Mister Arkadin

Articles avec #katyn

VIVA WAJDA !

24 Janvier 2009, 01:04am

Publié par Mister Arkadin

N'ayant pas encore vu Katyn quand j'ai écrit le billet annonçant sa sortie prochaine dans les salles (à-ce-qu'on-dit... attendons pour voir !), je ne pouvais que me féliciter de son passage sur une chaîne numérique de Canal +. J'aurais cependant été embarrassé si le film lui-même n'avait pas été à la hauteur de son ambition, l'exclusion du "grand sujet" comme critère de la qualité d'une œuvre ayant heureusement été entérinée depuis longtemps par la critique française (au moins depuis un célèbre article de Claude Chabrol, ce si sérieux critique devenu un plaisant cinéaste, sinon un plaisantin). Je m'en serais presque voulu d'avoir semblé céder à l'indulgence que l'on observe fréquemment à l'égard de films ni faits ni à faire, mais dont on pense qu'il est toutefois bon qu'ils aient été faits, qu'ils soient par conséquent conseillés, vu l'importance que l'on prête au sujet traité. Point n'est besoin d'écrire qu'il était nécessaire qu'un film tel que Katyn existe, indépendamment de la qualité même de l'œuvre. En l'occurrence, elle est admirable, ce qui rend d'autant plus scandaleux le peu d'empressement à la distribuer en France (vu surtout le nombre de plus en plus élevé d'inepties encombrant les écrans, à tel point que même l'indulgent Ulysse fait plus souvent la grimace qu'un sourire dans Télérama de la semaine dernière).

Dieu sait pourtant si ce type de films, des fictions réalisées par des cinéastes confirmés à partir de l'histoire dramatique de leur famille et de leur peuple, a pu donner le meilleur comme le pire, en passant par le médiocre, tant l'entreprise est délicate, et même casse-gueule. Le meilleur avec le chef-d'œuvre d'Atom Egoyan (Ararat), Les Violons du bal de Michel Drach et l'un des rares films de Kazan encore à peu près regardables (America America), le médiocre avec La Liste de Schindler de Steven Spielberg, Le Pianiste de Roman Polanski (entre autres pour la raison que je donne ici) ou Mayrig de Henri Verneuil, le pire avec Un secret (qui passe en ce moment sur Canal), le film du sympathique Claude Miller, qui, s'il ne méritait tout de même pas les cris d'indignation des journalistes de l'émission « Tout arrive » (sur France Culture), pas pour les bonnes raisons qui plus est, constitue sans doute le "film de trop" sur la Shoah - ceci dit en plagiant Tony Judt (« Trop de Shoah tue la Shoah », Le Monde diplomatique, juin 2008, p.22-23).

Wajda ne risquait certes pas de réaliser la fiction de trop sur les crimes du stalinisme, vu leur nombre somme toute on ne peut plus restreint. Mais, vu la cote déplorable dont il jouit aujourd'hui auprès de la critique française, inversement proportionnelle à celle dont il était crédité jusqu'à Danton, on pouvait se demander s'il réaliserait le film qu'il fallait. Il l'a fait !


PS : Wajda avait réalisé en 1990 le documentaire Dans la forêt de Katyn.

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TU N’AS RIEN VU À KATYN

11 Janvier 2009, 23:58pm

Publié par Mister Arkadin

Le titre de ce billet est idiot, mais je n'ai rien trouvé de mieux pour rendre hommage à Duras, dont Un barrage contre le Pacifique, l'un de ses rares livres potables (avec La Douleur, à mon avis), vient de faire l'objet d'une adaptation par Rity Pahn, sortie en salles depuis peu (et faisant l'objet de moult émissions de radio). Quand sera-t-il visible en DVD ou à la télévision ? La question est en suspens, puisque le CNC, fort de deux études sur les délais de diffusion des films inédits à la télévision (juillet 2008) et de diffusion en vidéo (octobre 2008), propose aux professionnels du cinéma un raccourcissement de ces délais (cf. Libération du 8 janvier 2009 et ci-dessous).

Mais au fait, qu'en est-il des films de cinéma qui passent d'abord à la télévision avant d'être projetés en salles (dans le circuit commercial s'entend, le cas des festivals ou des projections spéciales étant différent) (1) ? Basile de Koch, dans sa chronique « Télésubjectif » de Valeurs actuelles (2 janvier 2009, p.63), attire l'attention sur le cas de Katyn, le film d'Andrzej Wajda, qui passe en ce moment, un peu en catimini, sur une chaîne numérique de Canal + (C+ Cinéma) (2). Que les chanceux qui sont abonnés à cette chaîne ou qui ont quelque généreux ami pour l'enregistrer et le graver pour eux en profitent. Car si BdK, dans son article « Katyn massacré », peut paraître excessif en parlant de « lèse-mémoire, ou plutôt de lèse-Histoire » et en se demandant « pourquoi ce carnage planifié reste [...] tabou, soixante-dix après, en France et nulle part ailleurs » (alors même qu'un film à la gloire du si romantique Che est complaisamment vanté un peu partout - ce n'est pas si fréquent que les Cahiers et Positif accordent leur couv !), l'annonce de la sortie de Katyn pour ce printemps, voyez comme les distributeurs se sont bousculés, doit être prise avec des pincettes. Je n'y croirais pour ma part que le jour où j'aurai le film sous les yeux, dans un cinéma de la région parisienne. Il n'est pas rare en effet qu'un film dont le passage à la télévision est sensé précéder une sortie en salles ne sorte finalement jamais (remember la splendide Vie de Marianne de Benoit Jacquot). Comme j'aimerais avoir eu tort quand j'ai déclaré voici quelques mois au "Libre journal du cinéma" que La Vie des autres avait certes reçu un accueil critique relativement bienveillant, quoiqu'il n'ait pas manqué de faire grincer quelques dents (3), mais qu'il fallait bien profiter d'une œuvre remarquable sur les méfaits du système communiste, car, sur ce sujet, un film pouvait passer entre les mailles du filet, mais sans doute pas une série.

Quoi qu'il en soit, de la même façon que Daniel Bermond a retracé dans le dernier numéro de L'Histoire (janvier 2009, p.20-21) l'itinéraire d' « Alexandra Viatteau, la Dame de Katyn », qui « se bat depuis trente ans pour que soit reconnu ce massacre », la genèse, le parcours, l'exploitation (à tous les sens du terme, ne tarderont pas à dire les gardiens du temple) et les diverses réceptions de Katyn mériteraient d'être analysés en détails tant ils sont aussi instructifs que le film lui-même.


Notes :

(1) Quelques séances spéciales : l'exemple du Katyn de Wajda, d'après l'Imdb et Beskid.

(2) N'aurait-il pas été approprié qu'Arte prît les devants en montrant ce film européen, elle qui diffusa, si mes souvenirs sont bons, un documentaire de Wajda sur le même sujet durant les années 1990 - peut-être était-ce "La Sept" (une édition en vidéo avait suivi, me semble-t-il) ?

(3) J'ai souvenir d'un séminaire d'histoire où telle professeuse d'université (la dame est férue de féminisme et de "gender studies", respectons donc ses marottes) ne semblait voir que des défauts dans La Vie des autres, le plus objectivement du monde et certainement pas pour cause d'un philo-communisme digne de Sadoul, cela va de soi.


Liens complémentaires :

- « Katyn, un film toujours pas sorti d'Andrzej Wajda » ;

- « Le succès du film Katyń de Andrzej Wajda en Pologne et à l'international » ;

- « Beskid. La Pologne Online » ;

- « Katyn d'Andrzej Wajda : le cinéma aide-mémoire » (Blog de "Zéro de conduite") ;

- Alexandra Viatteau, « Le déminage des archives » ;

- une critique sur Objectif-cinema ;

- en attendant le film, quelques actualités peuvent être regardées en ligne, en particulier sur le site de l'Ina (ici et ), ou sur Dailymotion, avec notamment la présence près des charniers de l'écrivain, journaliste et critique de cinéma Robert Brasillach (ici), dont le reportage retour de Pologne, d'après certains de ses biographes, n'aurait pas été totalement étranger à son élimination après guerre, sans que cela puisse probablement jamais être prouvé définitivement.


Libération, 8 janvier 2009, « Le temps bref d'un film », p.25 :

Dans moins de trois mois, la France devra se doter d'une nouvelle chronologie des médias. Le Centre national du cinéma (CNC) a publié une lettre destinée aux professionnels pour les inviter à une réflexion globale visant à raccourcir les délais entre la sortie en salles d'un film et son exploitation sous forme de DVD, vidéo à la demande (VOD), passage sur une chaîne cryptée puis, enfin, diffusion sur une chaîne gratuite non cryptée.

Aujourd'hui, le système français est le seul au monde qui accorde autant de temps à la durée d'un film. Six mois après sa sortie en salles, il peut sortir en DVD, tandis qu'il faut attendre trente-trois semaines, près de huit mois, pour qu'il soit accessible en VOD, sous forme d'un achat définitif ou temporaire. Il peut ensuite être diffusé sur une chaîne cryptée, en l'occurrence Canal +, douze mois après la sortie en salles. Les autres chaînes de télévision, elles, doivent attendre vingt-quatre mois (délai ramenable à dix-huit mois en cas d'accord particulier) si elles sont coproductrices du film et trente-six mois si elles n'ont pas participé à son financement.

Demandé avec insistance par plusieurs acteurs du secteur, comme le Syndicat national de l'édition vidéo numérique, ce raccourcissement des délais est souvent présenté comme une amélioration sensible de l'offre légale. C'est surtout l'une des recommandations principales faites aux professionnels par le texte de la loi «Création et Internet», visant à réduire le téléchargement illégal.

La proposition du CNC consiste en premier lieu à fixer la sortie d'un film en vidéo (DVD et VOD) quatre mois après son apparition en salles. En ce qui concerne la télévision payante, autrement dit Canal +, bailleur de fonds majeur du cinéma, le délai serait raccourci de deux ou trois mois, amenant la diffusion du film neuf mois après l'exploitation en salles. La même mécanique serait appliquée aux chaînes gratuites, qu'elles soient coproductrices ou non, avec un raccourcissement de quatre à cinq mois. Dernier point : la séance de rattrapage, dite catch up, qui permet aux chaînes de mettre à disposition le film quelques jours après sa diffusion via son site Internet, serait fixée à une période de sept jours.

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