CRITIQUONS LE JANSÉNISME
En 2001, Marc et Pierre Etaix ont publié un livre intitulé Criticons la caméra (Éditions Séguier) qui se moquait gentiment des critiques en réunissant des extraits de presse dans lesquels la personnification de la caméra tenait lieu de discours sur la mise en scène cinématographique. Un exemple : « La caméra, comme une mouette qui se serait posée sur une falaise, a su prendre son temps pour regarder en silence. » Quelques pages laissées vides à la fin de l’ouvrage invitaient le lecteur à y coller ses propres coupures de presse. Contentons-nous d’une seule, tant la moisson serait abondante si on la systématisait : « La caméra de Christophe Ponfilly sait se faire discrète et amicale lorsqu’elle se trouve en face de ces femmes étonnantes, au courage chevillé au corps. »
D’autres lieux communs de la critique pourraient faire l’objet de florilège du même type. La page « Rions un peu… » du site de la très sérieuse bibliothèque de la société de Port-Royal, qui recense les mésusages de la référence au jansénisme et à Blaise Pascal, m’incite à suggérer un inventaire de toutes les occurrences de ce thème sous la plume des critiques, mis un peu à toutes les sauces et la plupart du temps péjoratives (car synonymes d’ennui), hormis quand il est question de Bresson (et encore…). Un seul exemple pour aujourd’hui, une description Policier, adjectif, film jugé « assommant » car un « bref dénouement » est « précédé par une préparation d’artillerie démesurée, qui nous fait suivre interminablement Cristi dans les détails d’une enquête insipide, dans une Roumanie à la grisaille de cauchemar ». Le critique en conclut : « Du cinéma janséniste de la pire espèce ».