Mister Arkadin

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UNE PLACE A PRENDRE...

19 Juillet 2014, 23:39pm

Publié par Mister Arkadin

... à Télérama, où Aurélien Ferenczi décrète, dans son compte rendu du film Fastlife (TRA, n°3366, 16 juillet 2014, p.45), que le cinéma français n'est pas assez ouvert et trop blanc (1). Comme la critique semble l'être encore beaucoup moins que l'interprétariat (2), nul doute qu'il s'agit d'un appel à un petit remplacement de sa grande personne. Aurélien Ferenczi est en effet aussi logique qu'Elisabeth Lévy. Celle-ci dit en gros : que ceux qui affirment qu'il n'y a pas assez de "Diversité" dans les médias, pas assez de Noirs, d'Arabes et d'Asiatiques surtout, nous disent de quoi il y a de trop. Aurélien Ferenczi se sent manifestement mal à l'aise d'être en trop : cela va mieux en le disant.


Notes :

(1) « Thomas Ngijol a le potentiel pour n'être pas qu'un acteur comique. Encore faudrait-il que le cinéma français soit plus ouvert et moins... blanc. »

(2) Par définition, la couleur d'un journaliste est, sauf dans l'audiovisuel, beaucoup moins aisée à connaître que celle d'un acteur, et même d'un réalisateur - pour autant que l'on en ait quoi que ce soit à faire (pour Steve McQueen, peut-être, afin de vérifier que l'acteur est bien mort). Cependant, pour ma part, je ne connais guère que Michaël Mélinard comme journaliste noir s'occupant de cinéma. Il officie dans l'un des hebdomadaires que je lis le plus régulièrement, L'Humanité Dimanche, et au Cercle de Canal +.

http://s.tf1.fr/mmdia/i/65/3/michael-melinard-11012653faene.jpg?v=1

D'autres journaux donnent des leçons qu'ils n'appliquent pas eux mêmes en la matière, comme nous l'avions vu ici.

Plus généralement, j'ai traité de ces absurdes questions de "Diversité" .


Compléments :

(14 août 2014) Et la couleur d'un blogueur de cinéma, importe-t-elle ? Voici qu'à cause des délires d'Aurélien Ferenczi, me frappe l'aspect physique de mon confrère Sidy Sakho.

http://3.bp.blogspot.com/-HoRBExiapyc/T_pX28CEzjI/AAAAAAAAAH0/wYnypPjiCsI/s1600/garden.jpg

(20 juillet 2019) Aurélien Ferenczi vient d'être débarqué de l'hebdomadaire nielo-pigassien suite à des accusations de harcèlement sexuel et moral (qu'il conteste). S'il est innocent, bon courage à lui. Sinon, alea jacta est.

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"...DÉBARRASSÉS DE TOUT SOUCI DE PROMOTION"

7 Novembre 2011, 14:35pm

Publié par Mister Arkadin

http://www.festival-lumiere.org/data/photo/3118.jpgDans un très judicieux éditorial sur la pratique de l'entretien dans la presse cinématographique, notamment dans ses rapports avec la publicité et la critique (thème récurrent, encore plus ancien que l'article fameux « La publicité, la presse », publié par Jean George Auriol, sous le nom d'Amable Jeanson, dans La Revue du cinéma du 1er juillet 1930, « La vie des films. 5 »), Yann Tobin prétend que « les entretiens inclus dans le dossier Jacques Becker » seraient « débarrassés de tout souci de promotion » (Positif, n°608, octobre 2011). Nulle raison de mettre en doute sa bonne foi, quoiqu'elle sonne comme une dénégation. Ce n'est pas parce qu'une page de publicité (la 59) pour le "Grand Lyon Film Festival" d'octobre 2011 (admirons le bel anglicisme) précède le copieux et riche dossier Becker accompagnant la rétrospective que ce festival lui consacre qu'un accord aurait été conclu entre l'Institut Lumière et la revue pour que celle-ci fasse la promotion de celui-ci, à tout le moins indirectement.  D'abord parce qu'il n'est pas illégitime, actualité ou non, de s'intéresser longuement à un bon cinéaste comme Becker (de là à en faire l'égal des plus grands et à le désigner comme "le Patron"... qui pense sérieusement qu'il pourrait détrôner Renoir, auquel l'expression était jusqu'à présent révervée ?), quoique l'insistance avec laquelle l'introduction rappelle que la bibliographie Becker n'est pas très abondante sonne là aussi un peu comme une dénégation (la réalisation de ce dossier n'était certes pas superflue, mais pas non plus de l'urgence la plus impérative). Ensuite parce que, même sans parution dudit dossier, l'Institut Lumière aurait sans doute tout de même publié une page pour son festival dans Positif (qui n'accueille plus que des pages de pub relatives au cinéma, ce qui est un bon point à relever) (1). Toutes ces précautions étant prises, le choix de  Positif d'être depuis peu éditée par l'Institut Lumière (qui s'occupe en particulier de la "Publicité"...) et Actes Sud (l'éditeur des bouquins publiés par l'institut lyonnais) (C5) ne manquera pas de faire constamment peser la suspicion désormais. Certes, Positif ne va pas subitement se mettre à descendre les films de Bertrand Tavernier, alors qu'elle les a toujours défendus, parfois même à juste titre ; elle ne va se mettre à ne plus rendre compte du festival de Cannes, parce que le directeur de l'Institut-Lumière en est également délégué général (en plus d'être l'auteur d'un mémoire d'histoire sur la revue et fréquemment l'auteur de comptes rendus très légèrement complaisants pour les publications de Positif ou celles qui lui sont consacrées) (C3). Elle ne va pas non plus se mettre à faire l'éloge de la programmation au cours des années 2000 de la Quinzaine des réalisateurs. Mais voir celle-ci une nouvelle fois épinglée dans le même numéro d'octobre (page 61), afin de mieux saluer le choix du nouveau programmateur (Edouard Waintrop, critique et cinéphile on ne peut plus estimable, bon blogueur au demeureant) (2) (C2), pourrait faire naître quelques doutes (C4) : dans quelle mesure cette revue pourra-t-elle persister à se prétendre indépendante ? Toutefois, il va de soi que toute suspicion de quelque sorte que ce soit est nulle et non avenue, le directeur de Positif étant, tout le monde le sait (et pour ceux qui ne le sauraient pas, il le proclame suffisamment), un contempteur on ne peut plus convaincant de tout copinage.

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Notes :

(1) Un bon point pour le confort de lecture s'entend, vu qu'il est plus agréable, en feuilletant une revue de cinéma, de tomber sur une page de pub pour une collection de DVD ou la reprise d'un film au Quartier latin que pour le dernier modèle de telle marque automobile (et quand ........ ........., c'était carrément désagréable). Mais, en ce qui concerne l'indépendance de la rédaction, il va de soi que cela se discute.

(2) La preuve qu'il s'agit d'un connaisseur, il rappelle, dans son hommage à Paulette Dubost, que l'un de premiers films de celle-ci fut Le Martyre de l'obèse, l'adaptation du livre de Henri Béraud par Pierre Chenal.


Compléments :

(C1) (31 janvier 2012) « Dans les années 50, le cinéma passa massivement à la couleur. C'est au début de cette décennie que naquit Positif. Pendant les soicante années qui ont suivi, notre revue a fait de nécessité vertu. Pour maintenir notre indépendance, faute de moyens, nous avons conservé le noir et blanc qui est devenu notre identité, une marque de distinction [...]. [...] nos nouveaux éditeurs, Actes Sud et l'Institut Lumière, nous permettent maintenant de réaliser un rêve. Vous avez entre les mains notre premier numéro où les illustrations qui accompagnent les films en couleur reflètent le chatoiement de l'original » (Positif, n°611, janvier 2012, p.1, éditorial, « Positif prend des couleurs » ; c'est moi qui ajoute du noir - seuls les mauvais esprits y verront la couleur du deuil, d'une "identité" et d'une "indépendance").

(C2) (5 février 2012) Lucien Logette, dans sa nécrologie de Mila Parély (Jeune cinéma, n°342/343, décembre 2011 - janvier 2012, p.143), rappelle qu'elle aussi jouait, pour ses débuts au cinéma, dans Le Martyre de l'obèse, film décidément à redécouvrir.

(C3) Gentil coup de chapeau du directeur de Positif à son éditeur dans le n°612 (février 2012, « Bloc-notes : décembre en cinéma », p.52) : « Le conseil d'administration du festival de Cannes reconduit Gilles Jacob dans ses fonctions de président pour trois ans, jusqu'en juillet 2014. Thierry Frémaux, délégué général, voit ses responsabilités accrues (décisions de recrutement, nouvelles orientations, engagements financiers...). Pour la plus grande manifestation du monde, on ne change pas une équipe qui gagne. »

(C4) Des doutes qui surgiront dès qu'un éloge d'un ouvrage publié par l'Institut Lumière et Actes Sud paraîtra très appuyé, même justifié, tel ce paragraphe introductif du compte rendu de La parade est passée... par Jean-Pierre Berthomé : « Si vous ne devez posséder qu'un seul livre sur l'histoire du cinéma muet américain, c'est celui-ci » (Positif, n°612, février 2012, p.67).

(C5) (11 juin 2012) La posture d'éditeur "indépendant" est contestée dans un livre publié récemment par le co-fondateur des éditions Agone (Thierry Discepolo), La Trahison des éditeurs.

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LE CERCLE DES CRITIQUES DISPARUS

9 Mars 2011, 00:05am

Publié par Mister Arkadin

Voici un peu plus de deux ans, j'avais consigné quelques "événements" dans l'histoire de la critique de cinéma dont certains parurent sans nul doute anecdotiques. Celui que je relève aujourd'hui paraîtra peut-être plus insignifiant encore. Il me semble pourtant très significatif du déclin, probablement inexorable, de la critique et de l'amoindrissement continu de l'espace que sont prêts à lui concéder les journaux. 

En octobre dernier, l'hebdomadaire des programmes Pariscope a remplacé sa double page centrale "hit parade" par une unique page qui reprend les mêmes rubriques : "l'avis des critiques" (à la place de la "cotation des critiques"),  le "box office" et le "hit parade du public". Mais autant ces deux dernières restent à peu près inchangées (le box office des douze derniers mois prenant toutefois un peu le pas sur celui de la dernière semaine), la première se voit réduite à la portion congrue. Alors qu'elle occupait les deux tiers de la double page, il n'occupe plus qu'un tiers de l'unique page qui reste ! D'un panel de onze critiques, n'en demeurent plus que six, appelés à se prononcer sur dix films (dont aucune reprise), alors que vingt-huit films (dont quatre reprises) étaient passés en revue précédemment. A quand l'extinction complète de cette espèce en voie de disparition ?


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(cliquer sur les images, puis cliquer de nouveau dessus dans la fenêtre qui s'ouvre pour les agrandir)

(merci à PH pour la documentation).

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AU-DELÀ DES ÉTOILES

23 Février 2011, 00:05am

Publié par Mister Arkadin

Du temps où Jean-Michel Frodon dirigeait Les Cahiers, il était fascinant de voir les "chefs-d’œuvre" fleurir mois après mois dans « Le conseil des dix », jusqu’à trois ou quatre par mois. Depuis son départ, soit la qualité des films a subitement décliné, soit les critiques donnant leur avis sont devenus plus raisonnables. Ainsi, dans le numéro de février 2011, aucun des cinq rédacteurs des Cahiers n’a-t-il jugé le moindre film digne de recevoir quatre étoiles ; deux seulement des cinq autres critiques consultés (Laurent Delmas et Jean-Baptiste Morain) se montrant aussi généreux que possible avec un film (I Wish I Knew et… Comment savoir !). De même dans le numéro de janvier, Sophie Avon était-elle la seule des cinq critiques invités à avoir vu un chef-d’œuvre (Another Year), Stéphane Delorme, rédacteur en chef des Cahiers, distinguant pour sa part Everyone Else.

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Si le spectre des cotations me semble donc un peu plus éclairant, deux bizarreries demeurent toutefois à mes yeux.

En premier lieu, les films sont censés être classés par ordre de préférence des critiques, avec en haut de tableau ceux qui recueillent le plus d’étoiles. Or, certains films se voient surévalués par rapport à la moyenne des étoiles qu’ils reçoivent. Le cas le plus flagrant est celui d’Au-delà, classé en quatrième position alors que seuls deux rédacteurs conseillent le film, un seul franchement qui plus est (trois étoiles pour Vincent Malausa, deux pour Stéphane Delorme) (1), trois autres le déconseillant (une étoile pour Jean-Philippe Tessé et Joachim Lepastier), le seul critique extérieur à la rédaction à l’avoir vu le déconseillant formellement (point noir correspond à « inutile de se déranger »). A contrario, une dizaine de films recueillent plus de suffrages qu’Au-delà, très nettement pour certains (cinq critiques attribuant trois étoiles à Sous toi, la ville et à Le quattro volte), plus également que Somewhere (trois fois trois étoiles seulement et pourtant placé en troisième position). Etre signé Eastwood ou Coppola suffit-il pour être privilégié ? Un film serait-il plus important qu’un autre, bien que moins bon, parce que signé d’un "grand nom" ?

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En second lieu, autant la cote des films récents a baissé depuis l’arrivée d’une nouvelle rédaction, autant la cote des reprises reste au sommet. Ainsi un Welles mineur (La Dame de Shanghai) reçoit-il sept fois quatre étoiles en janvier et un Renoir discutable (Le Journal d’une femme de chambre) en bénéficie quatre fois (sur sept critiques l’ayant vu). La "politique de auteurs" et la surévaluation des "vieux films" ont donc encore de beaux jours devant eux !


Note :

(1) Et encore, Vincent Malausa rétrograde Au-delà de trois à deux étoiles entre janvier et février, le film, dégringolant de la quatrième à la treizième place (quatre nouveaux avis s’avérant de plus assez mitigés). Somewhere subit un sort similaire, passant de la troisième à la onzième place.

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CRITIQUONS LE JANSÉNISME

20 Octobre 2010, 23:05pm

Publié par Mister Arkadin

En 2001, Marc et Pierre Etaix ont publié un livre intitulé Criticons la caméra (Éditions Séguier) qui se moquait gentiment des critiques en réunissant des extraits de presse dans lesquels la personnification de la caméra tenait lieu de discours sur la mise en scène cinématographique. Un exemple : « La caméra, comme une mouette qui se serait posée sur une falaise, a su prendre son temps pour regarder en silence. » Quelques pages laissées vides à la fin de l’ouvrage invitaient le lecteur à y coller ses propres coupures de presse. Contentons-nous d’une seule, tant la moisson serait abondante si on la systématisait : « La caméra de Christophe Ponfilly sait se faire discrète et amicale lorsqu’elle se trouve en face de ces femmes étonnantes, au courage chevillé au corps. »

http://www.critikat.com/IMG/jpg/policier_adjectif.jpg

D’autres lieux communs de la critique pourraient faire l’objet de florilège du même type. La page « Rions un peu… » du site de la très sérieuse bibliothèque de la société de Port-Royal, qui recense les mésusages de la référence au jansénisme et à Blaise Pascal, m’incite à suggérer un inventaire de toutes les occurrences de ce thème sous la plume des critiques, mis un peu à toutes les sauces et la plupart du temps péjoratives (car synonymes d’ennui), hormis quand il est question de Bresson (et encore…). Un seul exemple pour aujourd’hui, une description Policier, adjectif, film jugé « assommant » car un « bref dénouement » est « précédé par une préparation d’artillerie démesurée, qui nous fait suivre interminablement Cristi dans les détails d’une enquête insipide, dans une Roumanie à la grisaille de cauchemar ». Le critique en conclut : « Du cinéma janséniste de la pire espèce ».

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OÙ SE NICHE LA CRITIQUE ?

2 Mai 2010, 23:11pm

Publié par Mister Arkadin

http://filmgeek.fr/wp-content/uploads/2010/02/Greenberg.jpg

Pour se déprendre de l’idée reçue selon laquelle l’une des preuves de la décadence de la critique serait la complaisance de la presse envers la majorité des films, je conseille, non seulement la page Cinéma de Laurent Dandrieu dans Valeurs actuelles, une nouvelle fois remarquable les 22 et 29 avril (enfin un qui règle leur compte au "ricanants" Delépine et Kervern !) (1), mais les deux pages « Cinéma » de la section « Tentations Culture » du supplément « Styles » de L’Express. Il faut certes en vouloir pour aller la dénicher au milieu des photos de mode et des pubs sur papier glacé, mais on est rarement déçu. Le 29 avril, seul Greenberg, jugé « bon », trouve grâce aux yeux de J.W., C.Ca. et E.L. (respectons la modestie de l’équipe Cinéma en question). Un autre, Tengri, le bleu du ciel, est jugé « pas mal ». Cinq ne sont que « passables » (Life During Wartime, London Nights, Lenny & the Kids, Mourir comme un homme et The Invention of Lying) et un dernier s’attire carrément un « non ! ». Ne nous étonnons-nous donc pas que ces appréciations ne soient pas mises en vedette dans L’Express même et soient relégués à l’écart !


Note :

(1) Laurent Dandrieu, en plus d’un excellent critique de cinéma, est un journaliste avisé dont les défenses de l’Église catholique face à la curée dont il est l’objet sont d’une précision et d’une pertinence admirables (aussi fut-il le plus perspicace réfutateur du film Amen voici quelques années) :

- « Pie XII et les juifs : une injustice qui a la vie dure », 21 janvier 2010 ;

- « Pédophilie : pourquoi on veut éclabousser le pape », 8 avril 2010.

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PROJECTION DE LA CRITIQUE

13 Avril 2010, 23:10pm

Publié par Mister Arkadin

Dans sa remarquable étude La Théorie de l’art au risque des a priori (L’Harmattan, 2004), Daniel Serceau a montré à quel point les résumés de films donnés par les théoriciens et critiques de cinéma étaient bien souvent biaisés afin de correspondre aux préjugés de l’auteur, à ses constructions intellectuelles. Il en appelait à une relecture plus minutieuse des films, à un souci de vérification constant, afin de se déprendre des idées préconçues qui font littéralement écran entre le spectateur-analyste et les films.

Ainsi pourrait-on multiplier les exemples d’erreurs factuelles dans les résumés de films fournis par la presse. Beaucoup ne sont que de détails. Mais certaines dénaturent le sens des films ou orientent le sens suivant les projections mentales du critique.

Trois beaux exemples pour aujourd’hui, tirés de l’hebdomadaire Télérama.

http://www.cinema-francais.fr/images/affiches/affiches_c/affiches_chenal_pierre/la_foire_aux_chimeres.jpg

Dans le n°2512 du 4 mars 1998 (p.104), Aurélien Fereczi raconte l’histoire du film de Pierre Chenal La Foire aux chimères : « Défiguré depuis la guerre, Frank Davis dirige une entreprise de gravure de billets de banque. Il tombe amoureux de Jeanne, une jeune aveugle, partenaire d’un lanceur de couteaux de fête foraine. Il l’épouse et, pour financer l’opération qui lui rendra la vue se met à fabriquer de la fausse monnaie… »

Lui rendre la vue ? Jamais de la vie ! Le personnage, interprété par Erich von Stroheim, redoute au contraire que sa femme retrouve la vue et se détourne de lui une fois qu’elle aura vu à quoi il ressemble ! Aussi est-ce à l’insu de son mari que l’aveugle se fait opérer ! Bref, le contresens est complet.

Plus récemment, dans le numéro 3126 (9 décembre 2009, p.50), Juliette Bénabent parle, à propos de Qu’un seul tienne et les autres suivront du « portrait d’une adolescente qui découvre l’amour au côté d’un voyou », puis de « la peinture de l’amour naissant entre un jeune voyou et une adolescente de bonne famille ». Un voyou ? Où a-t-elle vu cela ? Les seuls actes du personnage qui lui attirent des ennuis avec la police sont ses tentatives d’obstruction lors d’expulsions de squatters et de clandestins. Est-ce devenu répréhensible pour Télérama ? Cela se saurait… « Une adolescente de bonne famille » ? Sur quel élément la journaliste s’est-elle fondée pour déduire la classe sociale du personnage ? Se serait-elle projetée dans l’histoire en trouvant bien romantique cette romance, conforme au cliché, entre le voyou et la fille de bonne famille ? Cela correspond-il à un fantasme personnel ?

http://www.kessel.tv/wp-content/uploads/2010/01/soul_kitchen_plakat1-500x706.jpgDernier exemple, dans le numéro 3140 (17 mars 2010, p.55), le compte rendu du savoureux Soul Kitchen est intitulé « Toques de Turcs » parce que le personnage principal en serait « un immigré turc » tenant un restaurant à Hambourg. Que le réalisateur du film, Fatih Akin, soit d'origine turc, implique-t-il que son héros, Zinos (interprété par Adam Bousdoukos), le soit forcément ? Or, justement, il est d'origine grecque ! Légère confusion...  

Je viens de pointer du doigt trois erreurs de journalistes, en ayant bien conscience de l’injustice que je commets à leur égard, étant persuadé que j’en commettrais tout autant si j’étais à leur place. Peut-être est-ce pour cela, qui sait, que je rechigne si souvent à résumer les films dont il m’arrive de parler. Parce que ma façon de les raconter pourrait en dire encore plus sur moi-même que les jugements que je porte sur eux ? 


Compléments :

- (22 août 2010) : dans L'Express du 16 juin 2010 (p.23), la pigiste pour revues d'économie de l'Année bissextile est devenue une étudiante ;

- (2 septembre 2010) : la substitution de sperme dans Une famille si moderne est délibérée dans le résumé donné par Télérama, beaucoup moins dans le film ;

- (20 septembre 2010) : le pacte tacite entre les deux couples de Happy Few serait conclu lors de la première soirée passée ensemble, après lecture à haute voix d'une dédicace, selon Les Échos du 15 septembre 2010 (p.15) ;

- (19 janvier 2011) : l'accident de l'acteur de Somewhere serait pour sa fille « l'occasion de passer quelque temps auprès de lui », selon Positif de janvier 2011 (n°599, p.28) ;

- (5 octobre et 6 novembre 2011) : "The Driver" ne suit pas un match de football (cf. Critikat.com), ni de baseball (Philippe Rouyer, Positif, n°608, octobre 2011, p.7), et n'enfile donc pas une casquette des Dodgers (cf. Les Inrockuptibles), mais des Clippers ; 

- (17 octobre 2011) : Le psychanalyste joué par Nanni Moretti dans Habemus papam ne fait pas jouer les ecclésiastiques au handball, contrairement à ce qu'écrivent Les Inrockuptibles (7 septembre 2011, p.72), mais au volley ;

- (17 décembre 2011) : « A distance respectable des forces de l'ordre, Marcel assiste à l'ouverture du caisson, occupé par des Africains », dans Le Havre d'Aki Kaurismaki, selon Positif de décembre 2011 (n°610, p.32) ;

- (23 mars 2012) : ce n'est pas un ado qui met le feu à sa ville avec un lance-flammes dans Projet X, comme l'écrit Jacky Golberg dans Les Inrockuptibles du 21 mars 2012, mais un dealer adulte ; 

- (18 avril 2012) Le personnage qui donne son titre au film israëlien Le Policier n' « admire son reflet dans le miroir, avec son bébé dans les bras » (Pierre Murat, Télérama, n°3246, 28 mars 2012, p.69), mais avec le bébé d'un ami, pour se représenter ce à quoi il ressemblera une fois que sa femme, encore enceinte, aura accouché ;

- (31 décembre 2014) Terre battue raconterait l'histoire d' « un chômeur prêt à tout pour faire triompher son fils tennisman », selon Positif de novembre 2014 (n°645, p.32) et plusieurs autres gazettes et canards.

- (2 février 2015) « le tueur de jeunes filles de l'est de Paris  », selon Positif de janvier 2015 (n°647, p.37, à propos de L'Affaire SK1), qui voit donc en Guy Georges un pédophile, en plus d'avoir été un violeur et un assassin en série.

- (14 mars 2015) « Jadis superstar de blockbusters [...], Riggan Thomson cherche à relancer sa carrière [...]. Aux antipodes de l'image qu'il véhiculait naguère, citant désormais Barthes et Flaubert à la moindre occasion, il veut mettre et interpréter à Broadway une pièce de Raymond Carver, Parlez-moi d'amour. But : se racheter une conscience d'artiste véritable, exigeant» Description caricaturale, par Jean-Christophe Buisson (Le Figaro Magazine, 20 février 2015, p.78), du personnage interprété par Michael Keaton, Barthes étant cité par un journaliste qui l'interroge, suscitant la gêne de Riggan Thomson (provoquée aussi une autre journaliste, qui ignore qui est Barthes). 

- (10 août 2016) « Issue d’une famille bourgeoise, Marie a acheté seule leur logement ; d’un milieu modeste, Boris l’a entièrement rénovée et estime lui avoir donné sa valeur. Elle lui concède un quart de son prix. Il en réclame la moitié » (La Croix, 10 août 2016). Ce n'est pas le quart, mais le tiers qu'elle lui concède (plus 20.000 euros au bout d'un moment), dans L'Économie du couple.

- (21 septembre 2016) « [le] mannequin de The Neon Demon interprété par Elle Fanning qui dévore ses collègues anorexiques » (Michel Ciment, Positif, n°665-666, juillet-août 2016, p.81).

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LES CONSEILS DE UN

1 Mars 2009, 14:53pm

Publié par Mister Arkadin

« Le Conseil des dix », en dernière page des Cahiers du cinéma, me laisse presque systématiquement perplexe. J'envie par exemple la chance qu'a Jean-Michel Frodon de voir au moins quatre ou cinq chef-d'œuvres tous les mois que fait le Dieu des cinéphiles. Dans le dernier numéro, le 643, de mars 2008, je ne vois pas trop l'intérêt que figure Un lac, film de Philippe Grandrieux qu'un seul des dix sages consultés a été capable d'évaluer. Deux fois plus en ce qui concerne Une nuit à New York, Nord paradis et Un tir dans la tête. Trois fois pour Delta et quatre fois plus pour deux autres films. Soit sept films sur dix-neuf qui ont été vus par moins de la moitié des dix juges suprêmes de la critique. Ne serait-il pas plus judicieux de donner leurs avis sur des films sortis les semaines précédentes et encore à l'affiche (par exemple, Eden à l'ouest, Élève libre et Les Noces rebelles, voire The Watchmen) ?

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SUBORNATION DE LA CRITIQUE

11 Février 2009, 12:07pm

Publié par Mister Arkadin

J'avais d'abord intitulé « Subordination de la critique » ce papier, pour faire suite à celui que j'avais consacré aux « critiques auxiliaires du marketing ». Le terme « subornation » m'a paru encore plus approprié pour désigner l'usage que les placards publicitaires font de citations des critiques avant même la sortie des films. J'avais déjà pointé ce phénomène dans « "Envie d'aimer", à l'avance ? ». Je n'oserais certes parler de « corruption » ; je m'étonne cependant que les promoteurs du dernier Danièle Thompson puissent claironner « le coup de cœur de la presse ! » alors que Le code a changé ne sort que mercredi prochain. Passons sur la citation de Studio Cinelive, un mensuel rendant compte des films le mois précédant leur sortie. Par contre, Version femina et Le Point transmettent-ils leurs critiques aux distributeurs avant même qu'elles paraissent dans ces hebdomadaires ? Idem pour Le Figaro, à propos de ce film qui n'a, sauf erreur, pas été montré dans un festival. Ces citations proviennent-elles de reportages sur le tournage du film ? Si c'est le cas, ces reportages comportent donc des jugements de valeur sur un film pas encore achevé. Je me pers en conjectures. Ma seule certitude est que la critique ne me semble pas prête de redorer son blason en acceptant ce genre de pratiques.

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CRITIQUE ET OPINION

28 Décembre 2008, 00:02am

Publié par Mister Arkadin

Lu, dans le supplément « spécial numéro 20 000 » du Parisien (24 décembre 2008, p.XX), les propos suivants : « J'apprécie la plupart des rubriques. En revanche, je ne lis jamais les critiques de cinéma, quel que soit le journal ou le magazine. Pour juger de la qualité d'un film, je veux me faire ma propre opinion » (Tomer Sisley, acteur). Est-il impossible de se faire sa "propre" opinion en connaissant celle d'autrui (j'imagine que Tomer Sisley demande aussi à se proches de ne jamais lui conseiller aucun film, afin de conserver sa liberté de juger) ? Une opinion doit-elle s'abstenir d'être confrontée à une autre pour demeurer indépendante ? Le critique est-il seulement un prescripteur, un juge de la qualité d'un film ? N'a-t-il aucune fonction d'analyse (quitte à le lire après avoir vu un film) ? Et si Tomer Sisley ne lit rien sur les films dans les journaux et magazines, lit-il des études plus approfondies en revue (ou livre) ? Bizarre en tout cas, quoique assez répandue, cette défiance vis-à-vis de la critique, et plus particulièrement de la critique de cinéma.

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