Mister Arkadin

Articles avec #sylvester stallone

STALLONE, AUTEUR PRIMÉ

9 Septembre 2009, 23:05pm

Publié par Mister Arkadin

Le processus de panthéonisation de Sylvester Stallone s'accèlère, puisqu'il recevra le prix "Vive le cinéaste" au prochain Festival de Venise. Car, nous rappelle Marie-Noëlle Tranchant dans Le Figaro des 14-15-16 août 2009, « sous les muscles du héros aujourd'hui sexagénaire, il y a un auteur à la personnalité originale, dont témoigne son très attachant premier film, La Taverne de l'enfer (1978) ».

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"VIVE LUI !"

21 Décembre 2008, 05:01am

Publié par Mister Arkadin

Je me doutais que le feuilleton Stallone n'était pas près de se tarir ; c'est même ce que j'essaie de montrer dans cette série ! Je n'allais pas jusqu'à penser le reprendre à propos des listes des meilleurs films de l'année. Technikart de janvier 2008 (p.106), paru début décembre (à quand la liste de l'année à venir paraissant en janvier ?), célèbre John Rambo par le commentaire suivant : « Virtuose, limpide et surexcitant. Vive lui ! » Le magazine manque toutefois d'audace, le film de Stallone n'apparaissant qu'en neuvième position.


Les épisodes précédents sur ce blog :

Les défis de sylvester stallone

Stallone sur les traces d'eastwood

Stallone, la critique et le "cinéma des années reagan/bush"

Stallone et john rambo

« Le boxeur de cinéma, c'est Rocky »


Complément : Jean-François Rauger, dans Le Monde du 24 décembre 2008 (p.22) inclut lui aussi John Rambo dans la liste de ses films préférés de 2008, avec le commentaire suivant : "Sylvester Stallone, avec John Rambo, revient à un personnage qui a fait sa gloire. La sincérité candide du projet produit une fiction guerrière ultraviolente, affirmation naïve et nihiliste d'une permanence du mal." En cinquième position seulement, toutefois. Encore un effort, Jef, pour être tout à fait "moderne" !

 

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« LE BOXEUR DE CINÉMA, C'EST ROCKY »

29 Octobre 2008, 15:23pm

Publié par Mister Arkadin

Lu aujourd'hui dans la chronique que Philippe Lançon signe dans Charlie-Hebdo (p.13 : « Les héros sont répliqués ») : « Après tout, le cinéma sert aussi à ça : à négocier avec des héros, dans l'ombre, sa destinée. Il est toutefois permis de le préférer quand il crée ses propres légendes : Raging Bull est un bon film, mais le boxeur de cinéma, c’est Rocky. A Star is Born sera toujours plus réussi que la biographie d’une star ayant existé. »


Peut-être l’auteur n’approuverait pas mon interprétation si j’affirmais qu’il nous incite à préférer le film de Stallone à celui de Scorsese. Toutefois, le simple fait qu’un journaliste parisien réputé puisse comparer deux de leurs films sans rabaisser celui de Stallone montre la faveur critique dont celui-ci commence à être l’objet.



Les épisodes précédents sur ce blog :

Les défis de sylvester stallone

Stallone sur les traces d’eastwood

Stallone, la critique et le "cinéma des années reagan/bush"

Stallone et john rambo


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STALLONE SUR LES TRACES D’EASTWOOD

24 Juin 2008, 06:13am

Publié par Mister Arkadin

J’ai esquissé dans mon article du 20 mars dernier un parallèle entre la fortune critique des films d’Eastwood et de Stallone. Le second n’a pas atteint, loin s’en faut, la vénération dont le premier fait désormais l’objet en France (plusieurs critiques, dont Michel Ciment et Danièle Heymann, ayant crié au scandale parce que sa dernière production n’a pas été distinguée par le Jury du festival de Cannes). Néanmoins, vu les réticences de la critique française sur Stallone dans les années 1980, au moment de la sortie de chacun des films de la série des Rocky, ce que Télérama écrit désormais lors de leur passage à la télévision laisse augurer une reconnaissance prochaine de Stallone comme grand cinéaste méconnu : gageons que les portes de la Cinémathèque lui seront bientôt grandes ouvertes (1).

TRA 3042, 30 avril 2008, p…, sur Rocky II, la revanche :

« Rocky apprend qu’un nouveau combat risquerait d’entraîner pour lui de graves lésions visuelles. Il épouse Adriennnnnnne, persuadé que sa carrière de boxeur est terminée. Avec une passion identique à celle du premier volet, Stallone interprète le rôle de Rocky, devenu l’idole de l’Amérique. Efficace. »

TRA 3043, 7 mai 2008, p.103, sur Rocky III, l’œil du tigre :

« Rocky est devenu champion du monde. Il profite de sa petite famille, de son fric et prend du bide. Jusqu’au jour où le sauvage Clubber le défie de remettre son titre en jeu. L’intrigue tient en une ligne, mais les combats sont toujours aussi haletants et la rage de Stallone, également réalisateur, communicative. » (1T)

TRA 3044, 14 mai 2008, p.137, sur Rocky IV :

« Alors, où en est-on ? Rocky a été champion du monde, puis plus. Il a pris du bide, puis l’a perdu et est redevenu champion. Son entraîneur est mort, son fils lui en veut, mais Adriennnnnnne est toujours là. Cette fois, l’étalon italo-américain affronte un méchant Russkoff. Le héros est vraiment fatigué, sonnez le gong ! » (0 T)

TRA 3045, 21 mai 2008, p.103, sur Rocky V :

« Rocky devient entraîneur. Mais un organisateur de combats très antipathique utilise la ruse pour lui faire reprendre les gants… Le souffle sportif s’épuise à mesure que les chiffres croissent au bout du prénom titre. » (1 T)


(1) J’ai déjà utilisé cette formule à propos de Max Pécas, sur un mode ironique. Je l’écris le plus sérieusement du monde à propos de SS.

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STALLONE, LA CRITIQUE ET LE "CINÉMA DES ANNÉES REAGAN/BUSH"

20 Mars 2008, 01:48am

Publié par Mister Arkadin

Contrairement à ce que j’annonçais dans mon article du 4 février, « Stallone et John Rambo », le dernier Stallone n’a pas fait l’objet d’une lecture idéologique aussi marquée que ses films des années 1980, volontiers considérés comme les représentants d’un "cinéma reaganien", revanchard, "sûr de lui et dominateur". John Rambo n’a guère été désigné comme l’équivalent pour les années 2000 (un "cinéma bushien" en quelque sorte), sinon par Antoine de Baecque, selon lequel il s’agirait de « jou[er] du muscle pour faire croire à la puissance américaine reconquise » (L’Histoire, n°328, février 2008, p.23), et par Clara Dupont-Monod (« "Pour Rambo, les choses se résument à une lutte du bien et du mal." On dirait du Bush ! », Marianne). À la dénonciation rituelle de l’anti-communisme primaire n’aura ainsi que marginalement succédé un anti-américanisme non moins réducteur. Selon une tradition bien établie de la critique française, c’est essentiellement la forme qui a retenu l’attention, notamment la radicalité dans la représentation de la violence, soit pour s’en plaindre (« Rambo vire au gore », d’après Marion Sauvion, Le Parisien, 6 février 2008, p.30), soit pour louer « un tel traitement de l’action, loin de toute aseptisation », notamment par le numérique, qui serait plus acceptable pour Hollywood (d'après Jean-François Rauger, Le Monde, 6 février 2008, p.24). Au moins le film n’a-t-il pas été traité par le mépris, ce qui confirme, toutes proportions gardées, que l’évolution de la réception en France de l’œuvre de Stallone ressemble de plus en plus à celle d’Eastwood, du dédain, voire du mépris, à la considération, voire à l’admiration (« Le genre de film qui se bonifie avec le temps », est-il significativement écrit, dans Télérama, pour le passage de Rambo à la télévision dimanche dernier).

Le-Cin-ma-des-ann-es-Reagan.jpgAyant moi-même participé à ce mouvement, par mon article sur « Les défis de Sylvester Stallone » (Jeune cinéma, n°310/311, été 2007, p.94-97), je ne puis que m’en féliciter, d’autant que John Rambo m’a paru un film presque aussi digne d’intérêt que Rocky Balboa, même si je ne saurais vraiment expliciter pourquoi. Mieux encore, j’ai eu le plaisir de découvrir depuis un fort sérieux et universitaire ouvrage collectif arborant Rocky en couverture (Le Cinéma des années Reagan. Un modèle hollywoodien ?, dir. Frédéric Gimello-Mesplomb, Paris, Nouveau Monde Éditions, janvier 2007, 366 p.). Plusieurs études y sont consacrées à Rambo et à Rocky, d’une manière assez proche de la mienne, puisque sont en particulier analysées « la mise en scène de l’action à travers le prisme de la télévision » dans « la série des Rocky » et « la réception française de Rambo II et Rocky IV ». Entres autres aspects très éclairants, Laurent Kasprowicz y décortique l’influence de l’esthétique du clip sur la mise en scène des Rocky (cf. un tableau comparatif des scènes de combats finaux, où la durée moyenne d’un plan diminue progressivement de 3,34 à 1,35 secondes !) et y démontre subtilement que les Rambo ne seraient pas nécessairement les films de propagande vilipendés à l’époque, en tout cas pas des films exempts de toute critique à l’égard de la politique reaganienne. Le livre regorge d’études tout aussi passionnantes et extrêmement documentées (les nombreuses sources et références étant aussi bien françaises qu’anglo-saxonnes, aussi bien livresques qu’issues d’Internet) sur Dirty Harry et le western urbain, sur La Fièvre au corps et le "thriller érotique" ou sur Terminator et « les craintes de l’information de la société », etc. Les esprits forts auraient tort de ricaner en voyant tant de science dépensée à propos de si vils "objets de cinéma". Au moins depuis Kracauer, nul n’est en effet censé ignorer que l’analyse des films à succès d’une époque n’est pas moins légitime que celle de ses chef-d’œuvres les plus consensuels.


Complément : une version remaniée du texte de Laurent Kasprowicz sur les Rocky (« Mise en scène de l'action et mise en abîme du spectateur dans Rocky (1976-2006) ») a paru sur Objectif-cinema.com.

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STALLONE ET JOHN RAMBO

4 Février 2008, 17:23pm

Publié par Mister Arkadin

poster-rambo.jpgJohn Rambo sort en France le mercredi 6 février 2008. Jamais je n’aurais crû attendre un jour avec une relative fébrilité le dernier film de Sylvester Stallone, cet acteur et réalisateur pour lequel je n’ai eu pendant longtemps que mépris, en bon cinéphile parisien, aussi bardé de préjugés qu’il se doit. J’ai quelque peu révisé mon point de vue à son sujet, comme le montre l’article que j’ai consacré à son précédent film, Rocky Balboa (page actualisée ce jour). Certes, je n’irais pas jusqu’à dire que je suis impatient de voir John Rambo. J’avouerais même – reste de surmoi cinéphile ! – que je ne me fais guère d’illusion sur la possibilité que ce film soit une aussi bonne surprise que le précédent. Cela explique que mon attente soit mêlée de crainte. En tout état de cause, je me garderai de trop spéculer sur la signification qu’il convient de donner à ce nouveau retour de Stallone à l’une des deux séries qui ont établi sa réputation. D’aucuns ne s’en privent pas, qui s’empressent d’y voir (sans avoir (encore) vu le film, nous serions prêt à le parier…) le signe que l’Amérique, « après la défaite », « ose à nouveau affirmer sa force », Rambo « jou[ant] du muscle pour faire croire à la puissance américaine reconquise » (Antoine de Baecque, L’Histoire, n°328, février 2008, p.23). L’explication du choix de Stallone n’est-elle pas à rechercher dans le contexte du cinéma hollywoodien, où les suites sont les meilleurs garants du succès, plutôt que dans un contexte idéologique ? Lui-même a beau jeu de dire que c’est avant tout un choix personnel, résultant de l’envie de revenir aux sources de son inspiration (notons la simplicité des deux titres originaux, qui reprennent tous deux le nom du personnage principal, Rocky Balboa et John Rambo) et de « tirer sa révérence avec dignité » (Journal du dimanche, 3 février 2008). Mais, une fois de plus, mieux vaut aller y voir par soi-même, évidence que nous autres cinéphiles sommes trop souvent enclins à négliger !Stallone---Rambo.jpg

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LES DÉFIS DE SYLVESTER STALLONE [À PROPOS DE SON DERNIER FILM, "ROCKY BALBOA" (ROCKY VI), ET DE SON PROJET "LES 40 JOURS DU MUSSA DAGH"]

2 Janvier 2008, 16:20pm

Publié par Mister Arkadin

Compte rendu paru dans Jeune cinéma, n°310/311, été 2007, p.94-97.

  « Quel mauvais film que vous avez toutes les raisons de détester, voire de mépriser, ne pouvez-vous vous empêcher d’aimer quand même ? » Telle est la question que Jean-Pierre Bouyxou suggérait à la regrettée Françoise de Paepe d’ajouter au « Questionnaire cinéphilique » qu’elle avait concoctée (1). L’invoquer à propos du dernier film de Sylvester Stallone peut paraître désobligeant pour lui. Car autant les nombreuses suites de Rocky et de Rambo, et maints autres films d’action dans lesquels il a tourné sont, pour la plupart, d’une effarante médiocrité, autant le film qui le rendit célèbre, Rocky, un ami de trente ans (1976), a toujours bénéficié d’une relativement bonne cote auprès des cinéphiles. Oui, mais voilà, le Rocky Balboa sorti en France le 24 janvier dernier est le sixième du nom ; il survient après quatre autres opus dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne rivalisèrent pas par leur finesse (2). Pourtant, le dernier Rocky nous est arrivé précédé d’une réputation flatteuse, vite relayée par la presse populaire, le magazine Première notamment, sur l’air de : « Vous allez retrouver la saveur de l’original, l’expérience en plus ! » Surprise : la presse intellectuelle a suivi le mouvement, dans une moindre mesure bien sûr, mais quasi unanimement (Cahiers du cinéma, Charlie-hebdo, Libération, Le Figaro, etc.).Rocky-Balboa---Affiche.jpg

Comment expliquer cette faveur soudaine dont bénéficie à nouveau Rocky ? Par l’indulgence que l’on ne peut s’empêcher d’éprouver par un "has been" luttant désespérément pour sa survie ? Certes. Mais, plus fondamentalement, cette sympathie s’explique par la nostalgie, à la mode et à l’œuvre également dans le succès de La Môme, par exemple, certes favorisée par le retour d’un personnage que Stallone n’avait pas repris depuis 1990 (Rocky V), mais surtout décuplée par la redécouverte d’un cinéma américain qui semble d’un autre temps, celui des années 1970. En premier lieu d’un cinéma qui prenait encore son temps, justement. De ce fait, étonnement, le dernier combat de Rocky Balboa se fait attendre jusqu’au dernier quart du film. Quasiment pas un ring en vue, un échange de coups avant ce final, sinon pour montrer à quel point le champion du monde en titre, un vigoureux jeune homme que seul le plus-que-vétéran Rocky parviendra à tenir en respect, était dépourvu de challengers sérieux avant que Rocky ne se décide à s’entraîner à nouveau et à le défier. Le film prend d’abord le temps d’installer tranquillement la situation : un Rocky retiré depuis longtemps du ring, ne revivant plus ses exploits lointains qu’en les narrant aux clients du petit restaurant où il semble s’être retiré du monde. Il prend également le temps d’initier ou de revivifier, et surtout de développer ses rapports avec plusieurs personnages secondaires mais attachants : sa défunte femme, à qui il rend visite au cimetière, son fils, qui vit encombré par la légende qui entoure son nom, une nouvelle petite amie et le fils de celle-ci, son manager, lassé de voir Rocky ruminer sa mélancolie, ses fans, etc. Le plus remarquable est que, malgré le rythme indolent du film, délibérément tourné de façon très classique, presque "plan-plan", sans la moindre esbroufe, sa durée dépasse à peine une heure trente. Alors que la durée standard d’un film américain tourne désormais autour de deux heures quinze, voire deux heures trente, même chez des cinéastes "nerveux" (Scorsese notamment), cela nous rappelle opportunément que les classiques du cinéma américain excédaient rarement une heure trente, et n’en disaient pas moins long.

 

Pourquoi, malgré ses qualités indéniables, de mise en scène notamment, avoir parlé à son propos de « mauvais film » que l’on ne pourrait « s’empêcher d’aimer quand même » ? D’abord parce qu’il faut quelque courage pour se déprendre de préjugés que tout cinéphile a du mal à ne pas faire siens, dont le moindre n’est pas l’imbécillité de Stallone, à tout le moins de ses films depuis une vingtaine d’années. Ensuite parce que son petit dernier repose sur un postulat totalement absurde : que Rocky pourrait revenir à soixante ans et faire jeu égal avoir le champion en titre des lourds, de trente-cinq ans son cadet ! Comment croire à une telle histoire, viciée dès l’entame par ce que l’on sait qu’il arrivera inexorablement, à savoir qu’il est impossible que Stallone se prenne une dérouillée, alors que la simple vraisemblance l’exigerait ? Toutes sortes d’idées scénaristiques auraient pu être trouvées pour pousser Rocky à reprendre les gants : l’ennui d’une vie devenue routinière, la déchéance financière (à la Tyson), la volonté de se montrer à son fils sous son meilleur jour (tel Boris Becker remportant son dernier tournoi du grand chelem alors que son fils n’était pas né pour le précédent), etc. Or, ces motivations ne sont que très périphériquement évoquées par Stallone. Il en a choisi une autre comme moteur de l’histoire, bien plus audacieuse. Ce qui motive Rocky, c’est d’avoir vu une retransmission télévisée d’une sorte de jeu vidéo, une simulation de combat entre le boxeur qu’il fut jadis et le champion en titre. Qui gagnerait si deux champions pouvaient se combattre en abolissant la frontière temporelle, par delà leurs générations d’écart ? Tout l’enjeu du film est de nous convaincre, non seulement que Rocky pourrait croire être capable de faire coïncider la réalité avec cette simulation, que son entourage pourrait y croire aussi et l’y encourager, mais que cela pourrait advenir. Et surtout, que nous-mêmes pourrions en fin de compte y croire, ou le vouloir. Bref, que la réalité pourrait rattraper le virtuel au lieu de se laisser phagocyter par son expansion. Dans une mise en abyme à la fois simple et astucieuse, le film acquiert une dimension insoupçonnée en mettant en scène à l’intérieur même de son intrigue le conflit formel qu’il représente, entre un cinéma classique, en prise avec la réalité, et le nouvel univers des images, celui du "tout est possible" grâce aux avancées techniques, celui des jeux vidéo et des images de synthèse, celui qui distord la réalité en tous sens pour permettre, selon son bon vouloir, de « [mettre] Spencer Tracy dans Batman », pour reprendre un exemple de Martin Scorsese (3). « Est-il possible de créer des images digitales d’êtres humains et de faire, quand même, un film qui parle de gens ? », s’interroge ce dernier. Stallone lui répond en montrant qu’un Rocky vieilli pourrait, à force de volonté, de courage, sans se départir de son humanité, être l’égal du clone numérique du Rocky d’il y a trente ans, mécanique à boxer dépourvue de sentiments, entièrement mue par la technologie numérique. Le spectateur ne peut y croire, bien sûr, mais il le souhaite tellement qu’il finit par donner son assentiment, aussi absurde que le postulat du film puisse paraître. Stallone ne peut se résoudre à renoncer à son ambition de raconter des histoires d’être humains et non de machines à gagner, à abdiquer contre l’inéluctable victoire de la technique sur l’humain. Louable projet, quoique presque pathétique, qu’il a réussi à mener à bien en trouvant le moyen de mettre en forme la lutte d’influence qui oppose le nouveau cinéma et l’ancien. Mais pourrons-nous y croire encore longtemps ? 

Sylvester-Stallone---r-alisateur.jpgUne nouvelle annoncée dernièrement par la presse d’outre Atlantique montre que Sylvester Stallone est décidément de nouveau l’un des hommes à suivre dans le cinéma américain. Il est devenu la cible des lobbys turcs car il rêverait de porter à l’écran le roman du romancier juif autrichien Franz Werfel, Les Quarante jours du Moussa Dagh (4). Paru en 1933 (inutile d’insister sur l’importance de cette date), ce roman traite de la résistance menée par une poignée d’hommes contre une autre forme d’anéantissement de l’humain, aussi bien physique que spirituelle celle-là, la tentative de Génocide dont furent victimes les Arméniens de l’Empire ottoman au début du XXème siècle. En cette Année de l’Arménie en France, une vitrine installée au Musée nationale de la Marine (Palais de Chaillot, Paris XVI°), parallèlement à l’exposition consacrée au peintre russe arménien Aïvazovski (jusqu’au 4 juin 2007), montre comment des navires français réussirent à sauver quelques Arméniens d’une mort quasi certaine. Des coupures de presse montrent également que, dès cette époque, l’opinion était informée du caractère systématique de cette persécution, qui prouve la volonté génocidaire (L’Illustration, n°3455, 15 mai 1909, « Les massacres d’Asie mineure », et n°3788, 9 octobre 1915, p.386, « L’extermination des Arméniens »). Une adaptation de ce roman a été réalisée dans les années 1980. Sans grand relief, elle passa à peu près inaperçu. Par contre, à la fin des années 1930, la Metro-Goldwyn-Meyer dut renoncer à une première adaptation face aux pressions de la Turquie. Après avoir réussi à se confronter au virtuel, Sylvester Stallone parviendra-t-il à relever ce défi, plus difficile encore à réaliser, un grand film populaire sur une réalité en proie aux dénégations d’Etat, le Génocide arménien (5) ? 


Notes : 

(1) Pour son admirable site Internet « Cinerivage.com », disparu avec elle. Mes réponses à ce questionnaire ont été reprises ici. 

(2) Le net déclin de la série est particulièrement flagrant en comparant les notes attribuées aux différents films par les usagers de l’Internet Movie Data Base (Imdb pour les intimes) : 7,9 (40.043 votes) pour le premier Rocky, 6,4 pour le II (16.619 votes), 5,8 pour le III (17.185), 5,4 pour le IV (19.910), 4,1 (13.681) pour le V (chiffres du 16 avril 2007, à 18 heures). La note de la VIème mouture – 7,4 (27.013 votes) – confirme le retour en grâce de Rocky auprès du public. 

(3) Scorsese s’inquiète de cette « digitalisation, qui déshumanise le cinéma » (Thomas Sotinel), dans un entretien donné au Monde (« Le cinéma de distraction me fait penser aux jeux du cirque », 27-28 novembre 2005, p.14). 

(4) http://stallone.forumactif.com/AUTRES-FUTURS-PROJETS-f3/sly-veut-adapter-Les-40-Jours-du-Moussa-Dagh-t1281.htm undefinedLe projet, plus ou moins abandonné par Stallone, aurait été repris par Mel Gibson, comme je m’en suis déjà réjouis ici.

 

(5) Film qui constituerait le pendant du chef d’œuvre d’Atom Egoyan, plus intellectuel, Ararat (film que l’on a pu revoir en mai-juin lors d’une grande rétrospective au centre Pompidou et au sein d’un coffret DVD, aucun Jamel arménien n’ayant hélas été invité à le montrer au président Chirac pour qu’il interrompe le processus d’adhésion de la Turquie à l’Europe).undefined

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