Mister Arkadin

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UN "VOYAGE AUX PYRÉNÉES" TROP COHÉRENT POUR ÊTRE DISTINGUÉ

12 Juillet 2008, 15:46pm

Publié par Mister Arkadin

Parmi les six critères d’évaluation des films que définit Laurent Jullier dans Qu’est-ce qu’un bon film ? (La Dispute, 2002) figure l’originalité, qui serait l’un des deux « critères distingués » (par opposition à « ordinaires » et « communs »), de ce fait particulièrement prisée par la critique. Je ne puis à cet égard guère me considérer comme un critique "distingué" car, autant Le Voyage aux Pyrénées m’a semblé l’un des films les plus originaux produits en France ces dernières années, ce qui le rend d’une certaine manière assez remarquable (la concurrence n’est pas vive en la matière, certes, mais tout de même…) et, dans une certaine mesure, sympathique, autant le film des frères Larrieu ne me paraît pas valoir tripette. Il prouve à mes yeux que des artistes peuvent se montrer très originaux, peuvent même cultiver avec la plus grande application leur singularité sans avoir pour autant grand intérêt. Le deuxième critère distingué serait selon Jullier la cohérence. Peut-être est-ce à cette aune que je puis juger les insuffisances des Larrieu. Ils se veulent si furieusement farfelus, si doucement subversifs, si désireux de réaliser un film fantasque et bordélique qu’ils n’auraient pas dû chercher à toute force à retomber sur leurs pieds et à demeurer in fine cohérents. L’incohérence du film devrait être le gage de sa réelle originalité. Nous devrions, pendant la séance, être suffisamment intrigués pour vouloir savoir où ils veulent en venir, tout en étant postérieurement déçus qu’ils n’arrivent nulle part ou excités par les contrées inexplorées où ils nous auraient subrepticement conduits. Or, on voit trop bien où leur histoire de couple désorienté sexuellement et parti se réfugier sur les cimes pour se retrouver nous amène. Vers une conclusion somme toute parfaitement dans l’air du temps, à savoir que c’est par l’inversion des sexes, par l’acception par l’homme de sa féminité et par la femme de sa masculinité que le désir leur reviendra. Une fin aussi convenue que bêtasse relève encore plus du foutage de gueule que les péripéties abracadantesques et pourtant peu réjouissantes qui précèdent.


PS : j’ai décidément de plus en plus de mal à supporter Sabine Azéma, aussi exaspérante que Jean-Pierre Darroussin est, comme d’habitude, quasi impeccable. Alain Resnais en ayant fait son actrice fétiche, cette seule raison suffirait à m’empêcher à jamais de le reconnaître comme un grand cinéaste.

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PHÉNOMÈNES

20 Juin 2008, 23:31pm

Publié par Mister Arkadin

La troisième note que j’ai ajoutée à mon article « Beaucoup – Pas du tout » pourrait laisser penser qu’aucun film ne trouve grâce à mes yeux et que je ferais mieux d’occuper mes loisirs ailleurs que dans des salles de cinéma. Je m’empresse donc de signaler le premier film qui m’a marqué depuis un bail, depuis L’Heure d’été si mes souvenirs sont bons, quand bien même je n’ai pas grand-chose à en dire (quel dommage que l’admiration inspire souvent moins que l’exécration !...) et qu’il me faudrait le revoir pour mieux l’évaluer. Il s’agit du dernier Shyamalan, Phénomènes (The Happening). Un Shyamalan, assurément, avec son cortège de mystères, de personnages désorientés et d’angoisse diffuse, à tel point que les fans ne s’y retrouvent pas, à force d’y retrouver le même univers que dans les précédents films. Ainsi un lecteur des Inrocks écrit-il sur leur site : « Un air de déjà vu ou presque, qui risque de décevoir les addict de Shyamalan mais qui conviendra probablement aux novices (s’ils subsistent !). Please... Mr M. Night Shyamalan, don’t sold your soul to the devil ! Don’t let money rule your creativity ! it’s so precious...”

Peut-être est-ce parce que je suis l’un de ces "novices", n’ayant vu que deux ou trois Shyamalan et ne les ayant que modérément appréciés, que celui-ci m’a fasciné. J’ai du mal à comprendre pourquoi, la seule explication que je trouve est que j’ai constamment eu l’impression en voyant ce film que le cinéma était le seul moyen d’expression apte à rendre captivante et sensuelle une telle histoire, à faire ressentir par le spectateur ce que les personnages ressentent eux-mêmes. Je ne puis trouver une manière moins banale de rendre compte du talent de Shyamalan, dont la mise en scène me semble d’autant plus impressionnante que, contrairement à la majorité de ses films, qui s’achèvent sur un grand rebondissement en guise d’explication magistrale, tous les indices permettant de comprendre quels sont les "phénomènes" qui préoccupent les personnages nous sont donnés très rapidement. Si suspens il y a, il est similaire à celui des Oiseaux. Nous sommes promptement informés que c'est la végétation qui s’en prend aux humains, mais, au fur et à mesure du film, elle traque de plus en plus près les personnages principaux, de la même façon que les oiseaux d’Hitchcock étaient de plus en plus nombreux, de plus en plus gros, de plus en plus méchants (pour paraphraser François Truffaut). C’est donc moins la résolution de l’énigme qui intéresse ici Shyamalan, même s’il ne se prive pas de filmer le processus de réflexion de son personnage principal, interprété par le décidément formidable Mark Wahlberg, que sa perception des choses, que ses tentatives d’être à l’écoute de la nature tout en se déprenant de son emprise.


Bande-annonce du film.

Entretien avec Shyamalan.

 

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DU MUTISME ET DU SUSPENS

9 Juin 2008, 08:59am

Publié par Mister Arkadin

L’un des attraits de tenir un blog comme celui-ci, sorte de journal d’un cinéphile à ciel ouvert, est que l’on peut coucher sur l’écran quelques idées sans se soucier qu’elles forment un tout bien constitué, qu’elles soient suffisamment développées et raccordées entre elles, voire cohérentes, alors qu’une parution en revue exigerait un tout autre "fini" dans la réflexion et l’écriture.

Ainsi me contenterai-je aujourd’hui de noter un point commun entre plusieurs films sortis récemment. Il s’agit de There Will Be Blood, Je suis une légende, Il y a longtemps que je t’aime et Le Nouveau Protocole (d’autres pourraient être mentionnés sans doute). Vous ne voyez pas le rapport ? Tous quatre présentent un personnage principal dont le mutisme est la caractéristique la plus affirmée, au moins dans la première demi-heure. Le Daniel Plainview de Paul Thomas Anderson et Daniel Day-Lewis est si concentré sur son entreprise de forage, si solitaire et replié sur lui-même qu’il ne prononce pas un mot de tout le début du film. Les trois autres (Will Smith, Christine Scott-Thomas et Clovis Cornillac) subissent, viennent de subir, ou sont encore sous l’effet d’un tel choc qu’il faut un long moment pour comprendre ce qui les fait agir, ou rester entièrement inactive (dans le cas de CST), tant eux-mêmes semblent rétifs à donner toute explication (aux autres personnages comme aux spectateurs).

Les rôles exigent tous quatre ce mutisme, mais je ne puis m’empêcher de voir dans cette coïncide une astuce de scénaristes, au demeurant fort bien vue et aucunement répréhensible, pour capter l’attention du spectateur. L’une des difficultés de l’écriture d’un scénario est sans doute de distiller des informations sur les personnages et sur l’intrigue de façon pas trop artificielle, sans qu’elles paraissent sortir de la bouche des personnages uniquement pour pallier l’absence d’un narrateur extérieur à l’action (comme dans un roman ou comme dans les films qui ont recours à une voix off). Dans les quatre films qui nous occupent, les scénaristes ont contourné cette difficulté, s’en sont même servi pour créer un suspens dès l’entame du récit, par la tension, presque l’agacement, que le décalage entre ce que cache le personnage principal et ce que le spectateur brûle de savoir entretient. Il serait dommage que cette astuce devienne un truc revenant trop souvent. Elle a au moins contribué à rendre passionnants à mes yeux trois de ces quatre films, au moins dans leur première heure.

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PARLER D'UN FILM QU'ON N'A PAS VU : DU NAVET DE KÉCHICHE

16 Mai 2008, 15:24pm

Publié par Mister Arkadin

Pas plus que vous, comme il se doit, je n'ai lu l'excellent livre de Pierre Bayard, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, gros succès de librairie l'année dernière. En revanche, j'ai lu avec plaisir l'article "La Graine et le Navet" que Marc Cohen a publié sur le dernier film de Kéchiche, rompant ainsi l'unanimisme à son égard. Bien qu'avouant sans ambage qu'il s'est abstenu de voir La Graine et le mulet, Marc Cohen dézingue joyeusement et de façon très pertinente le constant "double langage" du chouchou de la critique française et son "manifeste victimaire", miroir dans lequel tous les "professionnels de la profession" aiment à se mirer.
Ayant pour ma part défendu l'astucieux L'Esquive lors de ma première participation au "Libre journal du cinéma" de Philippe d'Hugues, puis dit tout le mal que je pensais de La Graine au même micro, je retrouve sous la plume de Marc Cohen une bonne partie des arguments que j'aurais développé dans l'article que j'aurais consacré à Kéchiche si je n'étais si paresseux. Reportez vous donc à l'article de Cohen en attendant que je me décide à y revenir.

Compléments :
- 1 (22 février 2011) : Abdélatif Kéchiche, toujours réconnaissant pour un pays qui lui a permis d'accéder à tant d'honneurs, appelle clairement à la guerre civile dans une déclaration récente (Les Inrockuptibles, 12 février 2011).
- 2 (22 avril 2014) : depuis le temps que j'attendais cela, un universitaire s'empare enfin de la rhétorique bayardienne pour l'appliquer au cinéma : « Comment juger les films que l'on n'a pas vus ».

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PAS DE MEILLEUR RÉACTIONNAIRE QU’UN VIEUX GAUCHISTE

10 Mars 2008, 15:01pm

Publié par Mister Arkadin

« Loin de la vision conservatrice que cette fidélité pourrait suggérer, Assayas, comme Walter Benjamin, pense sans doute que quelque chose du passé doit rencontrer notre présent pour que l’humanité garde une chance d’inventer son avenir. » Ouf ! Que de contorsions et de balancements ne faut-il pas à Jean-Luc Douin, dans Le Monde du 5 mars 2008 (p.24), pour laver Olivier Assayas du soupçon de conservatisme, autant dire d’infamie. Or, après bien d’autres (notre prédilection va pour un autre grand cinéphile, Dominique Noguez, l’auteur de La Colonisation douce — Feu la langue française ? et de l’hilarant Comment rater complètement sa vie en onze leçons), Assayas démontre dans son dernier et admirable film, L’Heure d’été, que les vieux gauchistes, pour autant que leur culture ne se limite pas à Guy Debord et à Alain Badiou, font les meilleurs réactionnaires. Et comme les cinéastes réactionnaires font souvent les plus beaux films, Assayas talonne désormais Rohmer parmi les derniers bons cinéastes français en activité.undefined

 

C’est un peu court et péremptoire comme critique ? Certes, mais précipitez-vous donc voir L’Heure d’été, cela vous lavera les yeux et les oreilles !

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LAETITIA MASSON S.D.F. DU CINÉMA

9 Mars 2008, 20:27pm

Publié par Mister Arkadin

De forts vilains esprits ont suggéré aux vedettes du cinéma qui clament périodiquement devant toutes les caméras leur amour des S.D.F. et s’indignent à tous les micros du scandale que représente la condition des vagabonds dans les rues de Paris (1), de donner l’exemple en en accueillant dans leurs humbles demeures, sans doute assez vastes pour en abriter quelques-uns sans trop avoir à se serrer. C’est médire, assurément. Ainsi Laetitia Masson ne le pourrait-elle pas, puisque elle-même aurait déclaré à Pascal Mérigeau, qui dresse le portrait d’ « une cinéaste qui n’en fait qu’à sa tête » (« L’obstinée », Le Nouvel observateur, 21 février 2008, p.126) : « Nous sommes les SDF du cinéma. » Que le lecteur se rassure ; je pense pouvoir lui certifier que les échecs de ses derniers films n’ont pas obligé la réalisatrice à se transformer en maçon pour se construire un abri sous un pont. Il s’agit d’une analogie, Laetitia Masson attendant que l’avance sur recettes l’aide à financer son prochain film, à l’heure où son dernier, Coupable, sort en salle. undefinedQue le lecteur ne s’offusque pas de cette comparaison en réclamant les coordonnées (du domicile et des comptes en banque) de Masson ! Car, si elle peut paraître quelque peu indécente, elle a au moins l’avantage de dévoiler explicitement le rapport qu’un certain nombre de cinéastes français entretiennent avec l’État : un rapport de mendicité, tant il est devenu indispensable pour eux que l’État se porte à leur secours, les citoyens ne mettant que peu la main à la poche, du moins pour aller voir leurs films, puisqu’ils la mettent tout de même un peu quand ils vont en voir d’autres – par le biais des taxes sur les billets (quelle que soit la nationalité du film).
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C’est flagrant dans le cas de Masson, dont j’avais apprécié en 1996 En avoir ou pas, le type de film dont on dit qu’il est prometteur (en plus d’avoir été plutôt un succès public - 213 506 entrées dans l’Europe des 25, d’après la base Lumière). En l’occurrence, c’est peu dire, à mon avis, que les promesses n’ont pas été tenues, puisque j’ai commencé à décrocher dès le film suivant, À vendre, son plus gros succès à ce jour (parions qu’il le demeurera, tant elle semble depuis vivre sur cet acquis ; 468 522 entrées). Laetitia Masson, qui avait beaucoup contribué à la carrière de Sandrine Kiberlain, s’est ensuite trouvée une prédilection pour les acteurs vieillissants (Adjani, Johnny), pour les écrivains qui n’ont jamais été jeunes (Angot, Daenincx) et dont le point commun est de se prendre très au sérieux, et pour les intrigues alambiquées. Cela a donné Love Me (sorti en 2000 ; 59 020 entrées, dont 53 377 entrées en France et 5 653 dans cinq autres pays), puis La Repentie (2002, 124 985 entrées) et Pourquoi le Brésil ? (2004, 11 657 entrées), qui (faut-il s’en étonner ?) n’ont plus été distribués qu’en France. undefinedLa présence d’une star ne prémunit pas Masson contre la défaveur publique, La Repentie et Love Me étant de loin les plus gros bides depuis des années d’Adjani (même Adolphe a fait presque deux fois plus d’entrées…) et de Johnny (tous ses films ayant fait au moins six fois plus d’entrées depuis 1996, sauf Quartier V.I.P., qui dépasse tout juste Love Me). Il lui faut dès lors avoir recours à la faveur publique, comme ce fut le cas pour Pourquoi le Brésil ? (cf. le site du CNC) dont on se permettra de douter que les recettes aient permis de rembourser l’avance que la réalisatrice espère aujourd’hui pour son prochain film.

 
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Loin de moi l'idée de dénigrer le système français de financement, qui permet par exemple à un Manuel Poirier de tracer son chemin, parfois pour le meilleur (Les Femmes ou les enfants d’abord, 2002 ; 407 537 entrées, dont près de 100.000 à l’étranger), malgré l’échec de Te Quiero (33 810 entrées en 2000), après le triomphe de son pire film en 1998 (Western ; 1.292.842 entrées). De même pour un Eric Barbier, qui a pu relancer, avec un Serpent (2006) d’honnête facture, une carrière qui aurait pu être sabordée par une grosse, puis une plus petite production (Le Brasier, passé le mardi 4 sur France 3 à 23h15 ; Toreros, 4 303 entrées en 2000) qui furent des échecs publics (aussi bien que critiques, si mes souvenirs sont bons). Bref, il est réjouissant que la capacité des réalisateurs français à persévérer et à trouver des financements ne dépende pas uniquement du box-office.

 

Toutefois, quand les échecs (à mon avis aussi bien du point de vue artistique que financier) se suivent de façon aussi constante que dans le cas de Laetitia Masson depuis quelques années, ne reste en effet qu’à faire la manche. Par générosité, et aussi parce que je n’adore rien moins que me déprendre d’un préjugé défavorable envers un cinéaste, je suis passé à la caisse d’un cinéma du Quartier latin et suis entré dans la salle pour voir Coupable. Ma B.A. accomplie, j’ai patiemment attendu que l’ennui me submerge et n’ai pas poussé le zèle jusqu’à rester jusqu’au bout, sans pour autant me sentir autrement coupable. Car, une fois n'est pas coutume, je me range à l'avis de Vincent Ostria (L'Humanité, 27 février 2008, p.22) : « On reste abasourdi devant autant de pose et aussi peu de substance. »

 

 

Notes, liens, informations et commentaires complémentaires :

 

(1) Si possible la semaine précédant la sortie de leur dernier film – telle Josiane Balasko, récemment, juste avant d’être reçue dans toutes les émissions de divertissement pour faire la réclame de L’Auberge rouge.

 

- Les chiffres que nous donnons sont tirés de la base Lumière, recueil des « données disponibles sur les entrées réalisées par les films distribués en salles en Europe depuis 1996 ».

 

- J’imagine qu’il doit exister des études sur l’avance sur recettes. Mais, mises à part celles du Centre National de la Cinématographie (C.N.C.), dont elle dépend, et peut-être quelques études universitaires peu distribuées, il serait instructif qu’une étude d’envergure soit un jour publiée sur cette institution clé de la vie cinéphilique française. Serait particulièrement bienvenu un chapitre sur l’influence que ses compositions et positions, ainsi que celles d'autres institutions de financement du cinéma français (émanant principalement des chaînes de télévision) ont pu avoir sur le parcours de certaines personnalités françaises, par le bénéfice que ces dernières ont pu en tirer (Bernard-Henri Lévy par exemple) ou par le ressentiment qu’elles ont engendré chez d’autres (Dieudonné, par exemple, suite au refus de financement de son scénario sur le Code noir).

 

- Dans « French Kiss-Off. How protectionism has hurt French films », point de vue anglo-saxon sur le système de préservation du cinéma français, intéressant, quoiqu’un peu systématique, Tyler Cowen fait une proposition judicieuse pour voir si les films français qu’il exècre serait capable de survivre s’ils n’étaient protégés comme une espèce précieuse et en voie de disparition que l'Unesco devrait classer au Patrimoine de l'humanité. Puisque le système d’aide serait destiné à aider des films "difficiles" ou "d’auteur" qui ne pourraient trouver leur public à cause du matraquage publicitaire qui ne bénéficierait qu’aux mastodontes américains (et français d’ailleurs), pourquoi l’aide accordé par l’Etat ne porterait pas sur la publicité (ou pourquoi ne restreindrait-on pas la publicité des films américains ?) ? Ainsi le public serait-il aussi informé de la sortie de Coupable que de John Rambo, ses deux films partant sur un pied d’égalité et connaissant dès lors sans doute la même fortune…
Alain Soral remarque perfidement que les cinéastes français, de Desplechin à Tavernier, sont à la fois les plus chauds partisans de l'ouverture des frontières, de l'accueil de tous les damnés de la terre, du laissez-passer le plus total en matière d'immigration, et les plus ardents défenseurs du protectionnisme en ce qui concerne leur corporation (
"Cinéma. L'immoralité de l'exception culturelle", Jusqu'où va-t-on descendre ? (Abécédaire de la bêtise ambiante), Paris, Éditions Blanche, 2002, p.69-70).

 

Je laisse la parole à Tyler Cowen : « Advocates of cultural protectionism often portray consumer sovereignty as a myth. According to this view, oligopolistic American distributors create demand for their movies through advertising. The sheepish public, in turn, responds passively to whatever is offered.

 

 » If this view were correct, supporting European cinema would be easy. The government need not subsidize filmmaking, or even place limits on American film imports. All the government need do is subsidize advertising for native films, or perhaps restrict advertising for American movies. But such policies obviously would not work. It is the European movies that fail to draw customers, not the European advertising campaigns.

 

 » When European audiences do not like the content of American products, they have proven remarkably resistant to them, no matter how heavy the marketing. Few American exports to Europe have been supported by as much hype and advance publicity as EuroDisney. One fearful critic called the park "a terrifying step towards world homogenization." Yet when EuroDisney opened, the French didn't like it. French culture has so far survived. »


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FILATURES

11 Janvier 2008, 09:52am

Publié par Mister Arkadin

« À force de lire et d’écrire à propos du cinéma, as-tu encore le temps de voir quelques films ? », me demande un ami qui s’en enfile allègrement, bon an mal an, cinq à six cents. N’en ayant jamais vu guère plus de deux à quatre cents par an (petit écran compris), je conçois fort bien que je puisse être considéré comme un simple amateur aux yeux des véritables cinéphiles, ceux des années soixante, qui étaient prêts à faire trois cents kilomètres en voiture pour aller voir à Bruxelles un inédit, ceux d’aujourd’hui, dont la cinémathèque est la seconde maison, pour lesquels les programmes du câble et l’édition DVD n’ont aucun secret et dont le tableau de chasse avoisine le millier de films par an. Pour ma part, je fais effectivement partie de ces cinéphiles "littéraires", représentés par un André S. Labarthe. Je garde en effet en mémoire ce passage d’un documentaire de Claude-Jean Philippe, réalisé à l’occasion des quarante ans des Cahiers du cinéma (en 1991, donc), où A. Sylvain L. déclarait que, pour la constitution de sa cinéphilie (au tournant des années 1960), la lecture des critiques (les Bazin, Truffaut, Rohmer, Godard, etc.) avait été bien aussi importante que la vision des films. Ainsi ma collection de revues, livres et coupures de presse sur le cinéma est-elle aussi précieuse pour moi, plus même, oserais-je avouer, que ma collection de cassettes et DVD.

 

Pour autant, un blog de cinéma sans recension de films serait tout de même assez étrange. Aussi essaierai-je d’en publier au moins une par semaine.

 

Aucun film vu ces derniers temps ne m’inspire énormément. En revanche, je tiens à conseiller aux lecteurs d’aller voir, sans tarder (vu la rotation actuelle des films), le film de Hong-Kong Filatures.
FIlatures.jpg Premier film de Yau Nai Hoi, le scénariste de Johnny To, il se caractérise (paradoxalement ?) par la qualité de sa production (de JT) et la virtuosité de sa mise en scène, plus encore que par l’astuce de son récit. Celui-ci se résume presque à une succession de filatures menées par les services de renseignements de Hong-Kong afin de prévenir des braquages de banques ou de bijouteries (d’où le titre français, très pertinent ma foi, le snobisme des distributeurs français ne les ayant pas amené, pour une fois, à garder le titre anglo-saxon, et sans doute chinois, pourtant plus poétique : « Eye in the Sky »). Yau Nai Hoi excelle à découper ses séquences de telle sorte que nous puissions ressentir, presque physiquement, la perception des choses de plusieurs personnages à la fois : qui me suit ? suis-je repéré ? suis-je à la bonne distance de celui que je file ? puis-je anticiper ses mouvements ? me soustrairai-je à son regard en me faufilant derrière tel quidam ? à quel moment dois-je changer de vêtements ? quelle caméra va permettre au staff du QG de suivre au mieux les événements ? quelle consigne donner à mes hommes ? Toutes questions, et bien d’autres, que se posent les divers protagonistes de ce film haletant, et que nous nous posons par procuration !

 

J’avais trouvé l’année 2007 moins fournie en bons films asiatiques que les précédentes. J’allais même jusqu’à me demander si le filon n’allait pas naturellement se tarir. Et me voici contredit dès la première semaine de janvier 2008 !

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Sortie du jour : ALIENS VS PREDATOR

2 Janvier 2008, 10:56am

Publié par Mister Arkadin

Sort aujourd'hui sur les écrans français le blockbuster Aliens vs Predator -  Requiem.

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Il s’agit du deuxième épisode d’une "saga". Je n’avais pas vu le premier à sa sortie en France, le 27 octobre 2004.

Alien-vs-Predator.jpg

Bien entendu, cela ne m’empêcha point d’en parler, au "Libre journal du cinéma" de Philippe d’Hugues, le 4 novembre 2004. J’appliquai là le principe cardinal de la critique, à savoir qu’il n’est nullement nécessaire de connaître une œuvre pour discourir à son sujet. Plusieurs critiques de cinéma en ont joué avec virtuosité, tel Jean-Pierre Manchette ; Noël Godin, devenu célèbre depuis comme entartreur en chef (petite sélection de liens sur cette noble activité : 1 ; 2 ; 3), démontrant l’inutilité de l’existence même du film. En tout état de cause, la vision d’un film s’avère finalement pour eux, non seulement subsidiaire, mais presque superfétatoire.

N’ayant toujours pas vu Alien vs Predator, mon compte rendu de 2004 ne peut que garder toute sa pertinence et valoir tout aussi bien pour Aliens vs Predator -  Requiem. Le voici donc.

« Alien vs. Predator est le type même de film que que le « Libre journal du cinéma » se doit de signaler, tant il est rassurant de constater que l’industrie cinématographique renoue sans cesse avec certains de ses genres les plus traditionnels.

Or, il en est un qui est particulièrement cher au cœur des cinéphiles : l’orchestration de la rencontre entre grands monstres ou génies du mal. Rappelez-vous notamment l’inoubliable King Kong vs. Godzilla (1). Remarquez que le "versus" (contre) doit impérativement s’écrire "vs." : cela en jette, si je puis me permettre l’expression, cela en jette beaucoup plus sur l’affiche. C’était le cas également de "Kramer contre Kramer", Kramer vs. Kramer (2), dont les monstres étaient, reconnaissons-le, un peu moins distrayants.

On nous propose aujourd’hui un n’en doutons pas tout aussi mémorable Alien vs. Predator (3), après le Freddy vs. Jason (4) de l’année dernière. Sans doute nous proposera-t-on demain Terminator vs. Gremlins ou Dracula contre les dinosaures à Jurassic Park. On peut imaginer toutes sortes de combinaisons, de formules diverses et variées, même si elles risquent d’être assez vite quelque peu répétitives, de nous apparaître comme, littéralement, des formules.

Mais peut-être justement faut-il seulement les imaginer, et c’est d’ailleurs ce que je me suis contenté de faire, puisque je ne suis pas allé voir Alien vs. Predator. Pour une raison principalement : l’élément primordial recherché dans ce genre de films, la terreur qu’inspirent les deux monstres mis en présence, tend en général à s’annihiler, au lieu d’être démultiplié, surtout parce que cette terreur ne s’exerce plus aux dépends des personnages humains, auxquels le spectateur peut s’identifier. Au lieu de s’allier, les deux bestioles finissent très vite par s’affronter, et se taper dessus. Or, c’est tout de même bien moins le rapport entre King Kong et Godzilla, ou n’importe lequel des ses confrères, qui nous passionnaient, que ses rapports avec les humains, surtout, bien sûr, quand l’humain en question était la ravissante Fay Wray, disparue il y a peu. »


 

 

Informations et liens complémentaires :

- Le livre de Noël Godin, dans lequel sont regroupées quelques-unes de ses critiques de films : Godin par Godin, Éditions Yellow Now, 2000

Godin.jpg
http://fr.wikipedia.org/wiki/No%C3%ABl_Godin

- Celui de Jean-Pierre Manchette : Les Yeux de la momie : chroniques dManchette.jpge cinéma, Éditions Rivages, 1997


http://manchette.rayonpolar.com/

- Le "Libre journal du cinéma" de Philippe d’Hugues : scripts des émissions sur le blog de Radio Courtoisie (http://radio-courtoisie.over-blog.com/categorie-175154.html)

Notes :

(1) Ishirô Honda / Thomas Montgomery, 1962

(2) Robert Benton, 1979.

(3) Paul W.S. Anderson, 2004.

(4) Ronny Yu, 2003. Nota : le Jason en question est le monstre de Vendredi 13.

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