Mister Arkadin

Articles avec #films - sorties

QUAND MÊME UN BEL AIR NE SUFFIT PAS

12 Septembre 2008, 23:04pm

Publié par Mister Arkadin

Combien de films avons-nous vus qui ont besoin d'un bel air de musique pour faire naître une émotion ? Dont on se dit qu'il était un peu facile de la part des auteurs de passer du Schubert ou du Chopin pour relever une mise en scène un peu paresseuse ? Christophe Honoré, dans La Belle personne, diffusé hier soir sur Arte, réussit pour sa part l'exploit de faire écouter du Donizetti chanté par la Callas à ses personnages sans que son film décolle d'un pouce. La platitude d'un certain "jeune cinéma français". Saluons l'artiste !

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LA FILLE DU "MONDE"

2 Septembre 2008, 23:25pm

Publié par Mister Arkadin

Une fois de plus, c’est un site non spécialisé en cinéma, "Arrêt sur image", qui publie cette semaine deux des articles les plus intéressants sur le septième art (1). J’utilise l’expression forgée par Ricciotto Canudo uniquement pour éviter la redondance, le film dont il est question dans ces deux articles ne le méritant pas à mes yeux. Ayant un préjugé trop négatif sur La Fille de Monaco, pour des raisons que j’ai expliquées ici, je me garderais de penser que je pourrais émettre un jugement objectif sur ce film, une allergie, comme elle dirait, m’ayant fait fuir la salle assez vite. J’avouerais dès lors sans ambages que les décryptages de l’affiche du film et des liens noués entre les régies publicitaires du journal Le Monde et du film m’ont particulièrement réjoui. Il n’y a pas de quoi pourtant. La presse et le cinéma français sont déjà suffisamment mal en point pour ne pas trop pavoiser quand certains de leurs aspects les moins reluisants sont mis à jour.


Note et liens complémentaires :

(1) Ayant accès à tout le contenu du site "Arrêt sur images" grâce à un abonnement, j’ignore si ces deux articles font partie du contenu disponible y compris sans abonnement. Cela dit, franchement, l’ensemble de ce site d’informations vaut la peine, même quand il sacrifie lui aussi au culte du spécialiste unique (Benjamin Stora étant une nouvelle fois, bien entendu, Monsieur Guerre d’Algérie, comme je l’avais noté ).

- La chronique d’Alain Korkos sur les poncifs des affiches de film est aussi disponible en vidéo, dans le cadre de l’émission de la semaine.

- Le Monde d'hier constate, en commentaire de son tableau des "meilleures entrées en France", que « La Fille de Monaco, qui réalisait un premier week-end de bonne tenue, perd près de la moitié de ses entrées  ». Reformulons légèrement : après avoir attiré pas mal de monde grâce à une intense campagne publicitaire, dont Le Monde a été la figure de proue, le bouche-à-oreille n'a pas pris et le film s'effondre.

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LE SCÉNARIO DE LA CENSURE

24 Août 2008, 23:01pm

Publié par Mister Arkadin

Je ne m’étais nullement préoccupé du scénario de Martyrs, qui sort finalement  le 3 septembre prochain, quand j’ai consacré deux billets aux déboires de ce film avec la commission de censure (de "classification", pardon pour la confusion), ici et . Ô, j’avais bien noté sur les photos qu’il s’agissait sans aucun doute d’un énième "scream movie" à la française, reprenant les recettes des petits films d’horreur us mêlant jolies pépées et méchants tortionnaires, avec moins d’humour et plus de prétention. Ce n’est qu'en lisant le résumé du film sur le précieux site d’Albert Montagne, qui s’attache à pourfendre avec vaillance les méfaits de la censure, que j’ai remarqué les ressemblances avec celui de Baise-moi, dont les promoteurs de Martyrs n’ont apparemment pas seulement singé le plan marketing. Pas de viol cette fois, mais tout de même le désir de vengeance de deux jeunes femmes qui font équipe pour régler leur compte aux sales mâles après l’agression de l’une d’elle. Le scénario de la censure se répète donc : à quand la censure de scénarios répétitifs !


P.S. (3 et 6 septembre 2008) : Le jour de la sortie du film en salle, ce film fait presque l'unanimité, à la fois pour se réjouir que l'interdiction aux moins de dix-huit ans ait été ramenée aux moins de seize et pour considérer que le film n'est guère réussi. Plusieurs, néanmoins, tel Jérôme Vermelin, dans Métro (p.16 : « pourquoi tant de haine ? »), osent poser la question : « y a-t-il un âge pour supporter un truc pareil ? »

(18 septembre 2008) Une distinction très fine a été établie par Sébastien Boudsocq, le chroniqueur "Cinéma" de "Laissez-vous tenter" (RTL, 3 septembre 2008), qui se réjouint que Martyrs ne soit pas interdit aux moins de 18 ans, comme les film X : "Dans un cas, nous avons de l'art ; dans l'autre, du cochon" (rires dans le studio).

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LA GRÂCE

18 Août 2008, 23:18pm

Publié par Mister Arkadin

« Louise Bourgoin, c’est la grâce », dit Fabrice Lucchini de sa partenaire dans La Fille de Monaco, pour promouvoir le film d’Anne Fontaine sortant demain (Le Point, n°1874, 14 août 2008, p.83). La "grâce", notion bien utile pour tresser les louanges de quelqu’un, mais indéfinissable et des plus subjectives, la personne en question représentant à mes yeux exactement l’inverse. Elle fait partie des rares acteurs ou actrices (puisque c’en est une, paraît-il) qui peuvent déterminer mon choix de voir un film. En l’occurrence, il faudra que je me fasse violence pour aller voir celui-ci, de même qu’il me faut essayer de vaincre ma répulsion pour un Djamel Debbouze ou une Emmanuelle Béart quand un film où ils sont à l’affiche sort.

Un « trio sensuel et dangereux », comme dit la pub à propos de La Fille de Monaco. Ce slogan, ainsi qu’une lointaine ressemblance physique entre les personnages féminins principaux, me rappelle Le Parfum d’Yvonne, de Patrice Leconte, peut-être son meilleur, et sans doute le meilleur film érotique français. Qu’est devenu son interprète, la sublime et pleine de grâce Sandra Majani (que Louise Bourgoin n’est pas prête de nous faire oublier !) ?

 



P.S. :
Je doute que la réputation de fantaisie et d'insolence de la Miss Météo de Canal + soit justifiée, mais ne peux en juger, ayant toujours changé de chaîne, éteint immédiatement ou changé de pièce quand je tombais sur elle. Je lis dans Paris Match l'un de ses hauts faits d'armes. Elle aurait lancé en présence de Jean-Marie Le Pen :
« je suis absente pour cause d'allergie. » J'avoue être bluffée par tant d'esprit et d'audace. S'essuyer les pieds sur un "homme" (je mets des guillemets, car je ne sais s'il est permis d'employer ce terme pour parler de cette "personne" - idem) sur lequel la quasi totalité des médias crachent depuis cinquante ans, voilà assurément la preuve que cette jeune femme fera du chemin dans le monde, comme dirait l'autre. Son père, professeur de philosophie, lui aurait adressé un message de félicitations. Avec des professeurs aussi anti-conformistes, gageons qu'une nouvelle génération de petits Résistants est bien formée.

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JUSQU’OÙ MENTIR PLUS VRAI ?

10 Août 2008, 23:12pm

Publié par Mister Arkadin

« Une menteuse qui dit la vérité ». Ainsi l’écrivain Henri Raczymow avait-il intitulé une tribune publiée dans Le Monde du 16 juillet 2004. Il y expliquait que la fameuse Marie-Léonie du RER D, dont André Téchiné s’est inspiré pour son dernier film (1), s’inscrivant ainsi dans la mode des docu-fictions relatant des faits divers ou divers drames contemporains (Villemin, Mesrine, le Rwanda, Baudis, etc., etc.), n’était pas « une mythomane », mais « une usurpatrice », car elle se serait appropriée une histoire qu’elle n’avait pas inventée, mais entendue. La prétendue affaire antisémite était en fait parfaitement véridique, même si sa soi-disant victime ne s’en était fait que le porte-parole. Le scandale n’aurait donc pas été que les médias et les plus hautes autorités politiques françaises aient relayé promptement, solennellement et à sons de trompettes le récit de ladite Marie-Léonie, sans vérification aucune, mais qu’ils aient fait machine arrière une fois la supercherie révélée, dans la mesure où son récit était une « histoire vraie », à défaut d’être la sienne.

Un rebondissement similaire est survenu voici quelques mois à propos d’un récit filmé par Véra Belmont, aidé pour le scénario par Gérard Mordillat, toujours en quête de Vérité cachée (à défaut d’être révélée…). « L’auteur de Survivre avec les loups a menti sur sa vie. Y’a un loup dans son histoire », titrait en une, le premier week-end de mars, France Soir (1-2 mars 2008, p.1-3), pratiquement le seul journal français (avec, dans une moindre mesure, Le Figaro) à avoir fortement relayé les révélations de son confrère belge Le Soir, déjà largement éventées sur Internet et dont l’hebdomadaire Minute avait aussi fait ses choux gras. À la sortie du film, fin janvier 2008, la grande presse (Le Monde et Le Nouvel Observateur en tête) avait mordu à l’hameçon et laissé à la presse honnie (i.e. nationaliste, sinon d’extrême droite) le soin de faire part de son scepticisme, puis de se délecter de la débandade qui a suivi (par exemple Claude Lorne dans Rivarol).

L’amusant dans cette histoire, si je puis dire, est qu’elle fut presque concomitante du projet annoncé par Sarkozy, au dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), de confier la mémoire de chaque petit enfant juif déporté à un élève français, projet plus ou moins abandonné suite au tollé qu’il provoqua. Or, c’est toujours le recours aux enfants qui permet de tout justifier, en l’occurrence son récit par Misha Defonseca (ses carnets étaient destinés à ses enfants, « pour qu’ils sachent ce que j’ai vécu »), puis l’adaptation de Véra Belmont, qui aurait chercher comment raconter la Shoah aux enfants, tant il est vrai que les programmes audiovisuels sur le sujet sont fort rares.

Cela fait immanquablement pensé à L’Industrie de l’Holocauste. Réflexions sur l’exploitation de la souffrance des Juifs, de Norman G. Finkelstein (postface de Rony Brauman, Paris, La Fabrique Editions, 2001, 160 p.). Il y rapporte plusieurs cas d’écrivains qui se sont inventé une histoire de persécution par les nazis et de déportation, qui en ont tiré un livre à succès, couvert d’éloges pour leur authenticité et leur valeur documentaire (notamment par l’inévitable et inénarrable Elie Wiesel), avant que l’on découvre qu’il s’agissait d’imposteurs. La similitude la plus intéressante avec Survivre avec les loups réside dans la défense adoptée par Véra Belmont, qui rejoint celle de tous ceux qui justifient l’imposture dans ce domaine. Quand Wilkomirski, l’auteur du roman Fragments, fut démasqué, ses défenseurs ne furent pas pris au dépourvu, l’un d’eux déclarant par exemple qu’il n’était « pas important » que le livre soit un faux : « Wilkomirski a écrit une histoire dont il a ressenti profondément le sens ; c’est certain […] ce n’est pas un faussaire. C’est quelqu’un qui vit cette histoire dans le fond de son âme. Sa douleur est authentique. »

Le plus écoeurant est que des complices de la dernière imposture du genre, comme Gérard Mordillat et Véra Belmont, peuvent continuer à plastronner tranquillement dans les médias presque comme si rien n’était, et comme s’ils n’alimentaient pas le ressentiment mémoriel (qui se répand sur les forums d’Internet, par exemple celui d’allociné). Interrogé par un journal télévisé (je ne me souviens plus lequel et je cite de mémoire), Véra Belmont a sorti le même type d’argument que ceux cités par Finkelstein. Certes, Misha Defonseca s’est inventée une histoire, mais ce fait même prouve le traumatisme qu’a provoqué en elle la Shoah, dont elle a ainsi pu rendre compte avec sensibilité, sinon authenticité (2). Véra Belmont aurait été jusqu’à déclarer que cette petite mésaventure alimenterait avantageusement le DVD à venir, que l’on annonce d’ailleurs juste à temps pour les fêtes de noël (avec, comme de bien entendu, en bonus, le "décryptage" du film par une classe de 6ème – cela vaudra le détour !).

L’une des conclusions de Finkelstein – « Vu la masse d’absurdités déversées chaque jour par l’industrie de l’Holocauste, il est […] étonnant qu’il y ait si peu de sceptiques » – m’avait paru un peu excessive. Nombre de films et téléfilms français se chargeraient-ils de lui donner raison, sinon de donner du grain à moudre à tous les Norton Cru de la Seconde Guerre mondiale (3) ?


Notes :

(1) La Fille du RER, avec Émilie Duquenne, dont la sortie est annoncée pour le 18 mars 2009.

(2) Pourquoi se priver de ce genre de calembredaines puisque certains lecteurs et spectateurs les reprennent à leur compte (par exemple ici).

(3) Les révisionnistes n'ont pas manqué d'exploiter l'affaire (par exemple ; voir aussi le n°37 de la revue Sans Concession, p.45-76, où sont reproduits de nombreux documents).


Compléments :
- 30 décembre 2008 : Dans son "portrait du jour" ("Les Matins" de France Culture), Marc Kravetz a raconté une nouvelle histoire fabuleuse ayant connu un grand succès aux USA, l'ancien déporté Herman Rosenblat ayant été par deux fois l'invité d'Ophra Winfrey pour évoquer son histoire d'amour par delà les barbelés. La publication de ses mémoires a été annulée, suite à la découverte de l'imposture (cf. "The New Republic"). En revanche, indique "The Times", cela ne dissuade nullement le producteur Harris Salomon de poursuivre son adaptation cinématographique.

- 1er juillet 2009 : J'apprends (avec un an de retard), dans une enquête de Maria Malagardis sur cette affaire (« Histoire d'une imposture », XXI, n°3, été 2008, p.122-131), que Gérard Mordillat aurait admis, dans une déclaration à la presse, qu'il n'avait « jamais cru que cette histoire était vraie ». Maria Malagardis se demande : « Pourquoi alors avoir fait semblant ? Pourquoi avoir laissé la mention "d'après une histoire vraie" au générique ? »
- 7 août 2012 :
- sur d'autres sujets d'histoire traités par des films ou téléfilms, la révélation de mensonges ne troublent pas outre mesure leurs promoteurs ; ainsi Philippe Niang, réalisateur d'un Toussaint Louverture (France 2, 14 et 15 février 2012) bourré d'affabulations, ne s'est-il pas démonté : « Toussaint Louverture fait partie de ces icônes, quitte à tordre le cou à la vérité historique, au nom de la vraisemblance idéologique… C’est pourquoi j’ai mis en scène des épisodes qui pour n’être pas tangibles n’en sont pas moins crédibles comme l’assassinat par noyade du père de Toussaint. »
- pécadilles que toutes ces controverses : 742.417 gogos ont payé leur place pour aller voir ce film ; dès lors, pas de quoi dissuader quelque producteur de remettre le couvert.
http://france-licratisee.hautetfort.com/media/00/00/3461971796.jpg

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WALL-E CAPITAL

9 Août 2008, 15:47pm

Publié par Mister Arkadin

Je partage un certain nombre des critiques adressés à Wall-E, la dernière production Pixar, qui n’égale pas les précédentes (peut-être est-ce notre sentiment parce que nous commençons à nous habituer à leurs prouesses et que, passé un certain stade de perfectionnement technique dans l’animation, on ne progresse plus guère). L’histoire sentimentale est un peu mièvre et le credo écologique peut paraître opportunisme (1) vu l’importance du "merchandising" qui accompagne un tel film (c'est l'avis de Bakchich, entre autres). Mais au moins deux qualités fondamentales peuvent être reconnues à Wall-E : la gageure de construire toute une première partie presque entièrement dépourvue de dialogues, l’attention du spectateur n’étant retenue que par le soin mis à l’élaboration des décors, de la sonorisation, de l’animation des personnages (des robots qui plus est !) et à la mise en scène ; la capacité, surtout dans la deuxième partie, de concevoir un monde futuriste on ne peut plus réaliste, effrayant bien que (parce que ?) non dépaysant, raisonnablement apocalyptique, qui nous épouvante d’autant plus qu’il n’est pas si éloigné que cela du nôtre, qu’il ne fait qu’en pousser à bout les travers, qu’il ne présente que l’état que pourrait atteindre l’humanité si elle poursuit son développement son changement radical. Il n’est que de lire le dossier d’"anticipation" du mensuel Capital (n°203, août 2008) sur « les inventions qui vont changer notre vie » pour constater que la plupart d’entre elles s’efforcent avant tout de répondre à la loi du moindre effort, à la volonté de nous "faciliter la vie", de la rendre plus confortable, moins contraignante. Un "robot valet" porte un plateau repas en couverture : l’homme ne semble se préoccuper que d’inventer des automates qui se substitueront à lui dans quasiment toutes ses tâches quotidiennes. Pixar n’a donc pas eu à forcer le trait pour imaginer le devenir obèse de l’humanité, la généralisation de l’industrie des loisirs et de l’occupation de loques humaines dont le cerveau, à force d’être rendu totalement disponible pour le divertissement, s’atrophie complétement.


P.S. : Aussi surprenant que cela puisse paraître, j’ai eu beaucoup de mal à trouver l’une des illustrations de cet article. Non pas la couverture du magazine, mais l’image de Wall-E. On en trouve à revendre qui représentent Wall-E lui-même, mais quasiment pas les personnages humains (je me suis rabattu sur le capitaine du vaisseau spatial, le seul qui semble avoir droit à quelques photos). On ne saurait mieux signifier qu’ils sont quantité négligeable dans le film, et peut-être dans notre avenir…


Note et complément :

(1) En revanche, opposer, comme l’a fait Thomas Sotinel dans Le Monde (30 juillet 2008, p.16), ainsi que d’autres critiques, la « prophétie écologique » « radicale » de Wall-E à l’ « ode à l’automobile » qu’aurait été le précédent film du studio Pixar, Cars, procède d’une vision pour le moins réductrice de ce dernier film, pour le moins ambivalent dans le rapport qu’il établit entre nostalgie et modernité.

- Une fois n'est pas coutume, une excellente analyse de Wall-E est à lire dans Les Inrockuptibles (« Le refoulé du robot », par Jean-Marc Lalanne, n°666, 2 septembre 2008, p.43).

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GÉOPOLITIQUE D’"HANCOCK"

2 Août 2008, 23:10pm

Publié par Mister Arkadin

Il est très rare que je sois capable de lire le "sous-texte" des films. Très "bon public", je les regarde la plupart du temps au premier degré et ne suis aucunement doué pour interpréter brillamment un film en démontrant qu’un banal récit camoufle une métaphore politique hautement subversive ou un message sur l’état du monde et des mœurs de la plus grande importance. Si tout le monde n’avait été mis au courant de la dimension métaphorique de The Shave, qui paraît pourtant évidente, je n’aurais vu dans ce court métrage de Scorsese qu’un type se rasant un peu maladroitement. Que tel western ou film fantastique des années 1950 soient des vigoureuses dénonciations du maccarthysme me passerait au-dessus de la tête si toute personne ayant lu plus de deux lignes sur le cinéma n’était au courant.

De ce fait, je m’étonne que l’évidente métaphore géopolitique de Hancock n’ait pas été relevée par la critique. Serais-je en proie au délire d’interprétation ? Me faudrait-il à toute force faire l’original pour trouver de quoi alimenter ce site, l’émission de radio à laquelle je participe ou un simple échange de points de vue cinéphiliques avec un ami ? Bien que le scénario original de Hancock semble avoir circulé à Hollywood dès le début des années 1980, son actualité est aveuglante. A l’instar de Spiderman III, s’y lit le doute des Etats-Unis, sur eux-mêmes et surtout à propos de la perception que les pays étrangers ont de ce pays. Le super héros taciturne, alcoolique et gaffeur qu’interprète Will Smith représente la mélancolie américaine, nourrie par le sentiment d’injustice éprouvé par ce pays messianique, qui pense pouvoir faire le bonheur du monde en s’instituant gendarme de la planète. Le scénario de Hancock repose à cet égard sur la notion de « dommage collatéral ». Certes, le super héros commet tant de dommages quand il intervient pour arrêter des malfaiteurs et prévenir une situation catastrophe que les populations se retournent contre leur bienfaiteur, mais, s’il finit par se montrer agressif à leur égard, toutes ses tentatives d’intervention partent de bons sentiments, d’une réelle volonté de venir en aide à autrui. Comment ne pas y voir la situation des Etats-Unis, qui essaieraient tant bien que mal de résoudre les conflits qui ensanglantent ou menacent le monde, au Proche Orient notamment, mais qui ne "casseraient pas d’omelette sans œuf" et se le verraient reprocher par des ingrats ?

Serait-ce dès lors un hasard si le seul personnage qui fait confiance à Hancock, qui le prend en sympathie malgré ses erreurs, et voit juste avant tout le monde dans son cœur meurtri, est le fils du conseiller en communication que Hancock est contraint d’engager pour restaurer son image, un petit garçon nommé Aaron ? Un ami très nettement plus antisioniste que moi n’y a pas vu malice. Comme il me serait bien difficile d’interpréter la dernière demi-heure du film, et le rôle donné au personnage joué par Charlize Theron, qui ne me paraît gonflé que pour qu’une présence féminine attire les foules, je donnerai raison à cet ami en reconnaissant, provisoirement peut-être, qu’il n’y a là que divagations et qu’Hancock ne vaut pas une once de réflexion.

 


Liens complémentaires :

- ""Hancock" et la résurgence du passé ségrégationniste américain", par Tina Harpin, sur Rue89 ;

- "Hancok : la version longue décortiquée", par Kevin Prin, filmsactu.com.

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FIDÉLITÉ A L'AUTEURISME ?

25 Juillet 2008, 07:20am

Publié par Mister Arkadin

Brizé, Desplechin, Kéchiche, Larrieu, etc. : la liste est longue, des cinéastes français que j’avais trouvés prometteurs et qui m’ont plus ou moins vite déçu. Dois-je pour autant reconsidérer l’intérêt que j’avais éprouvé pour leurs précédents films ? Dois-je me méfier rétrospectivement de ma propre appréciation, comme si j’avais pu être berné par ma propre perception ? J’ai bien conscience que cette question prouve qu’il m’est difficile de me déprendre de réflexes auteuristes, d’une évaluation des films influencée par la trop fameuse "politique des auteurs". Je ne puis pour autant m’empêcher de me la poser après Le Voyage des Pyrénées, Un conte de Noël ou La Graine et le mulet ? Ce qui me déplait profondément dans ces films n’étaient-ils pas déjà en germe dans Peindre ou faire l’amour, La Sentinelle ou L’Esquive, de manière moins accentuée, ce qui ne m’avait par conséquent moins sauté aux yeux ? Autre façon de formuler la question : en prenant de l’assurance, car se sachant adoubés comme auteurs par la critique et les festivals, ces cinéastes n’ont-ils pas poussé plus avant leurs manies personnelles, n’ont-ils pas plus affiché leur personnalité dans leurs derniers films ? La question se déplace légèrement : ce serait également les cinéastes français qui auraient bien du mal à se déprendre de postures auteuristes.

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VALSE AVEC L’AVOCAT DE LA TERREUR

17 Juillet 2008, 01:21am

Publié par Mister Arkadin

Ari Folman s’est-il vraiment montré audacieux en exposant et explorant, dans Valse avec Bachir, le malaise qu’il éprouve en se remémorant les massacres de Sabra et Chatila, auxquels il assista passivement, sans se rendre réellement compte de ce qui se passait ? Ne serait-ce pas un moyen pour Israël de se dédouaner, de minimiser son degré d’implication et la culpabilité de ses dirigeants, de son armée et de ses soldats, en plaidant l’irresponsabilité, à tous les sens du terme ? Ayant fait l’éloge du film au dernier "Libre journal du cinéma", je pense qu’il s’agit d’un mauvais procès. D’abord parce qu’un film israélien ne peut qu’être d’une certaine façon juge et partie à ce sujet et que Folman s’en sort de ce fait aussi bien que cela lui était possible. Ensuite parce que le parallèle qu’il établit entre Sabra et Chatila et la Shoah, à travers la comparaison des gestes et attitudes d’un enfant du ghetto de Varsovie et de rescapés libanais, me paraît aller assez loin dans l’introspection sincère et sans tabou.

 

 

Aussi bizarre que puisse paraître ce rapprochement, cela m’a rappelé L’Avocat de la terreur, le film de Barbet Schroeder sur Maître Jacques Vergès. Schroeder n’a pas osé pousser son portrait de Vergès jusqu’aux dernières années. Cela le dispense de traiter correctement la question du terrorisme palestinien contre Israël, juste évoquée. Mais l’on sent bien que Schroeder est gêné par le propos véhiculé par son film, qui laisse penser qu’il considère que Vergès, après des débuts exemplaires, s’est fourvoyé – thèse communément admise. On le sentirait presque prêt à se demander si ce n’est pas son admiration pour le défenseur des terroristes du FLN lors de la guerre d’Algérie, au nom de la Cause et du principe de la fin qui justifie les moyens, qui entre en contradiction avec son sionisme et son aversion pour le terrorisme qui touche Israël. Schroeder ne se demande-t-il pas in fine si ce n’est pas Vergès qui est resté fidèle à ses principes alors que lui-même les fait varier selon l’opportunité, selon les circonstances, qui ne devraient pas primer sur les principes ? Une fois que l’Etat d’Israël, de part la colonisation de territoires palestiniens, se voit confronté à des problèmes similaires à ceux que rencontra l’Etat français lors de la décolonisation, Shroeder est amené à reconsidérer, sinon ses idéaux de jeunesse, au moins les prises de position qui en ont résulté. De la même manière, étant confronté à la question de la complicité d’Israël dans un massacre de populations civiles, on sent Folman prêt à reconsidérer la question de la complicité des Etats qui ont collaboré avec l’Allemagne, et à plus forte raison des alliés, dans la mise en œuvre de la Solution finale, à tout le moins leur passivité et leur incapacité à en prendre conscience à temps et à l’entraver.

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TROIS TENDANCES DE LA BÊTISE DANS LES COMÉDIES FRANÇAISES

14 Juillet 2008, 15:42pm

Publié par Mister Arkadin

L’un des ressorts de la comédie est la bêtise. On peut regretter que la comédie française en fasse presque son unique objet, mais on ne peut lui reprocher d’y recourir. En revanche, l’évolution de son traitement ne laisse pas d’inquiéter. Au risque d’être schématique, on pourrait classer en trois tendances les comédies selon leur façon d’envisager la bêtise des personnages qu’elles mettent en scène.

Les films d’un Jean Yann ou d’un Etienne Chatillez les caricaturent ouvertement. Ils chargent, dénoncent, voire méprisent, selon les détracteurs de ses deux cinéastes. Aucune complaisance envers la bêtise ne peut leur être imputée, mais plutôt de la condescendance, la complicité avec le spectateur s’exerçant au détriment de personnages dont chacun se sent supérieur. En réaction à cette tendance au mépris (comme aurait dit Truffaut), le public a fait un triomphe à Bienvenue chez les Ch’tis car ce film prend habilement le parti de la prétendue bêtise du peuple contre la soi disante intelligence des bobos parisiens ou de la Côte. C’est assurément plus sympathique, quoique un brin démagogique, et cela rejoint les procédés du duo Jaoui/Bacri, en particulier dans Le Goût des autres : méfiez-vous des apparences, riez donc de quelqu’un de bête et c’est vous qui vous sentirez bien sot quand vous découvrirez qu’il ne l’était pas du tout.

La troisième tendance, la plus récente si je ne me trompe, rompt toute coupure, aussi bien entre les auteurs et leurs personnages de demeurés, entre les auteurs et les spectateurs, qu’entre les spectateurs et les imbéciles qui lui sont présentés sur l’écran. Plus de distance, plus d’apparences à dépasser, nous sommes de plein pied dans la bêtise et nous y pataugeons gaiement. Je n’ai pas vu Camping assez longtemps pour pouvoir le placer indubitablement dans cette catégorie. Il m’a bien semblé toutefois que nous étions invités à nous reconnaître, sans honte ni dégoût, dans les personnages du film, aussi médiocres soient-ils. Un peu plus de distance dans La Personne aux deux personnes, esprit Canal oblige, force clins d’œil et décalages se voulant spirituels, mais même adhésion aux personnages. J’ai supporté difficilement ce que j’ai pris pendant les deux tiers de la projection pour du mépris de la part de parvenus de la télévision (Chabat, Bruno et Nicolas) envers le personnage joué par Auteuil, petit employé de bureau médiocrissime, auquel renverrait la bêtise du pauvre spectateur englué dans une vie minable au regard de la vie exaltante des auteurs. Mais, de fait, le moyen que trouve le personnage pour en sortir n’est guère plus exaltant : l’identification à un chanteur de variété tout aussi stupide que lui, qui, en terme d’élévation intellectuelle et d’accomplissement artistique, se situe précisément à peu près au niveau des auteurs du film. Pas de distance là non plus.

Enfin, cette bêtise revendiquée, satisfaite, apolitique et déculturée, se retrouve dans Seuls Two, malgré le cachet "film comique d’auteurs" que Libération et Les Inrockuptibles essaient tant bien que mal de conférer à Eric et Ramzy – à moins que ce ne soit justement l’une des raisons pour lesquels ces derniers trouvent grâce à leurs yeux. J’ai particulièrement été frappé par le moment où Eric découvre comment Ramzy s’occupe dans Paris subitement désert. Comment le personnage occupe-t-il son temps et l’espace soudain vierge ? En roulant à toute allure à travers Paris dans un bolide de course. D’une situation paradisiaque, de Paris sans bruit ni encombrement, sans nuisance sonore (la pire des pollutions) ni populacière, il ne profite nullement, par exemple en prenant le temps de flâner, de contempler, de se promener, à pied ou à vélo. Au contraire, il réintroduit le vacarme, la frénésie de vitesse et d’activités, l’encombrement de l’espace, la nuisance ; il détruit toute préciosité dans le rapport au temps et à l’espace, toute in-nocence (comme dirait Renaud Camus), pour étaler sa bêtise grasse. Et j’ai bien peur que ce que choisit de faire le personnage ne soit livré au spectateur comme ce qu’il y aurait de mieux à faire dans cette situation, de plus jouissif, de plus festif, de plus moderne.

Le spectateur n’est plus invité à se moquer de l’imbécile qui lui ait montré sur l’écran, ni à se déprendre de son sentiment de supériorité pour se rendre compte que son prochain n’est pas plus bête que lui  ; il est désormais encouragé à s’identifier à ce qu’il y a de plus bête dans la société actuelle, à s’y vautrer complaisamment. C’est donc bien d’un Jean Yann dont la comédie française aurait aujourd’hui besoin pour être à nouveau dynamitée. Mais peut-être une quatrième voie s’offre-t-elle à nous. Celle du OSS 117 de Michel Hazanavicius et Jean-François Halin, tel qu’interprété par Jean Dujardin, plus difficile à définir bien que jouant également sur la bêtise du personnage , car nettement plus subtil. Cela tombe bien, OSS 117 revient bientôt sur les écrans (je dis cela au cas vous auriez échappé aux 413 reportages sur le tournage publiés dans la presse ces dernières semaines…). N’en attendons pas trop de peur d’être déçus. Mais soyons certains qu’il relèvera au moins quelque peu le niveau !

 

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