ROHMER NOUS JOUA-T-IL UN TOUR ? OU DU SAX ?
Dans mon relevé des émissions sur le cinéma à la radio du 29 août dernier, j’ai annoncé la rediffusion suivante : « Le cinéma des cinéastes » (Claude-Jean Philippe), « Nuits » de France Culture, nuit du vendredi 4 au samedi 5 septembre 2009, de 0h30 à 2h21 : « Le Masque d’or, Sax Rohmer » (16 mai 1976). Il s’agissait d’une erreur (corrigée depuis), l’émission diffusée concernant bien un Rohmer, mais Éric, et non Le Masque d’or, mais La Marquise d’O. L’homonymie pourrait expliquer cette confusion, surtout si elle était de mon fait. Cette confusion provenant directement des informations données par la chaîne, notamment sur son site Internet, relayée par Télérama, elle demeure assez mystérieuse. Que s’est-il donc passé au sein de la chaîne ou pendant la consultation des archives de l’INA pour qu’Éric soit confondu avec Sax ?
Quoi qu’il en soit, cet incident aura attiré l’attention sur le pseudonyme que s’était choisi le cinéaste, les sources ne manquant pas qui rappellent qu’il s’appelle Maurice Shérer. Plus rares sont les explications des raisons du choix d’un pseudo, et de celui-ci. Rohmer s’en est lui-même expliqué dans un entretien donné aux Inrockuptibles du 5 juin 1996 (sans satisfaire totalement notre curiosité, avouons-le, ce qui incite à penser qu’elle est sans doute un peu déplacée…) : « C'est une anagramme. Je voulais depuis longtemps prendre un pseudonyme pour des tas de raisons. J'étais à ce moment-là professeur, je ne voulais pas créer de confusion. J'ai fini par préférer mon pseudonyme. Mes camarades qui avaient pris un pseudonyme, comme Godard [alias Hans Lucas], ne l'ont pas gardé par la suite. »
Ainsi donc n’aurait-il nullement pensé au romancier britannique Sax Rohmer (dont quatre adaptations filmées étaient sorties en France avant guerre), contrairement à ce qu’indiquent certaines sources, notamment l’Imdb, pour lequel le choix de ce pseudonyme serait un double hommage à Stroheim (Éric) et à Sax (Rohmer). Stroheim, ce ne serait pas une surprise, Éric Rohmer ayant maintes fois déclaré sa passion pour le cinéma muet (ne serait-ce que dans l’entretien cité plus haut). Sax Rohmer, en revanche, cela surprend quelque peu, un Chabrol, par exemple, ayant beaucoup plus parlé de sa prédilection pour le polar que son acolyte des années cinquante.
Vu la discrétion de ce dernier, il sera sans doute difficile d’en savoir plus. Finissons-en donc (provisoirement ?) en indiquant que, quand la signature de Rohmer est apparu au début des années cinquante (à quelle date exactement, je ne sais plus), les cinéphiles ne le connaissant pas personnellement ont mis du temps à faire le rapprochement avec Maurice Shérer, dont les écrits avaient déjà été remarqués. Et combien d’entre eux avaient-ils fait le rapprochement avec Gilbert Cordier ? Encore moins sans doute !
Cela fait des mois, et même des années, que je dois pour ma part écrire deux grands papiers sur Rohmer. Cet incident m’aura au moins fourni la matière de ce petit billet…
Merci à Laurent, Liliom, Pluch et quelques autres pour m’avoir aidé dans mes tentatives d’élucidation, à la fois de l’erreur commise par France Culture et du pseudonyme d’Éric Rohmer.