Site personnel de Pascal Manuel Heu, consacré à ses publications, au cinéma et à la critique. Page complémentaire : https://www.facebook.com/Mister-Arkadin-1041074065975069/
Alouette, je te plumerai(1987) est diffusé en ce moment sur les chaînes du bouquet Cinécinéma Star. Ce film a été réalisé en 1987 par Pierre Zucca, cinéaste auquel Éric Rohmer a récemment rendu hommage en menant à bien une adaptation de l’Astrée d’Honoré d’Urfé que Zucca avait dû abandonner.
C’est l’occasion de revenir rapidement sur l’exposition de la Mairie de Paris qui a fait tant scandale, parce qu’elle aurait « perpétué la propagande nazie ». Le fauteur de trouble n’est autre que le père de Pierre Zucca, André Zucca, dont les photos en couleurs prises à Paris sous l’Occupation auraient dû, selon les contempteurs de l’expo, être plus explicitement dénoncées dans les panneaux explicatifs les accompagnant.
Moult arguments ont été échangés de part et d’autre, et les organisateurs de l’exposition ont dû revoir leur copie pour apaiser quelque peu la fureur des autorités municipales. Il a notamment été jugé naïf par les spécialistes de la photo de considérer que des images parlaient par elles-mêmes et qu’une contextualisation rigoureuse n’était pas indispensable. Sans doute. Deux remarques cependant :
- la photo que je reproduis ci-contre, par exemple, ne fait-elle déjà pas suffisamment froid dans le dos à elle seule, sans qu’il soit nécessaire d’en rajouter par un commentaire redondant ?
- il est surprenant de constater à quel point plus les enfants de France accèdent de plus en plus aisément et en plus grand nombre à l’enseignement supérieur, plus l’éducation pour tous est prolongée indéfiniment, plus il est jugé indispensable de nous abreuver d’explications en tous genres (Renaud Camus remarque ainsi qu’aucun nom ne peut quasiment être cité dans la presse sans que soit précisé de qui il s’agit), plus l’ignorance est supposée, plutôt que la connaissance, de même que les ouvrages de sciences humaines se vendent infiniment moins que dans les années 1970, avant la massification de l’éducation.
Information et liens complémentaires :
- La revue Vertigo publie un dossier sur Pierre Zucca dans son dernier numéro.
Complément (25 août 2009) : Daniel Cordier a été interrogé sur cette exposition dans l'entretien qu'il a accordé récemment à l'émission "Arrêt sur images". Il s'est dit pas du tout choqué, y reconnaissant très bien Paris tel qu'on pouvait la voir à l'époque. Pour ceux qui ne seraient pas abonnés à ASI, voici un extrait de ses propos (tels que retranscrits sur le site d'ASI) :« Avant 1943, je n'ai jamais vu une arrestation ! On ne voyait rien. La vie était normale : les Champs-Élysées, Opéra, la Madeleine étaient des quartiers riches, où les gens étaient aux terrasses des cafés et dépensaient beaucoup d'argent. [...] Ces photos m'ont remis en mémoires des choses qui étaient très vivantes : Paris était comme ça. Les gens vivaient... »
Le président du Front national et député européen Jean-Marie Le Pen a prétendu ce matin sur France Inter (le « sept dix ») que son échec à la dernière présidentielle était dû à son choix de dire la vérité aux Français plutôt que de les caresser dans le sens du poil, comme l’auraient fait les autres candidats, en particulier celui qui a finalement été élu.
Un site sur le cinéma n’est pas le lieu pour attribuer des bons ou des mauvais points à quelque homme politique que ce soit, au moins en matière de conduite du pays, de campagne électorale ou d'instrumentalisation du passé, au sujet de ses prises de positions en matière d’économie, de politique étrangère, de plus ou moins grande ouverture des frontières (aux hommes ou aux capitaux), etc.
En revanche, il n’est pas inintéressant de relever de temps en temps ce que les hommes politiques déclarent quand ils sont interrogés sur tel ou tel film. Non que leur manière d’aborder le cinéma soit forcément révélatrice, mais cela donne tout de même quelques indices précieux. Ainsi Jean-Marie Le Pen, interrogé sur la bannière sur les Ch’tis qui a valu au PSG l’opprobre nationale, a-t-il considéré que, pour idiote qu’elle fût, cette bannière ne l’était pas plus que bien d’autres et que le scandale qu’elle a provoquée avait en grande partie été gonflé par une campagne médiatique quelque peu suspecte (1). D’autant qu’elle était surtout due à l’engouement pour un mauvais film à ses yeux, donnant une image caricaturale des gens du Nord. Jean-Marie Le Pen a ajouté que l’immense succès de Bienvenue chez les Ch’tis était hélas un signe de plus de la décadence orchestrée de la culture et du peuple français.
Ces propos peuvent être jugés stupides, insultants, inappropriés ; ils peuvent être condamnés de quelque manière que l’on veut. N’ayant toujours pas vu le film en question, je ne puis pour ma part me prononcer. Mais, à tout le moins, on ne peut leur reprocher d’être démagogiques, car, si Jean-Marie Le Pen voulait se réconcilier avec les électeurs qui l’ont lâché et en gagner d’autres à faible coût, il devrait assurément s’abstenir de tels propos, qui ne flattent pas l’électorat populaire qu’on lui prête, c’est le moins qu’on puisse dire ! Dès lors, force est de constater que Le Pen, au moins sur ce sujet, dit vrai quand il prétend préférer dire aux Français la vérité (la sienne en tout cas), plutôt que de les flatter et de brider sa liberté d’expression.
Encore une fois, on peut fort bien ne pas partager les opinions de quelqu’un, voire les condamner fermement, sans lui faire des reproches qu’il ne mérite pas. Ainsi Jean-Marie Le Pen peut-il éventuellement être taxé de xénophobie (puisqu’il souhaite étendre la préférence nationale, qui existe déjà dans la fonction publique et dans le système protectionniste dont bénéficient les cinéastes français, majoritairement immigrationnistes, par l'intermédiaire du fonds de soutien), mais pas de racisme (puisqu’il s’oppose à la discrimination positive que prônent ses adversaires politiques, et voudrait que tous les Français, quelles que soient leur race, leur religion, leur origine sociale, soit traités de la même façon). Ainsi, autant peut-il éventuellement être taxé de stupidité, de cinéphobie ou d’aveuglement en matière de cinéma, autant ne peut-il pas être taxé de démagogie dans l’expression de ses goûts cinématographiques.
Note et lien complémentaire :
(1) L'extrait peut être écouté sur le site que La Voix du Nord consacre au film.
- Intéressante chronique de Cyril Lemieux sur cette affaire, dans le cadre de l'émission«La Suite dans les idées»(sur France Culture, le 20 mai 2008).
(2)(23 septembre 2008) J’utilise abondamment, et sans doute excessivement, adverbes, locutions adverbiales et adjectifs, bien que je n’ignore pas que maints stylistes en déconseillent l’usage ou conseillent de ne les utiliser qu’avec la plus extrême parcimonie. Il en est cependant quelques-uns dont je méfie : évidemment, bien entendu, bien sûr ; tous ceux qui s’apparentent au « c’est-vrai-qu’isme » analysé par Renaud Camus. Résumons grossièrement : ce souci de souligner l’évidence et la vérité de ce que l’on énonce n’est-il pas le signe que l’on en doute, que le statut même de la vérité devient incertain ? Ce que je me permets d’appeler, en m’inspirant de Camus, l’ « évidemmentisme » peut aussi être une manière de se couvrir en assénant comme une vérité indiscutable un lieu commun dont tout indique par ailleurs que l’on en doute ou que l’on devrait en douter, ce que l’on ne pourrait se permettre de faire car cela ne siérait pas au "politiquement correct". Un cas flagrant dans l’entretien, assez intéressant au demeurant, que Louis-Georges Tin, porte-parole du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), a donné au Monde (21-22 septembre 2008, p.14) : « Les [mouvements racistes] ne parlent guère de la question noire ; ce qui est fondamental à leurs yeux, c’est la question nationale : le Front national est national. Il invoque "la préférence nationale", pas la suprématie blanche. Il s’intéresse à l’identité nationale et aux immigrés, qui sont souvent noirs, mais ce n’est pas en tant que tel qu’il s’intéresse à eux (ce qui ne veut pas dire que le FN ne soit pas raciste, évidemment). Or les antiracistes ne parlent pas davantage de la question noire, puisque, comme ils le disent, il n’y a pas de race noire. Donc pour des raisons tout à fait différentes, cette question a été délaissée en France à la fois par les mouvements racistes et les mouvements antiracistes. » C’est moi qui souligne cet étrange « évidemment », qui s’applique à une affirmation que le reste de la démonstration de Louis-Georges Tin vient de contredire (puisque, tout au plus, les points de vue du Front national qu’il synthétise devraient l’amener à parler d’un « mouvement xénophobe ») !
« Depuis sa sortie, Histoires à ne pas dire suscite la polémique. Ce film concentre les critiques d’historiens de la guerre d’Algérie. » Ainsi commence l’article sur le film de Jean-Pierre Lledo, en page 12 du numéro de Télérama paru hier. De fait, l’article est au deux tiers constitué par quatre longues citations, Thierry Leclère ne faisant qu’en reprendre, dans le reste de l’article, les arguments et termes (comme le titre de l’article, « La guerre des mémoires », repris de la dernière citation), de sorte qu’il aurait tout aussi bien pu publier son papier sous forme d’un entretien avec les historiens rencontrés. Les historiens ? Ceux qui auraient donc concentré leurs critiques sur Histoires à ne pas dire. À y regarder de plus près, on se rend vite compte que, si concentration il y a, c'est parce que les historiens en question se réduisent au seul Benjamin Stora, Monsieur-Guerre-d’Algérie en France, presque systématiquement interrogé sur la question. De là à ce qu’il devienne les « historiens », il y avait un pas que les médias dominants n’avaient pas tout à fait encore franchi. Je ne nie pas que Benjamin Stora puisse être un universitaire ayant un avis digne d’intérêt, mais qu’il ait fini par être érigé en arbitre suprême, en autorité officielle chargée de dire la vérité historique m’inquiète quelque peu, d’autant qu’il ne manque pas d’historiens pour avoir des avis différents des siens, contrairement à ce que l’on semble chercher à nous faire accroire.
Il faudrait étudier un jour plus en détails la façon dont les historiens sont convoqués par les médias pour commenter les films, comment, la plupart du temps, ils sont choisis en fonction de l’avis préalable que le journal se fait du film en question, sur des critères au moins autant idéologiques que scientifiques. Ce fut particulièrement flagrant lors de la sortie du film de Tavernier Laissez-passer. Mais l’intervention des historiens (et plus largement des "savants", universitaires ou "experts") dans la réception critique des films mériterait d’être analysée en ce qui concerne bien d’autres, d’Amen à La Passion du Christ, de L’Anglaise et le duc à La Chute. Ce sera l’objet d’un prochain ouvrage, comme aurait dit Jean-Paul.
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Complément (15 juillet 2015) : Extrait du bulletin de ré-information de Radio Courtoisie du 23 avril 2015 (« Le bobard historique du jour ») :
« Le 17 avril dernier sur Europe 1, dans un débat sur les massacres d’Algériens à Sétif, le 8 mai 1945, le journaliste Serge July a évoqué la responsabilité « des fascistes et de Vichy », oubliant que le régime de Vichy n’existait plus depuis 9 mois et que le chef du gouvernement était alors le général de Gaulle.
Persistant dans son ignorance, Serge July parle de « dizaines de milliers de morts » alors que la plupart des estimations ne dépassent pas plusieurs milliers.
Présent à cette émission, Benjamin Stora, historien pourtant spécialiste de cette période, n’a pas relevé la libre multiplication par dix du nombre de répressions françaises. Tout comme on parle de 6 000 morts, en 1946, à Haiphong alors qu’il y en a eu 600.historiens »
Une fois n'est pas coutume, le magazine Les Inrockuptibles publie un texte intéressant cette semaine (n°639, 26 février 2007). C'est dans son courrier (p.6) qu'il faut aller le chercher, sous le titre "Vertigo de l'amour". Il est signé "Unholy Ghost" et fait une analogie entre les aventures de Nicolas et celles de Scottie, le personnage interprété par James Stewart dans Sueurs froides d'Alfred Hitchcock, le double rôle de Kim Novak étant interprété successivement par Cecilia et Carla Sarkozy. Le papier n'est guère flatteur pour cette dernière et espérons pour elle que son histoire ne se termine pas comme celle du film, qui continue plus que jamais à stimuler les exégètes et à éclairer nos vies sentimentales.