéma offre en creux une image oblique des quatre années les plus tragiques de notre histoire. Voilà qui en redouble l’intérêt et en fait un livre capital et sans équivalent. »
P.S. 1 : Le texte sur Lola Montès, reproduit ici, ne figure pas dans le volume édité par Pardès car celui-ci ne regroupe que des textes parus sous l’Occupation. Mais, on ne sait jamais, si cette publication est un succès, un autre volume regroupera peut-être les écrits des années 1950 à 1970, un troisième pouvant être consacré à ceux d’avant-guerre.
P.S. 2 : L’ouvrage peut d’ores et déjà être commandé auprès de Pardès (44 rue Wilson, 77 880 Grez-sur-Loing, tél. 01.64.28.53.38, fax 01.64.29.11.42 – sarl.pardes@orange.fr), en souscription jusqu’au 25 novembre au prix de 25 euros (+ 5 euros de port), ensuite au prix de 32 euros.
Note :
(1) Quoique l'on puisse douter que Jacques Drillon suive l'actualité éditoriale d'un peu près, puisque, en bon journaliste de la presse sérieuse (i.e. contrairement aux gougnafiers de la toile), il n'a pas même vérifié que Lucien Rebatet n'avait pas été réédité dernièrement. Or, il l'a été, par les Éditions de la Reconquête, où peuvent être trouvés Les Tribus du cinéma et du théâtre ainsi que la version intégrale des Décombres.