Revue de presse : Magali Thomas, « Joseph-Marie Lo Duca 1910-2004 », Archives, n°100, novembre 2007, 24 p.
A l’occasion de la sortie du centième numéro de la précieuse revue de l’Institut-Vigo de Perpignan (http://www.inst-jeanvigo.asso.fr), Archives – un remarquable ensemble consacré à l’une des grandes figures de la critique et de l’édition cinématographique en France (étude minutieuse par une universitaire ayant rencontré Lo Duca, illustrations abondantes, riches annexes et bibliographies) –, nous reprenons deux textes nécrologiques mentionnés par Jean A. Gili dans sa préface (« Lo Duca, de Milan à Samois-sur-Seine »), le nôtre, précédé par celui qui l’avait suscité.
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Nécrologie : Joseph Marie LO DUCA (191O-2OO4), par Lucien Logette, Jeune Cinéma, n°291, septembre / octobre 2004, p.98
Pour ceux qui n'étaient pas encore majeurs au début des années 60, son nom était lié à ces ouvrages infeuilletables, les (peu nombreux) libraires qui les proposaient les gardant sous vitrine cadenassée : nous a-t-elle fait rêver, cette « Bibliothèque internationale d'érotologie », sous jaquette somptueusement illustrée, dirigée par Lo Duca chez Jean-Jacques Pauvert, et surtout cet Érotisme au cinéma, qu'il avait signé et dont nous espérions les plus extrêmes délices le jour où nous pourrions enfin y accéder. Le moment venu, plus que l'iconographie, pourtant assez décoiffante dans ces années gaulliennes, c'est l'humour et l'intelligence de l'auteur qui nous étonna. Sous l'érotomane perçait l'encyclopédiste, capable d'ouvrir des perspectives foisonnantes à partir d'un matériau (assez) répétitif. La dimension du personnage nous apparut peu à peu, au fil des découvertes dans les boîtes à livres (il fallait alors découvrir, tout n'était pas balisé par google) : s'il y avait un lien entre son Histoire du cinéma, datée 1942 (le premier « Que sais-je ? » sur le sujet), dépassée mais plaisante, le roman de science-fiction La Sphèrede platine (écrit en 1927 et préfacé par Marinetti), Le Dessin animé (quifaisait, en 1948, le tour de la question) et l'opuscule, publié chez Pauvert en 1966, L'Objet, il était à chercher du côté du dilettantisme érudit (ou de l'érudition dilettante), ce qui n'est pas seulement un oxymore, mais une manière de vivre. Et nous ne savions pas encore qu'il avait conçu, en 1951, la couverture du premier numéro des Cahiers du Cinéma, qu'il avait fondé avec Jacques Doniol-Valcroze (et non pas, comme l'écrit Le Monde du 11/08, avec André Bazin, qui n'apparaîtra qu'au n° 2). Claude Beylie, dans la notice qu'il lui a consacrée dans La Critique de cinéma en France, nous apprend que son poème Neige sur la Baltique, traduit par Valéry, fut la première publication clandestine de la Résistance. Claude Lafaye (merci pour les renseignements qu'il nous a adressés) précise qu'il était docteur es lettres et docteur en médecine (et éditeur des Œuvres complètes d'Hippocrate), fondateur, en Italie, du musée Canudo, directeur à Paris du Cinéma d'Essai entre 1949 et 1954, réalisateur de courts métrages (dont un sur le douanier Rousseau), et que l'âge n'avait pas freiné son activité passionnée : il avait publié cette année une Petite histoire du cinématographe, et annonçait un Pourquoi ?, aux mêmes éditions du Capucin. En tout cas, on espère bien dénicher un jour son pamphlet Et si nous parlions des crétins ?, vaste sujet qu'il avait sans doute abordé avec la même verve si bien exercée pendant quatre-vingt-treize ans. Il était né à Milan le 18 novembre 1910, il est mort à Fontainebleau le 6 août 2004.
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LO DUCA (suite), Jeune Cinéma, n°293, décembre 2004, p.71.
La nécrologie de Lo Duca publiée dans notre récent n°291 a éveillé l’attention de quelques lecteurs érudits. Ainsi, Pascal Manuel Heu nous a écrit :
« J'ai été ravi que vous rendiez un hommage mérité à Lo Duca, sauvant en quelque sorte l'honneur des Cahiers du cinéma, ou plutôt soulignant ainsi leur déshonneur de ne consacrer qu'une maigre notule à l'un de leurs fondateurs. Cette ingratitude était attendue, mais tout de même.
Juste quelques compléments d’information. Que Lo Duca ait publié la "première publication clandestine de la Résistance" est bel et bon (quoique je demande à voir), mais sa Résistance ressemble un peu à celle de Sartre, c'est dire si elle fut glorieuse : publication dans Comœdia, comme Jean-Paul (avec notamment un article très laudateur sur le Jeune Hitlérien Quex) ; publication de deux "Que sais-je ?", dont une Histoire du cinéma dans laquelle Le Juif Süss est rangé parmi "les films allemands de classe" (devenus "typiques" en 1947 !) ; publication de Mécanisme de la défaite française - La guerre des 150 ans aux éditions Europa, dont l'extrait que Charles-Antoine Cardot donne dans son Guidargus du livre politique pendant l'Occupation n'incite guère à penser que ce livre était bien subversif...
Bref, l'hommage au Résistant aurait pu être nuancé. Une étudiante devrait faire le point sur Lo Duca dans le D.E.A. qu'elle prépare sous la direction de Jean Gili. Mais, dans une revue de cinéma, c'est l'hommage au critique et historien du cinéma qui importait et vous le lui avez très bien rendu. »