Mister Arkadin

SEXE ET BB

6 Février 2012, 00:01am

Publié par Mister Arkadin

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Dans son dernier ouvrage sur « les pornocrates », dans lequel il propose une « histoire du ciné X français par celles et ceux qui l’ont fait » (1), Jacques Zimmer revient sur les accusations de pornographe qui entachèrent la réputation du producteur Bernard Natan (page 37). À propos de ce qu’il qualifie d’ « "affaire" vague et insignifiante de 1911 » ayant tout de même suscité une rumeur persistante, Zimmer, après avoir posé une bonne question (« pour ce qui me concerne : "et alors ?" ») (2), de manière incidente (entre parenthèses seulement), il écrit que « [sa] première mention semble être celle de Maurice Bardèche et Robert Brasillach » (dans leur Histoire du cinéma de 1935). Zimmer a plus clairement laissé entendre sur France Culture (émission « Mauvais genres » du 29 octobre 2011) qu’il était logique que ce soit des journalistes d’extrême-droite qui ait colporté cette campagne de presse calomnieuse, dont la dimension antisémite ne serait pas absente (3).

Or, en se reportant à la source principale de Zimmer sur le sujet, le livre d’André Rossel-Kirschen (4), on remarque assez vite qu’autant Bardèche et Brasillach y sont mentionnés plusieurs fois parmi les nombreux historiens du cinéma qui ont accrédité l’idée que Bernard Natan aurait été un producteur véreux, ils ne sont jamais cités parmi les dénonciateurs du Natan pornographe, y compris pendant l’Occupation. S’ils ne sont certainement pas les principaux propagateurs de cette réputation, ils n’en sont assurément pas les inventeurs, puisqu’elle avait fait l’objet de nombreux échos dans la presse corporative (Le Courrier cinématographique en particulier), mais aussi de la presse générale, la presse financière en ayant fait ses choux gras dès le début des années 1930 (notamment l’hebdomadaire de Marthe Hanau Forces et Le Flambeau financier en janvier 1931).

Plus surprenant encore, les pages que consacrent Bardèche et Brasillach aux films égrillards des débuts du cinéma ne sont pas dénués d’indulgence, voire de nostalgie (je reproduis volontairement l’édition de 1943, celle que l’on aurait pu pensé la plus susceptible de stigmatiser l’immoralité et le juif Natan) :

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Notes :

(1) Histoires du cinéma X - Par celles et ceux qui l'ont conçu, produit, interprété ou commenté, Paris, Nouveau Monde Éditions, 1er septembre 2011, 448 p.

(2) Je me suis en effet toujours demandé pourquoi les biographes et descendants de Bernard Natan dénonçaient avec tant de virulence la rumeur selon laquelle celui-ci aurait joué dans des films pornographiques (qu’il aurait tout mis en œuvre pour faire disparaître une fois devenu un notable respectable et puissant dans les années 1930, la circulation de ces films alimentant les opérations de chantage dont il aurait été victime). Autant on peut comprendre qu’ils veulent tordre le coup à la réputation de margoulin de Bernard Natan, à des fins de réhabilitation, autant je comprends mal pourquoi sa réputation de pornographe les mets si mal à l’aise, comme si la seconde rendait probable la première : par un de ces renversements dont l’Histoire est coutumière, la seconde ne le rendrait-il pas dorénavant sympathique ?

(3) Il est ironique que Zimmer, a contrario, prétende que personne ne contesterait que ce fut à juste titre que Natan fut condamné pour escroquerie. Notons d’ailleurs que la presse d’extrême-gauche propage encore cette idée, comme le faisait Michel Boujut, parlant de « juif roumain » et « escroc notoire » dans Charlie-Hebdo (7 décembre 1994).

(4) Pathé Nathé la véritable histoire. Contribution à l’avènement du cinéma parlant en France, Les Indépendants du 1er siècle / Pilote 24 Éditions, 2004, 302 p.