Mister Arkadin

JEAN-JOSÉ MARCHAND (14 AOUT 1920 – 8 MARS 2011)

15 Mars 2011, 00:10am

Publié par Mister Arkadin

Vient de disparaître le grand critique d’art et de littérature Jean-José Marchand. On peut retrouver le « journal des lectures de Jean-José Marchand » sur le blog personnel qu’il tenait et sa voix dans un entretien filmé sur le site de la Quinzaine littéraire, à laquelle il collaborait depuis 1970.

Fait peu connu, Jean-José Marchand pratiqua la critique cinématographique pendant environ deux ans dans diverses publications nées dans le climat d’effervescence journalistique de l’après-Libération, notamment Climats, un hebdomadaire créé le 23 novembre 1945 avec pour sous-titre « hebdomadaire de la Communauté française » (puis « France et Outremer », « les Annales coloniales » ou « hebdomadaire de la Communauté française »), ce titre ayant duré une dizaine d’années.http://blog.rc.free.fr/blog_photos/jean%20jose%20marchand.jpg

« Plutôt qu’un critique de cinéma j’étais un journaliste de cinéma. Je fais toutes réserves sur les opinions exprimées (l’anti-hollywoodisme – l’article sur la Dame du vendredi est littéralement grotesque) et sur l’agressivité de mes textes », écrivait Jean-José Marchand en 1998. A titre d’hommage, est reproduit ci-dessous un extrait de l’une de ses chroniques, sur un film auquel j’ai consacré une petite étude. Sera reproduite dans le prochain billet une critique de Citizen Kane par Jean-José Marchand.


« Films de festivals », par Jean-José Marchand, Climats, 31 octobre 1946

http://www.cinema-francais.fr/images/affiches/affiches_j/affiches_jaque_christian/un_revenant.jpgUn Revenant. J’avoue que j’étais prévenu au moment d’aller voir ce film. Je m’attendais à une longue suite de turlupinades et de plaisanteries canardières, le tout garanti Jeanson sur facture. Je ne m’étais pas trompé, mais l’honnêteté m’oblige à dire que ce film est amusant et que je ne m’y suis pas ennuyé (au contraire de Patrie). Ceci constaté, il faut tirer au clair la nature de ce plaisir : pendant plus d’une heure, Jouvet se promène en faisant des mots d’esprit sur tout et tout le monde ; les autres personnages ne sont visiblement là que pour servir de cibles à Jeanson, cibles un peu commodes, puisqu’elles ont été fabriquées uniquement à cet effet et se présentent au bon moment avec une bonne volonté inquiétante. En principe, il s’agit d’un drame lyonnais. Je connais assez peu Lyon, mais je devine que la satire de Lyon y est assez mal venue, n’atteignant que des fantoches dont on ne nous découvre qu’un côté assez caricatural (amour de l’argent, esprit bourgeois, etc.), sans nous montre l’avers de la médaille, c’est-à-dire les qualités d’ordre et de travail qui ne sont tout de même pas à négliger, si l’on tient à peindre un tableau ressemblant. D’ailleurs, je doute même que Jeanson ait réussi lui-même à prendre au sérieux cette énorme plaisanterie qui se termine comme si rien ne s’était passé (car le revenant se dépêche de repartir). D’habitude, je n’aime pas ce théâtre filmé ; avouons qu’il a le mérite de nous faire rire. Bien entendu cela ne résistera pas à dix ans de vieillissement. Mais Christian Jaque aura, une fois de plus, donné la mesure de son habileté technique. Louis Page montre une fois de plus qu’il est le meilleur opérateur français et le public, une fois de plus, passe à la caisse. Tout est donc dans l’ordre.


Complément (23 mars 2012) : viennent de paraître, en cinq volumes ayant bénéficié d'un admirable travail éditorial, les Écrits critiques de JJM (un compte rendu relativement précis).