MASOCHISME SCÉNARISTIQUE
« […] les scénaristes et comédiens ne se sont pas écrits les personnages les plus reluisants. », écrit Christophe Carrère à propos de Parle-moi avec la pluie et de leurs auteurs, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri (L’Express, 18 septembre 2008, supplément « Styles », p.55). C’est le moins qu’on puisse dire ! Cela se remarque plus particulièrement en ce qui concerne le rôle de looser complet que s’est attribué Jean-Pierre Bacri, par contraste avec le rôle en or qu’ils ont écrit pour Jamel Debbouze. Il n’est pas une séquence du film où leur confrontation ne tourne à l’avantage du second, qui a toujours le mot juste, qui fait preuve de tous les talents, de toutes les audaces, qui est lucide et délicat, alors que Bacri joue un lourdaud gaffeur, stupide, pleutre et incapable. « Deux godelureaux veulent consacrer un reportage à l’héroïne. Il faut voir le travail. Ils sont en retard, ils oublient la pellicule, leur voiture tombe en panne » (Éric Neuhoff, Le Figaro, « Le cinéma et vous », 17 septembre 2009, p.28). Pourquoi ce pluriel ? « Il » oublie la pellicule, « il » se gare mal et retrouve sa voiture dans le fossé, « il » pose des questions égocentrées, « il » oublie de filmer alors que son comparse pose les questions les plus pertinentes et percutantes, « il » fait perdre son temps à tout le monde, « il » prétend avoir un contrat alors qu’il n’en est rien, « il » prétend rendre service à des amis en filmant le baptême de leur fille alors qu’ « il » cachetonne misérablement à cause de sa nullité, « il » filme le mauvais bébé, etc., etc. Bacri s’est écrit un rôle de tocard absolu, qui permet en comparaison à Jamel Debbouze de se la couler douce dans le rôle du mec brillant et impeccable, qui ne souffre que de ne pas être reconnu comme il le devrait et de la discrimination pépère dont sa mère et lui sont les victimes quasi consentantes. Bizarre masochisme scénaristique, que je ne me souviens pas avoir rencontré à ce point dans un autre film.