LIBRE JOURNAL DU CINÉMA DU 2 JUILLET 2020 : DE "LA BERGERE ET LE RAMONEUR" AU "ROI ET L'OISEAU"

Site personnel de Pascal Manuel Heu, consacré à ses publications, au cinéma et à la critique. Page complémentaire : https://www.facebook.com/Mister-Arkadin-1041074065975069/
Les invités du "Libre journal du Cinéma" (LJC) du jeudi 14 mars 2019, que j’ai dirigé (émission préenregistrée), étaient Anne Brassié (journaliste et écrivain), pour évoquer l’actualité des films, et Frédéric Monnier (libraire et chercheur en histoire du cinéma), à l’occasion de la sortie de son livre Maurice Mariaud. Itinéraire d’un cinéaste des Buttes-Chaumont au Portugal (1912-1929) (préface de François Albera, Éditions de l’Afrhc) [1].
Parmi les films récents ont été conseillés :
- Le Mystère Harry Pick, de Rémi Besançon ;
- Green Book, de Peter Farrely ;
- La Chute de l’Empire américain, de Denys Arcand.
ainsi que la série Il Miracolo (diffusée début 2019 sur Arte).
Ont été déconseillés les suivants :
- Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ?, de Philippe Chauveron ;
- La Dernière Folie de Claire Darling, de Julie Bertuccelli.
Les participants se sont abstenus de voir et ont invité leurs auditeurs à faire de même :
- Grâce à Dieu, de François Ozon.
Ont été également évoqués le coffret DVD Gaumont Le Cinéma premier (volume II : « L’école des Buttes Chaumont »), le documentaire Syrie. Du chaos à l’espérance (présenté à la Catho de Lyon le 20 mars 2019) et le dernier livre de Philippe d’Hugues Viva Cinecitta ! (préface de Jean Tulard, Éditions de Fallois).
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Note :
[1] Livre disponible à la bibliothèque de la Cinémathèque française (Paris, Bercy) et à la librairie Monnier (rue de Rome, Paris).
Quoique rétif aux pétitions, il m’arrive d’en signer, tous les deux ou trois ans.
Bien qu’alerté très rapidement par la dynamique association des Amis de Maurice Ravel et bien que la cause m’ait d’emblée paru bonne, c’est avec deux semaines de retard que je me suis décidé à signer la pétition « Non à la calomnie sur le compositeur Henri Dutilleux ! Pour l'apposition d'une plaque commémorative à l'endroit de son ancienne résidence sur l'Ile Saint-Louis ».
Je renvoie au volumineux dossier constitué sur le blog de l’association susmentionnée mes lecteurs qui n’auraient pas entendu parler des poux que la très érudite municipalité du IV° arrondissement est allé chercher dans la chevelure du grand compositeur.
Le point le plus notable à ce propos, sur un blog de cinéma, est que l’unique reproche fait à Dutilleux quant à ses activités pendant l’Occupation est d’avoir composé la musique de Forces sur le stade, un court métrage réalisé en 1942 sur commande du Commissariat Général à l’Éducation Générale et aux Sports (dépendant de l’État français, plus communément appelé Vichy, ou le régime de Pétain).
Un journaliste du Monde s’est fendu d’une analyse de ce film.
S’il n’y a que ça, on n’a pas fini de débaptiser des rues, des théâtres, de cesser de jouer des pièces, tant tant d’autres ont fait bien pire, à commencer par Guitry, Sartre, Beauvoir, Cocteau, etc., pour s’en tenir à des personnalités s’en étant extrêmement bien sortis à la Libération et d’autres pas trop mal.
Pourrions-nous encore célébrer comme figure titulaire de la critique cinématographique le fondateur de La Revue du cinéma, Jean George Auriol, qui se trouve avoir aussi été le scénariste de Forces sur le stade (ainsi que d’avoir, plus compromettant, pas mal écrit dans Ciné-Mondial, journal contrôlé par les Nazis) ?
Cette affaire confirme en tout cas que plus on s’éloigne de l’Occupation, moins la pulsion épuratrice se refroidit et plus elle doit trouver de nouveaux objets sur lesquels s’exercer.
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Parallèlement, notons :
- qu’après Alexis Carrel, c’est un autre de nos prix Nobel de médecine qui doit être éjecté de la mémoire nationale, Charles Richet (cf. « Charles Richet, jugé "raciste", ne donnera plus son nom à un hôpital du Val-d'Oise »). Va-t-on vider de leurs postes tous les petits copains de sa promotion que notre cher Président a placés un peu partout sous prétexte qu’elle prit le nom de Voltaire (qui n’était pas le dernier à s’y connaître en matière de racisme, d’islamophobie et d’antisémitisme) ?
- que l’inauguration d’une rue Commandant Denoix de Saint Marc, par Robert Ménard (discours du 14 mars 2015), en lieu et place d’une rue du 19 mars 1962, a fait pousser de hauts cris.
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Compléments :
- Le lendemain de la rédaction de ce billet, je recevais deux courriels annonçant que la Mairie de Paris avait finalement décidé, le 2 avril en fin d'après-midi, qu'une plaque en l'honneur de Dutilleux serait bien installée. Comme quoi, je mésestime mon influence, indéniable, n'est-ce pas ? (j'en entends qui seraient capables de prétendre que ce revirement est plutôt dû aux dizaines de protestations que la décision initiale a provoquées : pfff...)
- Dutilleux et le petit remplacement : « Je suis de ceux qui ne se sont pas encore remis de l’attitude du ministre de la Culture de l’époque, Aurélie Filippetti, assistant en grande pompe aux funérailles de Georges Moustaki, en 2013, tandis que se déroulaient sans aucune présence officielle, au même moment, celles d’Henri Dutilleux. C’est une date essentielle de l’histoire de la culture dans notre pays, donc de l’histoire de France : celle où la musiquette a remplacé la musique comme référence officielle ; celle où l’industrie culturelle s’est substituée à la culture, le show-bizness à la magique étude, le divertissement (et je n’ai strictement rien contre Georges Moustaki) au grand art » (Renaud Camus, « La gloire d'Henri Dutilleux », "Boulevard Voltaire") ; point de vue que la programmation musicale sur France Culture durant la grand grêve de mars-avril 2015 rendent on ne peut plus pertinents.
Le 13 mai dernier, j'annonçais que serait bientôt publiée, dans Livr'Arbitres (n°11, printemps 2013, p.8-9), une note de lecture sur le prodigieux ouvrage que Pierre Lherminier a publié il y a un an. Elle l'a été en juin dernier ; la voici ci-dessous.
Pour des étrennes, il s'agit assurément du suprême cadeau à faire à un ami cinéphile !
Pierre Lherminier, Annales du cinéma français. Les voies du silence 1895-1929, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2012.
À moins d’être adepte du sadomasochisme, il n’est guère d’occasion d’être saisi simultanément par une intense jubilation et par une légère sensation d’humiliation. C’est pourtant le délicieux alliage de sentiments qu’ont probablement connu tous les chercheurs en histoire en découvrant le monument érigé en l’honneur du cinéma français par Pierre Lherminier. Encore n’a-t-il pour l’instant paru que le premier tome, consacré à la période du Muet : 1136 pages bien tassées, merveilleusement illustrées et éditées (mention spéciale pour l’index thématique, denrée aussi rare que stimulante), dont on ne peut écrire qu’elles frôleraient la perfection, car elles y parviennent ! Aucun soupçon de remplissage, comme dans tant de "beaux livres", domaine dans lequel le cinéma n’est pas avare, hélas plus souvent pour le pire que pour le meilleur, y compris quand ils sont signés de noms réputés, dont on devine assez vite que la préoccupation principale est de faire fructifier leur entregent médiatique (par exemple Olivier Barrot dans son récent Tout feu tout flamme. Une traversée du cinéma français, hors de prix vu qu’il ne coûte que deux fois moins cher, pour cent fois moins de matière, et de bien moindre qualité). Pas de paresseuse compilation non plus, à la manière d’un Jean-Luc Douin (pour une série de dictionnaires : de la censure, du désir au cinéma, etc.). Non, de la jubilation pour des années de lecture et de contemplation, vous dis-je ! Mais pourquoi ai-je ajouté que l’ouvrage serait aussi quelque peu humiliant ? Qu’un homme seul, certes le plus grand éditeur de cinéma qu’ait jamais compté la France, ait pu réaliser un tel tour de force, une somme qui, à n’en point douter, fera encore date dans cinquante ans, sans qu’aucun spécialiste de toutes les abondantes questions dont il traite n’y trouve quasiment la moindre scorie, ne peut que vous faire vous sentir ignorant et velléitaire en comparaison… Vivement la suite !
PS : Le 28 mars 2009, j'avais émis quelques petites réserves sur un aspect mineur d'un précédent livre de Pierre Lherminier, au sujet de Delluc, Vuillermoz et des débuts de la critique de cinéma en France. Les Annales du cinéma français n'entretiennent plus aucune ambiguïté sur la question, puisque y est reproduite, sous le titre « Naissance de la critique cinématographique » (pages, 572-573), la chronique d'Émile Vuillermoz parue dans Le Temps du 23 novembre 1916, avec, dans le chapeau, la présentation suivante : « cette chronique d'Émile Vuillermoz peut être considérée comme le texte fondateur de la critique cinématographique dans la presse française ».
(L'Equipe, 6 décembre 2013, p.9)
Je donne le détail, dans ma rubrique « Radio et cinéma », de la programmation d’une émission d’été sur France Inter qui se proposait de traiter de « quarante questions que vous vous êtes toujours posé sur l’histoire du cinéma ». Suivant, d’une certaine manière, le sillon tracé par le regretté Francis Lacassin, il s’agit d’une sorte de "contre-histoire" du cinéma, expression d’autant plus appropriée que la conclusion de l’émission « Comment faire aujourd’hui l’histoire du cinéma ? » fut qu’il n’y aurait plus vraiment d’historien du cinéma (dixit Thierry Jousse ; les responsables de l’AFRHC auront apprécié !)
Si l’idée de formuler ainsi des questions décalées séduit quand on la découvre, on a tôt fait de se rendre compte en essayant qu’il n’y a rien de plus simple. En voici donc quarante six pour l’année prochaine, les premières qui me sont venues immédiatement à l’esprit (que messieurs Bou et Thoret ne s’offusquent pas si je prends souvent délibérément le contre-pied de leurs propres questions) :
45. reste-t-il quelques gogos pour penser que Clint Eastwood serait devenu Démocrate et "Humaniste" ?
46. Hollywood finira-t-il par réaliser quelques films sur Hiroshima et Nagasaki, ou sur la Nakba ?
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Compléments :
[C1] (30 mars 2013) ou plus récemment sur Cloud Atlas.
[C2] (.................Monde des livres.............)
Le "Passek", qu'il est inutile de présenter aux cinéphiles, a fait l'objet d'une profonde refonte, passant de 758 pages en 1991 à 1120 pages dans la « nouvelle édition entièrement mise à jour » de septembre 2011 (le format des deux éditions étant identique).
Avant d'y revenir un peu plus en détails, en me focalisant sur mon champ de recherche privilégié, notons une extension du "judéocentrisme" dans le domaine du cinéma, pour reprendre le terme utilisé par Éric Conan et Henry Rousso à propos de « la place démesurée prise par la question du souvenir de Vichy et de la Shoah, devenus, notamment auprès de la deuxième et de la troisième générations après la guerre, un élément constitutif de l'identité juive ». Ainsi, en plus de corriger la date de naissance de Bardèche, aurait-il pu être précisé que, lors de la rédaction de leur Histoire du cinéma, Maurice Bardèche et Robert Brasillach étaient respectivement les critiques cinématographiques de 1935 et de La Revue universelle (information plus pertinente que le journal dans lequel le second était critique littéraire) - de la même manière qu'il a été ajouté, dans la notice sur Pierre Bost, que ce dernier a également été critique de cinéma -, ou que l'ouvrage de MB-RB a fait l'objet de deux autres éditions. Il a été plutôt choisi, à son propos, de remplacer le bout de phrase « contestable sur bien des points mais toujours passionné (et passionnant) » par le suivant : « contestable sur bien des points – en particulier par un antisémitisme virulent appliqué au monde du cinéma – ».
Qu'il ait été jugé nécessaire de rappeler le caractère antisémite d'une partie de l'ouvrage n' a rien d'extravagant, quoiqu'il aurait pu être précisé que c'est surtout vrai d'ajouts faits à la seconde édition (1), publiée sous l'Occupation. Il est en revanche bien dans le ton d'une époque marquée par la couardise quasi généralisée qu'il ait paru indécent de reconnaître que des auteurs antisémites avaient pu aussi écrire une œuvre toujours passionnée et passionnante.
Je reproduis ci-dessous les deux notices sur Maurice Bardèche et Robert Brasillach, parues l'une dans le Dictionnaire du Cinéma (dir. Jean Loup Passek, assisté de Michel Ciment, Claude Michel Cluny et Jean-Pierre Frouard, Paris, Larousse, octobre 1991, p.49, par Dominique Rabourdin), l'autre dans le Dictionnaire mondial du Cinéma (coord.réd. Christian Viviani [autres membres du comité de rédaction : Michel Baptiste, Jean A. Gili, Lucien Logette, Daniel Sauvaget], Paris, Larousse, septembre 2011, p.87, notice revue, et dépourvue de signature).
- Version de 1991 :
Bardèche (Maurice), écrivain français (Dun-sur-Auron 1909) et Brasillach (Robert), journaliste et romancier français (Perpignan 1909 – Fort de Montrouge 1945). Robert Brasillach est le critique littéraire en titre de l’Action française quand il publie en 1935, avec son beau-frère Maurice Bardèche, une Histoire du cinéma (chez Denoël), rééditée, avec de nombreuses additions et modifications, en 1943, 1948 et 1953. Le plus grand mérite de ce livre, de grande audience à l’époque, contestable sur bien des points mais toujours passionné (et passionnant), est d’être l’un des tout premiers à avoir une ambition aussi universelle. Lors de la première publication de leur ouvrage, les deux auteurs avaient tout juste vingt-six ans. D.R. [Dominique Rabourdin]
- Version de 2011 :
Bardèche (Maurice), écrivain français (Dun-sur-Auron 1908 – Canet-Plage 1998) et Brasillach (Robert), journaliste et romancier français (Perpignan 1909 – Fort de Montrouge 1945). Robert Brasillach est le critique littéraire en titre de l’Action française quand il publie en 1935, avec son beau-frère Maurice Bardèche, une Histoire du cinéma (chez Denoël), rééditée, avec de nombreuses additions et modifications, en 1943, 1948 et 1953. Le plus grand mérite de ce livre, de grande audience à l’époque, contestable sur bien des points – en particulier par un antisémitisme virulent appliqué au monde du cinéma – est d’être l’un des tout premiers à avoir une ambition aussi universelle. Lors de la première publication de leur ouvrage, les deux auteurs avaient tout juste vingt-six ans.
Note :
(1) François Albera, dans un article paru dans la revue CiNéMAS (vol. 21, n°2-3, « Des procédures historiographiques en cinéma », printemps 2011, p.55) parle « du Bardèche et Brasillach de 1935 et de l'infâme réédition de 1943 », ce qui sous-entend que celle de 1935 ne l'est pas ("infâme").
Complément :
15 août 2012 : dans les "archives" en ligne de Larousse, l'édition 2001 est disponible. Mais c'est la notice de 2011 qui figure sur le site (page 115) en ce qui concerne Bardèche/Brasillach.
Une messe à la mémoire d'Hervé Coutau-Bégarie est célébrée aujourd’hui à 15 heures en l'église Saint Eugène, à Paris.
Même les amis les plus proches de ce grand savant, spécialiste de stratégie, semblent avoir été surpris par l’ampleur des témoignages de sympathie suscités par sa disparition. Les messages postés à la suite de la nécrologie parue sur Secret défense, le blog du spécialiste des affaires de Défense Jean-Dominique Merchet, en sont un exemple, parmi d’autres.
Je n’ai pour ma part eu qu’une seule occasion de rencontrer cet homme remarquable, au cours du libre journal du cinéma du 15 juin 2006, où HCB était venu présenter un livre qu’il avait dirigé avec Philippe d’Hugues et auquel j’avais participé, Le Cinéma et la guerre (sommaire ci-dessous). On pourra récupérer soit l’extrait où HCB parle des rapports entre guerre et cinéma (minutes 38 à 58 environ de l’émission), soit l’émission complète.
HCB y donne la liste de ses trois films de guerre préférés : Alexandre Nevski ; Kolberg ; Torpille sous l’Atlantique
Le cinéma et la guerre, publié sous la direction de Philippe d'Hugues et Hervé Coutau-Bégarie, sous l’égide de la Commission française d'histoire militaire, Paris, Institut de stratégie comparée / Éditions Économica, Collection « Bibliothèque stratégique », 2006, 190 p. (appendice au volume Les Médias et la guerre, dir. Hervé Coutau-Bégarie, 2005, 1034 p.).
Avant-propos d’Olivier Boré de Loisy
Préface de Philippe d’Hugues
« La guerre antique au cinéma », par Pierre-Emmanuel Barral
« La guerre médiévale vue par le cinéma », par François Amy de la Bretèque
« La guerre terrestre au XVIIIe siècle au cinéma », par Frédéric Naulet
« Les guerres coloniales de l’empire britannique au cinéma », par Pierre-Emmanuel Barral
« Kolberg », par Jean Tulard
« Guerre et paroxysme chez Eisenstein », par Jean-Jacques Langendorf
« Quelques figures de la stratégie et de la tactique dans le film de guerre », par Alain Paucard
« La Seconde Guerre mondiale à l’écran », par Gérard Langlois
« La résistance française prise sur le vif », par Philippe d’Hugues
« Quand la guerre est un spectacle », par Norbert Multeau
« La guerre du Viet-nam au cinéma », par Pierre-Emmanuel Barral
« Les Rois du désert : peut-on rire de la guerre en Irak ? », par Pascal Manuel Heu
Complément : enregistrement d'une émission de Paul-Marie Coûteaux, « hommage à Hervé Coutau-Bégarie : une morale, une école, un héritage ».