LES HISTORIENS EXPERTS DU CINÉMA

« Depuis sa sortie, Histoires à ne pas dire suscite la polémique. Ce film concentre les critiques d’historiens de la guerre d’Algérie. » Ainsi commence l’article sur le film de Jean-Pierre Lledo, en page 12 du numéro de Télérama paru hier. De fait, l’article est au deux tiers constitué par quatre longues citations, Thierry Leclère ne faisant qu’en reprendre, dans le reste de l’article, les arguments et termes (comme le titre de l’article, « La guerre des mémoires », repris de la dernière citation), de sorte qu’il aurait tout aussi bien pu publier son papier sous forme d’un entretien avec les historiens rencontrés. Les historiens ? Ceux qui auraient donc concentré leurs critiques sur Histoires à ne pas dire. À y regarder de plus près, on se rend vite compte que, si concentration il y a, c'est parce que les historiens en question se réduisent au seul Benjamin Stora, Monsieur-Guerre-d’Algérie en France, presque systématiquement interrogé sur la question. De là à ce qu’il devienne les « historiens », il y avait un pas que les médias dominants n’avaient pas tout à fait encore franchi. Je ne nie pas que Benjamin Stora puisse être un universitaire ayant un avis digne d’intérêt, mais qu’il ait fini par être érigé en arbitre suprême, en autorité officielle chargée de dire la vérité historique m’inquiète quelque peu, d’autant qu’il ne manque pas d’historiens pour avoir des avis différents des siens, contrairement à ce que l’on semble chercher à nous faire accroire.
Il faudrait étudier un jour plus en détails la façon dont les historiens sont convoqués par les médias pour commenter les films, comment, la plupart du temps, ils sont choisis en fonction de l’avis préalable que le journal se fait du film en question, sur des critères au moins autant idéologiques que scientifiques. Ce fut particulièrement flagrant lors de la sortie du film de Tavernier Laissez-passer. Mais l’intervention des historiens (et plus largement des "savants", universitaires ou "experts") dans la réception critique des films mériterait d’être analysée en ce qui concerne bien d’autres, d’Amen à La Passion du Christ, de L’Anglaise et le duc à La Chute. Ce sera l’objet d’un prochain ouvrage, comme aurait dit Jean-Paul.
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Complément (15 juillet 2015) : Extrait du bulletin de ré-information de Radio Courtoisie du 23 avril 2015 (« Le bobard historique du jour ») :
« Le 17 avril dernier sur Europe 1, dans un débat sur les massacres d’Algériens à Sétif, le 8 mai 1945, le journaliste Serge July a évoqué la responsabilité « des fascistes et de Vichy », oubliant que le régime de Vichy n’existait plus depuis 9 mois et que le chef du gouvernement était alors le général de Gaulle.
Persistant dans son ignorance, Serge July parle de « dizaines de milliers de morts » alors que la plupart des estimations ne dépassent pas plusieurs milliers.
Présent à cette émission, Benjamin Stora, historien pourtant spécialiste de cette période, n’a pas relevé la libre multiplication par dix du nombre de répressions françaises. Tout comme on parle de 6 000 morts, en 1946, à Haiphong alors qu’il y en a eu 600.