VIVA WAJDA !
N'ayant pas encore vu Katyn quand j'ai écrit le billet annonçant sa sortie prochaine dans les salles (à-ce-qu'on-dit... attendons pour voir !), je ne pouvais que me féliciter de son passage sur une chaîne numérique de Canal +. J'aurais cependant été embarrassé si le film lui-même n'avait pas été à la hauteur de son ambition, l'exclusion du "grand sujet" comme critère de la qualité d'une œuvre ayant heureusement été entérinée depuis longtemps par la critique française (au moins depuis un célèbre article de Claude Chabrol, ce si sérieux critique devenu un plaisant cinéaste, sinon un plaisantin). Je m'en serais presque voulu d'avoir semblé céder à l'indulgence que l'on observe fréquemment à l'égard de films ni faits ni à faire, mais dont on pense qu'il est toutefois bon qu'ils aient été faits, qu'ils soient par conséquent conseillés, vu l'importance que l'on prête au sujet traité. Point n'est besoin d'écrire qu'il était nécessaire qu'un film tel que Katyn existe, indépendamment de la qualité même de l'œuvre. En l'occurrence, elle est admirable, ce qui rend d'autant plus scandaleux le peu d'empressement à la distribuer en France (vu surtout le nombre de plus en plus élevé d'inepties encombrant les écrans, à tel point que même l'indulgent Ulysse fait plus souvent la grimace qu'un sourire dans Télérama de la semaine dernière).
Dieu sait pourtant si ce type de films, des fictions réalisées par des cinéastes confirmés à partir de l'histoire dramatique de leur famille et de leur peuple, a pu donner le meilleur comme le pire, en passant par le médiocre, tant l'entreprise est délicate, et même casse-gueule. Le meilleur avec le chef-d'œuvre d'Atom Egoyan (Ararat), Les Violons du bal de Michel Drach et l'un des rares films de Kazan encore à peu près regardables (America America), le médiocre avec La Liste de Schindler de Steven Spielberg, Le Pianiste de Roman Polanski (entre autres pour la raison que je donne ici) ou Mayrig de Henri Verneuil, le pire avec Un secret (qui passe en ce moment sur Canal), le film du sympathique Claude Miller, qui, s'il ne méritait tout de même pas les cris d'indignation des journalistes de l'émission « Tout arrive » (sur France Culture), pas pour les bonnes raisons qui plus est, constitue sans doute le "film de trop" sur la Shoah - ceci dit en plagiant Tony Judt (« Trop de Shoah tue la Shoah », Le Monde diplomatique, juin 2008, p.22-23).
Wajda ne risquait certes pas de réaliser la fiction de trop sur les crimes du stalinisme, vu leur nombre somme toute on ne peut plus restreint. Mais, vu la cote déplorable dont il jouit aujourd'hui auprès de la critique française, inversement proportionnelle à celle dont il était crédité jusqu'à Danton, on pouvait se demander s'il réaliserait le film qu'il fallait. Il l'a fait !
PS : Wajda avait réalisé en 1990 le documentaire Dans la forêt de Katyn.