LA PRÉFÉRENCE POUR LE NON-DIT
« Ni ultralibéral comme Hollywood, ni étatique comme l’était le cinéma soviétique ou nazi, notre système est un modèle d’équilibre entre l’art, le commerce et la régulation de la puissance publique, qui a permis au cinéma français (et à de grands cinéastes internationaux) de prospérer », Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 9 janvier 2013, p.75, « Zizanie ».
« "Le danger de cette tribune, qui part d’une réalité concrète, c’est la confusion qui y est faite sur le rôle des subventions publiques, affirme le cinéaste et producteur Robert Guédiguian (Les Neiges du Kilimandjaro). Lorsque l’on dit que les acteurs sont riches de l’argent public, c’est faux et ça alimente les fantasmes sur un milieu de privilégiés, assis sur les impôts des gens. Il faut rappeler le génie du système vertueux français, qui repose sur l’autofinancement et le fonds de soutien du CNC." », propos reproduits par Romain Blondeau , Les Inrockuptibles, 9 janvier 2013, p.12, « La couleur de l'argent ».
J'ai surligné deux passage de ces analyses, ultra conventionnelles, par un critique et un cinéaste "de gauche", dans une gazette "de gauche", pour rappeler un point sur lequel tout le monde, si je ne me trompe, s'est gardé d'attirer l'attention durant la grande polémique qui vient de se dérouler sur le financement du cinéma français. Pourquoi était-il indispensable, pour Kaganski, d'ajouter cette petite parenthèse ? Parce qu'il lui fallait subrepticement tempérer le fait que le système français, si "vertueux", ne repose pas seulement sur "l'autofinancement" et un "fonds de soutien du CNC", mais sur la préférence nationale, tant honnie par les mêmes et par les artistes français, en grand majorité sans-papiéristes et antilepénistes, quand il est question d'appliquer ce principe à d'autres secteurs que "l'exception culturelle" dont ils profitent. En effet, une part des recettes de chaque film, qu'il soit étranger ou français, est prélevée, pour être automatiquement reversée exclusivement aux producteurs de films français. En clair, Men in Black finance Maraval. Comme si, en achetant une paire de Nike, vous contribuiez au financement par Le Coq sportif de ses prochaines productions ou si acheter une Wilson permettait à Babolat de préparer la nouvelle raquette de Nadal (je ne suis pas là de parti pris, puisque je joue avec une Babolat...).
On peut être pour ou contre ce principe, là n'est pas la question, mais camoufler qu'on en bénéficie ou qu'on se réjouit qu'il existe, tout en criant contre quand d'autres le réclament pour d'autres secteurs, est une tartufferie bien dans les manières de ces petits milieux.