Mister Arkadin

LA CRITIQUE DE CINÉMA SOUS L’OCCUPATION

18 Janvier 2008, 22:01pm

Publié par Mister Arkadin

Halimi---Douy.jpgÉnième rediffusion sur Ciné Cinéma Classic, à partir de ce week-end, d’un documentaire réalisé en 2003 par le prolifique André Halimi, qui continue d’exploiter le filon des turpitudes françaises sous l’Occupation, en s’en prenant cette fois à la critique de cinéma. Il porte sur son sujet un regard finalement étonnamment indulgent, vu surtout qu’il n’évoque pas tant les critiques que l’un d’eux seulement, le plus sulfureux, l’auteur des fameuses Tribus du cinéma et du théâtre, Lucien Rebatet, qui officiait dans Je Suis Partout.

 

Ce documentaire se focalise tellement sur Rebatet qu’il aurait pu s’intituler « François Vinneuil critique de cinéma sous l’Occupation », aucun autre nom de critique de l’époque n’étant mentionné (seul Jacques Siclier citant les cotes de la Centrale catholique affichées dans les églises) et tous les extraits de presse lus et montrés à l’écran provenant de sa chronique « Sur l’écran » de Je Suis Partout. Rebatet---signature.jpgAinsi, tous les passages où l’un des historiens interrogés par Halimi (Philippe d’Hugues) parlait d’autres critiques (Audiberti, Brasillach, tribuscinema.jpgFrank, Régent, notamment) ont-il été coupés au montage. Quasiment aucune recherche documentaire n’ayant été effectuée, le réalisateur en ait réduit à compiler des images d’archives archi-connues, censées restituer le "contexte", accompagnées de quelques entretiens avec divers "experts" et témoins.

 

Loin de moi l’intention de nier l’importance du critique que fut Vinneuil durant l’Occupation. Ce serait particulièrement mal venu de ma part, vu que je participe actuellement, avec Marc Laudelout, à l’édition d’un recueil des textes de Vinneuil préparé par Philippe d’Hugues, à paraître dans le courant de l’année. Mais en faire l’unique figure mémorable de l’époque contribue à accréditer l’idée reçue selon laquelle les années 1930 et 1940 furent des trous noirs dans l’histoire de la critique française. Il n’y aurait quasiment rien eu entre la première période de La Revue du cinéma dirigée par Jean George Auriol (le tournant des années trente) et la seconde (l’après-guerre), qui préfigure son héritière, Les Cahiers du cinéma, dont les historiographes veillent jalousement sur l’histoire sainte. Or, rien n’est plus faux, comme nous essaierons de le montrer dans l’histoire/anthologie des écrits de cinéma parus pendant l’Occupation que nous préparons également.

 

 

Liens et informations complémentaires :

 F.-Holbane---CM-630001.jpg
- Fiche technique du documentaire de Serge Halimi
 

- Alain Riou, « Demandez le programme », Le Nouvel Observateur (supplément « TéléCinéObs »), 14 juillet 2007 :

 

« […] pas grand-chose aujourd'hui, mais un intéressant magazine, « la Critique de cinéma sous l'Occupation », d'André Halimi (à 19 h 45, sur Ciné cinéma Classic). C'était le temps des Brasillach, Bardèche, Rebatet, ordures morales, qui n'ont, hélas, pas dit que des bêtises sur le plan esthétique, car la vie est compliquée. De bons témoignages de spécialistes, et de belles réflexions. »

 

- présentation du film sur le site de Ciné Cinéma :

 

Pour rendre compte de la critique cinématographique pendant l'occupation allemande ce film s'appuie sur l'histoire du cinéma en France au cours de ces années. Au tout début de l'Occupation, la production française est à l'arrêt et seuls les films allemands occupent les écrans. La critique se penche alors immanquablement sur ces films produits par l'occupant. Les oeuvres envoyées en France par les Allemands sont majoritairement des policiers ou des films musicaux. Rares sont les films politiques, en dehors de quelques exceptions notables, parmi lesquelles "le Juif Süss". Dès que la production française redémarre, la critique ne s'intéresse plus qu'à elle.

 

L'exil et la discrimination ont contraint nombre de professionnels du cinéma au silence. Ces années de guerre verront donc l'émergence de nouveaux cinéastes - Becker, Bresson, Autant-Lara - dont la critique - y compris celle de la presse la plus collaboratrice - saluera le travail.
Si les critiques semblent parfois pouvoir faire leur métier avec une certaine indépendance, les journalistes de "la Gerbe" ou de "Je suis partout" par exemple, notoirement pro-allemands, fondent le plus souvent leurs critiques sur des propos antisémites et xénophobes. Ce film présente notamment de longs extraits d'articles du tristement célèbre Lucien Rebatet, surnommé alors "le Führer de la critique cinématographique".

 

Pour rendre compte de l'ambiguïté de cette période, ce document recueille les témoignages des historiens, Pierre-Marie Dioudonnat, Philippe d'Hugues et Pierre Darmon, le critique Jacques Siclier, le réalisateur Jean Delannoy, l'auteur Pierre Barillet, les acteurs Jean Desailly et Simone Valère, le chef décorateur Max Douy.