Mister Arkadin

MARTYRS DÉCLASSIFIÉS

3 Juillet 2008, 10:34am

Publié par Mister Arkadin

Ouf ! L'honneur de la commission de classification des films est sauf et Philippe Rouyer pourra continuer de prétendre que, si elle redevenait une commission de censure, il la quitterait illico. Par 14 voix contre 12, elle vient de revenir, à la demande du ministre  de la culture Christine Albanel (1), sur sa décision d'interdire au moins de 18 ans le film Martyrs. Moyennant un avertissement, le film va pouvoir être vu par tout public à partir de 16 ans. Gageons que le service après-vente sera gaillardement assuré par la critique et souhaitons à ces Martyrs un franc succès. Voilà en tout cas une mesure qui renforce la "distinction du porno", qui demeure bel et bien le "mauvais genre" par excellence du cinéma.

(1) Cette demande de ré-examen par le pouvoir et l'obéissance de la commission, dont les avis sont certes consultatifs, mais d'ordinaire suivis par le ministre, choqueront-t-ils tous les bons esprits qui s'insurgent contre la main-mise sur les médias de la dictature sarkosyste (et notamment contre sa volonté de pouvoir nommer le Président de France Télévision, en ne se contentant plus de le faire par l'intermédiaire du CSA) ?

Complément : une série de propos sur la classification de ce film, enregistrés le 13 juin 2008 et montés dans un "documentaire" intitulé "Martyrs contre la censure", peut etre regardée sur le site du réalisateur Frédéric Ambroisine.

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D'UNE INFLUENCE INATTENDUE DU CINÉMA

2 Juillet 2008, 15:12pm

Publié par Mister Arkadin

L'une des questions les plus récurrentes des débats sur le cinéma depuis ses origines est celle de son influence, à tel point que l'on pourrait aisément construire tout un essai à partir de la façon dont cette question a été appréhendée au cours de son histoire. Elle prend un tour inattendue à l'occasion d'une mystérieuse épidémie de grossesses dans un lycée du Masschussets. Une enquête parue dans Libération aujourd'hui rapporte les récriminations d'un certain "centre national de prévention des grossesses adolescentes" contre Juno. Ce ravissant petit film aurait contribué à leur "glamourisation". Montrer une jeune fille qui préfère placer son enfant dans une famille adoptive plutôt que d'avorter aurait suscité des vocations de parents parmi les lycéennes américaines. Je me souviens avoir noté à la sortie du film  en France qu'il passait aux yeux de critiques vigilants pour une propagande sournoise et réactionnaire des milieux pro-vie. Qui sait ? Peut-être ces lycéennes américaines avaient-elles tout simplement lu des rapports médicaux préconisant les grossesses précoces comme meilleur moyen de se prémunir contre le cancer du sein (cf. Écrits de Paris, n°709, mai 2008) ?

Baby boom au lycée

A Gloucester, l’année scolaire se clôt sur une énigme : 18 lycéennes se sont retrouvées enceintes. Effet «Juno» ou ennui ? Les ados se sont-elles concertées ? Le port de pêche américain garde son secret.

Envoyée spéciale à Gloucester MARIA PIA MASCARO

Libération, mercredi 2 juillet 2008

 

Une tempête vient de s’abattre sur Gloucester, ville de pêcheurs du Massachusetts à 60 kilomètres au nord de Boston. Il y a dix jours, un article du magazine Time a révélé l’existence d’un «pacte» entre plusieurs adolescentes du lycée de la ville : elles auraient décidé d’être enceintes au même moment et d’élever leurs enfants ensemble.

Au cours de l’année scolaire écoulée, dix-huit jeunes filles de moins de 17 ans sont tombées enceintes et plusieurs d’entre elles ont déjà accouché. Or, ces dernières années, il n’y avait pas plus de trois grossesses par an au lycée.Six fois moins. Il s’est bien passé quelque chose, mais quoi ? Personne n’est d’accord sur la réponse à apporter.

Ce week-end, la ville célébrait la fête de San Pietro, le saint patron des pêcheurs, honoré par les centaines de familles descendantes d’immigrés siciliens et portugais. Une partie de la foule est rassemblée sur la plage pour une compétition de natation et les adolescents se pressent par grappes autour des attractions foraines. Les conversations portent évidemment sur l’«affaire». «Il y en a trois qui ont couché avec le même mec, un sans-abri de 24 ans», affirme, sûre d’elle, Christina Johnsen, 15 ans. Elle dit connaître plusieurs des filles enceintes. «Le pire c’est qu’elles en sont fières. Elles veulent juste un jouet.»

Oubli de pilule

Du haut de ses 12 ans, alors qu’elle en paraît 16, Britney Burke a son explication : «C’est mortel d’ennui ici», dit-elle, en pointant du regard le crooner gominé, fagoté dans un costard démodé au liséré argenté qui s’agite sur une scène vide ornée de drapeaux aux couleurs transalpines. Britney secoue la tête. Son amie Tasha Marshall, 13 ans, dit aussi connaître une des filles enceintes, Kyle. «Elle a payé un mec de 29 ans pour qu’il la mette en cloque. Elle l’a fait pour être cool», lâche-t-elle, méprisante.

Si tout le monde en ville a son avis sur la question, chacun semble aussi s’être donné le mot pour protéger l’identité des jeunes filles. Quelques-unes ont pourtant fini par parler publiquement. Lindsey Oliver, 17 ans, a, par exemple, signé un contrat exclusif avec la chaîne ABC. «Il n’y a pas eu de pacte [entre nous]», a-t-elle assuré. Pour elle, qui prenait la pilule, c’était un accident. Son copain, Andrew Psalidas, était à ses côtés pendant l’émission Good morning America. Brianne Mackey, 17 ans, qui a donné naissance à une petite fille le 7 juin, s’est confiée au journal local, le Gloucester Times, et s’en tient à la version de Lindsey : il n’y a pas eu de pacte, c’est un accident de contraception. Elle vit désormais entre le domicile des parents de son petit ami, Michael Mittchell, et celui de ses parents, en périphérie, à l’orée d’un bois. Sa mère Kim fait barrage. «Nous avons déjà parlé au journal local, c’est une vieille histoire», lance-t-elle de son porche. Elle demande quand même si nous serions prêts à payer pour parler à sa fille. Devant la réponse négative, elle précise, pour clore la conversation, que «de toute façon, Brianne et le bébé dorment».

En ville, les autorités aimeraient pouvoir passer à autre chose, mais rien n’y fait. «Il y a trop de questions en suspens,Gloucester Times.En mars, lors d’une réunion de la commission scolaire, la responsable de la crèche du lycée s’inquiétait du manque de places pour l’année 2008-2009. Il y avait déjà dix grossesses recensées et la crèche ne compte que sept places.» «Dix grossesses, chez des gamines de 16 ans !» s’était étonné le directeur du journal, Raymond Lamont. estime le

Fin mai, les langues se sont déliées, lorsque le pédiatre et l’infirmière de l’établissement ont démissionné avec fracas. Brian Orr et Kim Daly dénoncent alors la politique du lycée qui refuse de distribuer des contraceptifs et des préservatifs aux jeunes sans le consentement de leurs parents. «Nous avons eu deux grossesses, puis dix, puis quinze, il fallait mettre un terme à ça», explique le docteur Brian Orr au Gloucester Times.

Blocus médiatique

C’est alors que Time a eu vent de l’histoire. Dans les colonnes du prestigieux hebdomadaire, le directeur du lycée, Joseph Sullivan, évoque alors la possibilité d’un «pacte» entre les jeunes filles. Il affirme que plusieurs grossesses sont intentionnelles. Certaines adolescentes sont venues passer des tests de grossesse à plusieurs reprises et elles semblaient ravies lorsqu’elles recevaient des résultats positifs. A l’inverse, plusieurs ont paru déçues face à des résultats négatifs.

La maire de la ville, Carolyn Kirk, rejette l’idée du pacte, tout en admettant que ni elle, ni aucun membre de la commission scolaire n’ont parlé aux filles ou à leurs parents. Le directeur de l’école est curieusement absent du point de presse. «Sa mémoire est embrouillée», justifie l’élue. Dans la foulée, Brian Orr, le pédiatre démissionnaire, et Sue Todd, la directrice de la crèche scolaire, nient avoir eu vent d’un arrangement entre les jeunes filles. Christopher Farmer, le directeur du département des écoles, revient sur ses premiers propos, et hasarde que le pacte a pu être conclu après coup : «Une fois enceintes, elles ont décidé de se soutenir mutuellement.»

Pour tenter de calmer le jeu, la maire impose un blocus médiatique, mais le mal est fait. «Nous sommes passés de la ville des pêcheurs à la capitale des grossesses adolescentes», ironise le journaliste Raymond Lamont. Gloucester, fière d’être le plus vieux port des Etats-Unis, fondé en 1623, se vantait jusqu’ici d’avoir servi de décor au film Capitaine courageux de Victor Fleming et, plus récemment, En pleine tempête, de Wolfgang Petersen, avec George Clooney. L’absence de déclarations officielles n’a fait qu’enflammer la rumeur. Après avoir été sommé de se taire par le maire, le directeur du lycée a reconfirmé, par un communiqué, sa version des faits. Il tient ses informations de l’infirmière scolaire, écrit-il, et de plusieurs conversations avec des élèves et des enseignants. Et toc pour «sa mémoire embrouillée» !

De son côté, Astrid af Klinteberg, ancienne conseillère municipale, en campagne pour un siège à l’assemblée législative de l’Etat du Massachusetts, dénonce les restrictions budgétaires. Elle critique en particulier le programme «No child left behind» de l’administration Bush, qui coupe les fonds des écoles publiques lorsque celles-ci n’atteignent pas un certain quota de réussite aux tests d’anglais et de maths. «Les écoles concentrent leurs ressources sur la préparation des examens et taillent dans le reste. Cela fait cinq ans que le lycée ne dispense plus d’éducation sexuelle digne de ce nom. Sans compter qu’ils insistent trop sur l’abstinence», pointe-t-elle. Astrid af Klinteberg réclame la distribution de contraceptifs, même contre l’avis des parents. Les autorités scolaires s’y opposent par peur de se mettre à dos une population, certes démocrate, mais majoritairement catholique et conservatrice sur les questions morales.

Pour le directeur du lycée, il s’agit d’un faux débat puisque les jeunes filles voulaient être enceintes. Certains parents ont, par ailleurs, été prompts à critiquer l’existence d’une crèche dans le lycée, qui inciterait les adolescentes à avoir des enfants. Des garderies gratuites assez répandues aux Etats-Unis. «Nous n’allons pas en plus punir ces jeunes mères en les privant d’une éducation qui les aidera ensuite à élever leurs enfants», enrage l’élu local Jason Grow, prêt à manifester si la crèche est menacée. Astrid af Klinteberg propose quand même de l’installer hors les murs scolaires, pour la rendre moins «visible».

 

Films, séries et célébrités

D’autres mettent en cause les médias et Hollywood en particulier. Le Centre national de prévention des grossesses adolescentes regrette ainsi la banalisation de ces grossesses, voire leur «glamourisation». Il cite le film Juno, consacré aux tribulations d’une lycéenne de 16 ans qui décide de mener sa grossesse à terme et place finalement son enfant dans une famille adoptive. Carol Weston, chroniqueuse au magazine pour ados GL, dit avoir reçu un important courrier d’adolescentes souhaitant être enceintes après avoir vu Juno.

Le Centre national de prévention estime que la presse people et les magazines pour ados ont tort d’encenser les célébrités enceintes, à l’instar de Jamie Lynn Spears, la sœur de Britney Spears, star d’une émission télévisée pour enfants, qui vient d’accoucher, à 17 ans. La chaîne ABC vient, elle, de lancer une nouvelle série sur un groupe de lycéens, dont l’une des héroïnes est enceinte.

Le filon a l’air de marcher, mais aucune étude ne corrobore le lien entre cette exposition médiatique et l’augmentation des grossesses adolescentes. Les experts notent seulement qu’après quinze ans de baisse ininterrompue, de 1991 à 2005, leur nombre a augmenté de 3 % à l’échelle du pays, en 2006. Chez les jeunes filles de 15 à 19 ans, le nombre de grossesses était de 72 pour 1 000 en 2004, contre 117 pour 1 000 en 1990, selon l’Institut Guttmacher de New York. Seulement 10 à 15 % de ces grossesses seraient désirées. Et deux fois plus d’adolescentes tombent enceintes dans la population noire et hispanique, que chez les Blancs (1).

S’i l est vrai que les grossesses adolescentes touchent davantage les milieux défavorisés, «à Gloucester, nuanceAstrid af Klinteberg, il y a aussi des filles issues de milieux aisés, dont les deux parents sont à la maison». Pour Bill, architecte, le coupable, c’est l’économie. «Quand les parents doivent trimer avec deux ou trois emplois pour finir leur mois, comment voulez-vous qu’ils soient présents pour leurs enfants ?»

(1) Ces chiffres tiennent compte des grossesses menées à terme ou interrompues par un avortement ou une fausse-couche.

http://www.liberation.fr/transversales/grandsangles/336218.FR.php

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