EXTENSION DU DOMAINE "JUDÉOCENTRIQUE"
Le "Passek", qu'il est inutile de présenter aux cinéphiles, a fait l'objet d'une profonde refonte, passant de 758 pages en 1991 à 1120 pages dans la « nouvelle édition entièrement mise à jour » de septembre 2011 (le format des deux éditions étant identique).
Avant d'y revenir un peu plus en détails, en me focalisant sur mon champ de recherche privilégié, notons une extension du "judéocentrisme" dans le domaine du cinéma, pour reprendre le terme utilisé par Éric Conan et Henry Rousso à propos de « la place démesurée prise par la question du souvenir de Vichy et de la Shoah, devenus, notamment auprès de la deuxième et de la troisième générations après la guerre, un élément constitutif de l'identité juive ». Ainsi, en plus de corriger la date de naissance de Bardèche, aurait-il pu être précisé que, lors de la rédaction de leur Histoire du cinéma, Maurice Bardèche et Robert Brasillach étaient respectivement les critiques cinématographiques de 1935 et de La Revue universelle (information plus pertinente que le journal dans lequel le second était critique littéraire) - de la même manière qu'il a été ajouté, dans la notice sur Pierre Bost, que ce dernier a également été critique de cinéma -, ou que l'ouvrage de MB-RB a fait l'objet de deux autres éditions. Il a été plutôt choisi, à son propos, de remplacer le bout de phrase « contestable sur bien des points mais toujours passionné (et passionnant) » par le suivant : « contestable sur bien des points – en particulier par un antisémitisme virulent appliqué au monde du cinéma – ».
Qu'il ait été jugé nécessaire de rappeler le caractère antisémite d'une partie de l'ouvrage n' a rien d'extravagant, quoiqu'il aurait pu être précisé que c'est surtout vrai d'ajouts faits à la seconde édition (1), publiée sous l'Occupation. Il est en revanche bien dans le ton d'une époque marquée par la couardise quasi généralisée qu'il ait paru indécent de reconnaître que des auteurs antisémites avaient pu aussi écrire une œuvre toujours passionnée et passionnante.
Je reproduis ci-dessous les deux notices sur Maurice Bardèche et Robert Brasillach, parues l'une dans le Dictionnaire du Cinéma (dir. Jean Loup Passek, assisté de Michel Ciment, Claude Michel Cluny et Jean-Pierre Frouard, Paris, Larousse, octobre 1991, p.49, par Dominique Rabourdin), l'autre dans le Dictionnaire mondial du Cinéma (coord.réd. Christian Viviani [autres membres du comité de rédaction : Michel Baptiste, Jean A. Gili, Lucien Logette, Daniel Sauvaget], Paris, Larousse, septembre 2011, p.87, notice revue, et dépourvue de signature).
- Version de 1991 :
Bardèche (Maurice), écrivain français (Dun-sur-Auron 1909) et Brasillach (Robert), journaliste et romancier français (Perpignan 1909 – Fort de Montrouge 1945). Robert Brasillach est le critique littéraire en titre de l’Action française quand il publie en 1935, avec son beau-frère Maurice Bardèche, une Histoire du cinéma (chez Denoël), rééditée, avec de nombreuses additions et modifications, en 1943, 1948 et 1953. Le plus grand mérite de ce livre, de grande audience à l’époque, contestable sur bien des points mais toujours passionné (et passionnant), est d’être l’un des tout premiers à avoir une ambition aussi universelle. Lors de la première publication de leur ouvrage, les deux auteurs avaient tout juste vingt-six ans. D.R. [Dominique Rabourdin]
- Version de 2011 :
Bardèche (Maurice), écrivain français (Dun-sur-Auron 1908 – Canet-Plage 1998) et Brasillach (Robert), journaliste et romancier français (Perpignan 1909 – Fort de Montrouge 1945). Robert Brasillach est le critique littéraire en titre de l’Action française quand il publie en 1935, avec son beau-frère Maurice Bardèche, une Histoire du cinéma (chez Denoël), rééditée, avec de nombreuses additions et modifications, en 1943, 1948 et 1953. Le plus grand mérite de ce livre, de grande audience à l’époque, contestable sur bien des points – en particulier par un antisémitisme virulent appliqué au monde du cinéma – est d’être l’un des tout premiers à avoir une ambition aussi universelle. Lors de la première publication de leur ouvrage, les deux auteurs avaient tout juste vingt-six ans.
Note :
(1) François Albera, dans un article paru dans la revue CiNéMAS (vol. 21, n°2-3, « Des procédures historiographiques en cinéma », printemps 2011, p.55) parle « du Bardèche et Brasillach de 1935 et de l'infâme réédition de 1943 », ce qui sous-entend que celle de 1935 ne l'est pas ("infâme").
Complément :
15 août 2012 : dans les "archives" en ligne de Larousse, l'édition 2001 est disponible. Mais c'est la notice de 2011 qui figure sur le site (page 115) en ce qui concerne Bardèche/Brasillach.