Mister Arkadin

ÉROTISME AU CINÉMA : LA COLLECTIONNEUSE VS. LADY CHATTERLAY

7 Février 2008, 12:38pm

Publié par Mister Arkadin

Lady-Chatterlay---Jaeckin.jpgCanal + Cinéma passe en ce moment (par Lady_chatterley_-TV----Russel.jpgexemple vendredi soir) Lady Chatterlay. Ce film a enthousiasmé un trop grand nombre de bons esprits pour que je n’aie quelque honte à avouer mon mauvais goût : je ne l’ai pas trouvé bien supérieur à je ne sais plus trop quelle adaptation du roman de Lawrence (pas celle de Kurt Russel, ni celle de Just Jaeckin avec Sylvia Kristel, quoiqu’elles ne soient sans doute pas pire…), qui passait sur M6 il y a une quinzaine d’années. J’avoue également ne pas être pleinement convaincu par tous ces messieurs chics et distingués (style Jérôme Garcin) qui se pâment d’admiration devant l’érotisme raffiné dont ferait preuve telle ou telle dame cinéaste, que je n’arrive pas à préférer à l’érotisme soft et suranné diffusé à gogo par plusieurs chaînes du câble. En quoi les scènes de batifolage sous la pluie, par exemple, y sont-elles moins tarte ? Lady-Chatterlay---Ferran.gifAutant un bon Tinto Brass bien grivois, avec de belles filles bien en formes, bien poilues, bien girondes et dévergondées ! Tinto-Brass---Paprika.gifAutant un bon vieux porno, franc et massif. À défaut d’avoir vu Young Lady Chatterlay, je propose donc, en hommage au cinéma érotique de Madame Ferran, un texte que j’avais rédigé les 28 et 29 octobre 2003, à l’occasion du passage de La Collectionneuse de Fred Coppula (2001) sur la chaîne Frisson.

Clara Morgane a toujours déclaré n’avoir eu de relations sexuelles qu’avec un seul homme, son propre Jules (Greg Centauro), dYoung-Lady-Chatterlay.jpgans les films X auxquels ils participaient donc systématiquement de concert (ce que je n’ai pas pris la peine de vérifier), et que c’était une condition sine qua non de sa participation à ce genre de production. En revanche, elle ne s’est jamais interdit de tourner une scène de lesbianisme (ce que j’ai pu vérifier), sans que son copain y voie d’inconvénients. Il faut dire qu’en l’occurrence, La Collectionneuse aurait plutôt dû s’intituler « Le Collectionneur », si le titre n’avait été pris pour un film de William Wyler et s’il n’était plus porteur auprès du public d’insister sur les performances de l’actrice. Car la première scène de celle-ci n’intervient qu’au bout d’une demi-heure, alors que son partenaire, qui joue un représentant en aspirateur (le porte-à-porte favorisant les rencontres, schéma classique), s’est déjà tapé deux autres actrices (dont l’une, Melinda Gal, a des faux airs de Nicole Kidman). Il arrive même que Clara se masturbe en regardant son pote se faire sucer par une autre qu’elle ! La réciprocité entre eux n’est donc pas respectée, sauf à l’entendre d’une façon bien particulière. Alors qu’elle ne baise qu’un seul homme, lui, et d’autres femmes, lui la baise, mais aussi plein d’autres femmes. De même, dans les scènes à trois, soit deux femmes s’occupent de lui, soit lui-même ne s’occupe que de la femme et délaisse l’autre homme, l’homosexualité masculine demeurant taboue. Autrement dit : ils baisent l’un avec l’autre, ainsi qu’avec d’autres femmes, seul(e) ou à deux. Il faut toutefois reconnaître que les scènes de sexe entre le couple légitime (à la ville du moins, puisque, dans le film, le copain de Clara Morgane est marié à une autre) sont bien plus convaincantes que les autres. Les entorses au principe énoncé par l’actrice proviennent donc sans doute des exigences des producteurs, persuadés qu’un film où l’on ne verrait que les deux mêmes partenaires tout du long serait lassant. Ce n’est pas sûr après tout. Son Greg étant tout désigné, à quand un Clara Loft ?
Après cette saine dénonciation de l’absence d’égalité entres hommes et femmes dans le porno, venons-en à Fred Coppula, réalisateur de X se caractérisant par son plaisir de la narration et par un humour point trop ridicule, au contraire de la plupart des autres réalisateurs du même genre. Il est assez remarquable que la recherche d’humour ne provienne pas chez lui du recours plus ou moins foireux à la parodie de films classiques ou de situations historiques, mais qu’elle procède directement de tentatives pour renouveler la narration en matière de cinéma pornographique.
Passons rapidement sur le principal procédé employé, qui se révèle assez rapidement improductif. Il consiste à opérer de fréquents arrêts sur image pendant lesquels le spectateur peut entendre en voix off les pensées des personnages. Ils interviennent parfois en plein milieu de scènes de cul, ce qui est à la fois amusant et assez intéressant, puisque cela permet de relier avec l’intrigue ces scènes, qui, d’ordinaire, peuvent se regarder indépendamment du reste et indépendamment les unes des autres. Mais, dans les autres cas, majoritaires, cette façon d’expliciter les opinions et intentions des protagonistes souligne surtout l’incapacité des acteurs à le faire eux-mêmes par leur jeu dans les scènes de comédie (sont appelées « scènes de comédie » dans le cinéma X les scènes où les personnages n’ont pas de relations sexuelles, ou pas encore), ainsi que la volonté du scénariste de retenir l’attention du spectateundefinedur par une petite originalité de forme, plutôt que par l’originalité de son histoire. Ce procédé fait donc plutôt office de béquille pour le réalisateur que de véritable trouvaille.
Il arrive à Fred Coppula d’intégrer à son récit des éléments de réflexibilité et de jeu avec le genre pornographique plus novateurs, tant sur la forme que sur le fond. C’est par exemple le cas d’une scène où un personnage n’arrive pas à bander, au grand dépit de sa partenaire. Sachant que l’impossibilité pour un hardeur de bander est sa hantise, au point qu’il « s’échauffe » avant une scène, ainsi que celle de toute la production (tout retard étant dramatique vu les conditions de tournage d’un X), on mesure l’étonnement, et donc le plaisir du spectateur à voir une verge toute ramollie malgré les caresses d’une femme. Pas d’inquiétude cependant, la situation se redresse dès que Clara décide de lui prêter main forte. J’écris Clara, non parce que je confondrais l’actrice avec le personnage qu’elle interprète, mais parce que Fred Coppula a donné aux personnages du film le prénom des acteurs. Ainsi, Clara Morgane et Greg Centauro, en couple dans la vie de tous les jours, jouent-ils Clara, une croqueuse de mari (la « collectionneuse » du titre), et Greg, l’époux qui se laisse séduire. Ce qui décide définitivement celui-ci à rompre avec l’institution du mariage est la découverte de la sexualité de son épouse, qui a déjà été révélée au spectateur au cours d’une scène en montage alterné. Pour ceux qui n’auraient pas vu le film et qui voudraient profiter de la saveur de sa scène la plus réussie, ce texte s’arrête ici. Pour les autres, qu’ils n’aient pas l’intention ou pas l’occasion de voir le film, ou qu’ils veillent avoir une idée plus précise de l’usage que Fred Coppula fait du montage, suit la description de cette scène.
Ce pauvre bougre de Greg explique à Clara que son épouse Melinda est un modèle de vertu, au point que « l’adultère, elle ne sait même pas que ça existe ». Insertion de quelques images de sa femme en train de batifoler avec deux autres hommes. Retour à Greg : « Le sexe, ça lui passe au-dessus de la tête. » Dans l’instant même qui suit, on voit littéralement une queue se balader au-dessus de la tête de Melinda. Greg : « J’ai mis six mois avant de la dépuceler ». Retour à la scène de sexe : pénétration. « Elle est super coincée, elle est pleine de tabous. » Sodomie. Mine satisfaite de Greg : « Et de toute façon, elle n’a connu qu’un seul homme dans sa vie, et cet homme, c’est moi ». Double pénétration. « Et puis, elle est innocente, elle n’a jamais été souillée. » Torrents de sperme coulant en parallèle sur sa femme, dans le vagin, l’anus et sur les fesses. 

Notes, liens et informations complémentaires :La-Collectionneuse.jpg

- Une critique du DVD de La Collectionneuse

- Dans le n°563 de Positif (janvier 2006, p.57-61), a paru une bonne analyse d’ « une certaine tendance de l’adaptation » en France, Lady Chatterlay participant de ce que Pascal Binétruy appelle « la chute de la maison histoire », c’est-à-dire la relégation de celle-ci « comme simple toile de fond pour l’intrigue », les enjeux historiques et idéologiques du roman de Lawrence ayant été ripolinés – ce qui peut sembler paradoxal, mais pas si surprenant somme toute (voire logique, diront les mauvaises langues), tant Pascal Ferran se veut en pointe de la "Résistance" politique et artistique.undefined