Mister Arkadin

LE "FAUX GRAND ART" DE CARCO

26 Décembre 2008, 00:02am

Publié par Mister Arkadin

Marc Laudelout, dans son indispensable Bulletin célinien (n°303, décembre 2008, p.21), nous rappelle que le poète et romancier François Carcopino, dit Carco, est mort à Paris il y a cinquante ans, en profitant de cet anniversaire pour faire le point sur ses rapports avec Céline. Laudelout juge l'homme Carco peu sympathique, notamment parce qu'il rejoignit le camp des Intransigeants à la Libération, sans un mot de soutien pour les relations vichyssoises qui auraient facilité son exil et celui de son épouse juive en Suisse fin 1942, ni pour Brasillach (dont il refusa de signer la pétition de grâce).

Ce ne sont pas ses propos peu amènes pour le cinéma qui nous le rendront plus sympathiques. À la fin des années 1930, notamment dans le texte que je reproduis ci-dessous (1) (2), Carco fit mine de s'y être intéressé (« nous avons cru jadis en lui »), après s'en être fait le détracteur une dizaine d'années auparavant. Charles Chaplin fut l'une de ses cibles privilégiées, comme je l'ai rappelé dans mon livre sur les premières batailles critiques que connut le cinéma durant les années 1910-1920 (chapitre « La querelle de 1927 », p.176). Il avait par exemple déclaré à Cinémagazine (26 février 1926, n°9, p.421-422) qu'il n'aimait guère Charlot, puis confié à Frédéric Lefèvre, lors d'un entretien qui fut publié par Les Nouvelles Littéraires le 14 août 1926 (p.1-2), qu'il approuvait tout à fait l'attaque d'André Suarès (3) contre Chaplin et qu'il considérait lui-même que « Charlot, [c'était] l'effet, la grimace, le clin d'œil de complicité avec le public ou le metteur en scène, la roublardise, la fausse pitié, le faux grand art ».

Carco mérite sans conteste de figurer dans l'anthologie de textes cinéphobes de langue française que je prépare (sous le titre Contre le cinéma... tout contre, en hommage à qui vous savez).

Cependant, si une association des amis ou lecteurs de Carco se constituait, elle pourrait aussi s'intéresser à ses rapports au cinéma tels qu'ils ont été suivis par les hebdomadaires des années trente, dont Pour vous, l'index Calenge donnant à ce sujet les références suivantes :

- Pour Vous, n°151, 8 octobre 1931, p.11 : article de Jean Lasserre ;

- n°379, 20 février 1936, page 8 : « Ceux du milieu » (entretien avec Francis Carco) ;

- n°478, 12 janvier 1938, p.11 : « Francis Carco nous parle de "Rue sans issue" dont il a rédigé les sous-titres » (propos recueillis par Jean Vidal)

- n°495, 11 mai 1938, p.11 : « Où Francis Carco interprète le rôle de Francis Carco » (dans Prisons de femmes, de Roger Richebé), entretien.


(1) Ce texte de la brochure Mieux Vivre (n°2, février 1938), que sa conservation à la bibliothèque de l'IDHEC permit d'être connu des historiens du cinéma, ainsi que sa reproduction dans Les Cahiers de la cinémathèque (n°5, p.2-3), a déjà été repris dans Positif (n°480, février 2001, p.44-45).

(2) Ainsi que dans une série d'articles parus en 1937 dans Le Figaro.

(3) Suarès parlait pour sa part du « cœur ignoble de Charlot ».