Mister Arkadin

GRACQ ET LE CINÉMA (NOUVELLE SUITE, ET FIN ?) - AVIS SUR LES ADAPTATIONS DE ROMANS ET LES VIEUX FILMS

25 Février 2008, 14:35pm

Publié par Mister Arkadin

 

Une nouvelle pièce à verser au dossier sur les rapports entre Gracq et le cinéma, esquissé dans mon article « Gracq cinéphobe » et complété ici, est donnée par Régis Debray dans le n°15 de sa revue Médium. Il y décrit ses visites à Julien Gracq et reproduit quelques-unes des fortes pensées du "grand-t’écrivain", notamment sur le cinéma (nous les reprenons ci-dessous, après La Croix du 3 janvier 2008, p.27).

 

Vu ce que Gracq dit une nouvelle fois des films tirés de ses romans, on en vient à se demander pourquoi il accepta de céder les droits d’adaptation cinématographiques, lui qui refusa les honneurs du prix Goncourt, un peu comme Robbe-Grillet refusa de siéger à l’Académie.

 

Ayant l’air de m’acharner sur Gracq, je m’empresse de préciser que toutes ses considérations ne me paraissent pas complètement dépourvues de pertinence. Ainsi préfèrerais-je moi-même que les couvertures de romans restent vierges de toute illustration et un Madame Bovary avec Isabelle Huppert en couverture me tomberait des mains. Mais rien n’y fait. Les déclarations de Gracq sur cinéma s’accumulent et j’y retrouve toujours ce fond d’aigreur, cette saveur de cinéphobie que j’ai traquée dans les textes de Paul Souday ou d’André Suarès. Avec les mêmes arguments, quoique énoncés de façon plus chafouine : le cinéma, simple photographie animée, serait condamné au réalisme, il serait incapable de suggestion.

 

 

« Les vieux films sont datés, comme les automobiles. Les opéras ne le sont pas. Ils échappent au coup de vieux parce qu’il sont protégés du réel par les conventions propres du genre. L’irréalisme du chant et des costumes leur permet de traverser le temps intacts. Il y a aussi des romans qui vieillissent bien, quand l’écriture est assez musicale passer outre le daté de l’intrigue. »

 

« J’ai toujours vu mes personnages de dos. Pour moi, ils n’ont pas de figure, ce sont des silhouettes. Une description n’est pas une photographie. Quand je les vois transposés à l’écran, ces personnages, je me dis : Tiens, ce n’est que ça ! C’est vexant, c’est rétrécissant. Le roman évoque, suggère des choses qui ne sont pas photographiables. Flaubert avait bien raison de ne pas vouloir qu’on "fixe en gravure sur le papier des gens que j’ai mis toute ma vie à empêcher qu’on voie". »