"FRAÎCHE ET BELLE ET NATURELLE"
On aurait pu croire que la récente exposition sur Brigitte Bardot, organisée à Boulogne, serait l’occasion pour la presse de lâcher les chiens, comme c’est devenu l’habitude quand il est question de la plus grande vedette du cinéma français.
Rien de tel, finalement. Certes, une personnalité de cette envergure aurait sans doute mérité plus qu’un éclair de chez Fauchon à son effigie. Si l’événement n’a guère suscité qu’un assez long entretien dans Valeurs actuelles, quelques émissions par ci par là (notamment à Radio Courtoisie) et une mise en accusation sur Europe 1, il a, de manière plus étonnante, permis à un journaliste d’un organe d’extrême-gauche de déclarer sa flamme :
« Niveau. Au fait, Brigitte Bardot, me direz-vous ? Notre BB nationale qu’on célèbre à l’envi pour ses 75 ans. Eh bien, regardez-la, cette friponne au corps parfait qui fit fantasmer des millions d’hommes (et sans doute aussi de femmes), voyez comme elle était fraîche et belle et naturelle ; et comparez donc avec les bimbos d’aujourd’hui, ces "velines" siliconées qui peuplent les écrans italiens (pas seulement) et agrémentent les fêtes du "papounet". Comme dit l’autre, le niveau monte ! » (« Bloc-notes » de Bernard Langlois, Politis, 1er octobre 2009, p.34).
Et le Nouvel Observateur s’est lui aussi fendu d’une brève plutôt élogieuse dans son édition du 29 octobre 2009 (p.118, « En hausse : Bardot pour tous », par Sophie Delassein) :
« Née artistiquement en 1956 avec "Et Dieu créa la femme" de Roger Vadim, Brigitte Bardot est aussitôt devenue sulfureuse, mais avec candeur. Cinquante ans après, elle l’est toujours. L’exposition qui la célèbre s’arrête à sa période faste, aux années "insouciance" (Musée des Années 30, Boulogne-Billancourt, jusqu’au 31 janvier). En ouverture du catalogue très illustré de cette manifestation dont l’auteur n’est autre que le commissaire de l’expo, Henry-Jean Servat, figure une préface de la comédienne. BB résume ces années-là avec lucidité : "Portée par un courant que je n’ai pas maîtrisé, ma vie a basculé, bousculant tout ce qui fut mon enfance et mon éducation." Sur les photographies, qu’elle pose avec Micheline Presle, Michèle Morgan, Michèle Mercier, Claudia Cardinale ou Isabelle Adjani, elle reste de loin la plus époustouflante. »
C’est peu ; mais au moins n’est-ce pas venimeux, ce que l’on aurait pu attendre de la part de ces magazines. Heureusement, Marianne y est allé de son coup de pied de l’âne, dans le cadre d’un dossier sur les faux iconoclastes (14-20 novembre 2009, p.27, « Brigitte Bardot, la Tatie Danielle de Saint-Trop ») :
« L’ermite de "La Madrague" a renoncé à vivre en société. Sous couvert de liberté de ton, Bardot déverse désormais l’aversion qu’elle éprouve pour ses contemporains. L’art est "devenu de la merde", les chômeurs "sont des paresseux planqués", les homosexuels "sont des phénomènes de foire", les sans-papiers, des "gueux qui profanent nos églises"… Le mépris. Théoricienne d’un adage cher aux personnes âgées aigries, selon lequel "il y a des bêtes qui valent bien certains hommes", la Tatie Danielle de Saint-Trop est devenue une figure muséale que seuls les journalistes en mal de scoop visitent encore. »
Ouf, l’honneur de la presse française fut sauf, Marianne s’étant dévoué !