Mister Arkadin

DE LA BURQA AU CINÉMA

30 Août 2009, 23:05pm

Publié par Mister Arkadin

La burqa faisant polémique le printemps dernier, le législateur s’en est emparé à la demande expresse de l’exécutif, sans que puisse être clairement déterminé si la polémique a engendré la préoccupation du pouvoir ou si c’est cette dernière qui avait engendré la polémique. En tout état de cause, sur ce sujet comme sur bien d’autres touchant la société française, le cinéma a accompagné, sinon précédé le mouvement. Car, parmi les arguments expliquant la méfiance qu’inspire ce vêtement figure, de manière plus ou moins explicite et plus ou moins fantasmagorique, le paravent qu’il pourrait fournir à des terroristes ou à des trafiquants pour camoufler des explosifs ou des stupéfiants. Or, dans le film d’Éric Rochant, L’École pour tous, sorti le 18 octobre 2006 et désormais disponible en DVD, Arié Elmaleh interprète Jahwad, un grand dadais de banlieue magouilleur qui dérobe une burqa pour se camoufler et échapper à la police. Le film se voulant humoristique (« une comédie d’imposture », selon Rochant), nous sommes priés de ne voir là qu’une plaisanterie et non une forme de stigmatisation de la population musulmane. Ne voyons aucune malice à ce qu’un acteur juif interprète ce petit loubard maghrébin, pas plus qu’il ne faut trouver étrange qu’un autre interprète juif, l’Israélien Tomer Sisley (devenu depuis célèbre pour son premier rôle dans Largo Winch, un "blockbuster" à la française célébrant le cosmopolitisme), ait été choisi par Frédéric Schoendoerffer pour interpréter, dans Truands, Larbi, un malfrat musulman sans loi mais avec foi qui déclare avec un sourire : « l’Islam n’est pas incompatible avec les affaires… » (je cite de mémoire). Après tout, selon le vœu formulé par Djamel Debbouze dans un entretien publié par Studio en septembre 2008, il faudrait davantage de juifs à l’écran (ainsi que plus de "rebeus", "renois" et "chinois"). Y compris pour jouer des rôles de musulmans malhonnêtes, donc, sans qu’il faille penser que cela puisse contribuer à jeter de l’huile sur le feu. Son pote Tomer Sisley, dont Debbouze encouragea la carrière dans le stand-up, n’était-il pas tout désigné pour ce rôle, lui qui signa un sketch dans lequel son personnage se déclarait « mi-juif, mi-arabe » (1), ce qui lui valait d’être écartelé entre les parties arabe et juive de sa famille ? Voici l’une des blagues que cette situation engendrait : « Je suis juif et arabe ; je ne sais pas si vous imaginez le nombre d’ennemis que je peux avoir sur terre. 50 % arabe, pour un Juif, c’est de toute façon déjà trop. Et 1 % juif, pour un Arabe, c’est juste impensable ! » Il n’est pas expliqué pourquoi est subrepticement rompue la symétrie du sketch, qui se présente comme antiraciste. Gageons que Steven Spielberg, s’il devait réaliser un film sur les aventures de son ancien ami Bernard Madoff, ne manquerait pas de choisir Saïd Taghmaoui pour l’interpréter. Quelqu’un y trouverait-il à redire s’il lui faisait en outre déclarer que « le judaïsme n’est pas incompatible avec l’escroquerie » ?

http://www.pathefilms.ch/libraries.files/Truands01.jpg

(1) Ce sketch, qui peut être vu sur Dailymotion, a suscité l’article « Tomer Sisley's tour de force » dans le journal israélien Haaretz (25 mars 2004).


Liens complémentaires :

- Tomer Sisley sur son sketch ;

- Article et dossier sur le site d’"Arrêt sur images" ;

- Point de vue d’Elisabeth Lévy sur "Causeur" ;

- Entretien avec Agnès De Féo sur "Cinématique" ;

- Entretien avec l'actrice Sophie Guillemin sur sa décision de porter le voile, sur France Info ;

- braquage en burqua.