Mister Arkadin

FORD

26 Novembre 2008, 00:05am

Publié par Mister Arkadin

Avec un nom pareil, Ford, Charles de son prénom, semblait prédestiné à devenir historien du cinéma. Mais sa mauvaise réputation en la matière, et plus encore en matière idéologique (il n'était pas franchement d'extrême-gauche...) (1), ne le destine en rien à servir de "bréviaire" (2) dans la découverte du cinéma par un adolescent. Voici pourtant ce qu'a déclaré Frédéric Taddeï à Valeurs actuelles (20 novembre 2008, p.86) (3) : « Á 14 ans, j'avais lu comme un bréviaire l'Histoire du cinéma de Charles Ford et, à 20, je me suis dit qu'il fallait que je vive intensément ce que j'avais vu au cinéma. »

Frédéric Taddeï confirme, une fois de plus, à la fois son anti-conformisme et son absence de crainte du quand-dira-t-on, sa curiosité et son érudition, en bref la richesse de sa personnalité. Il sait toutefois laisser en sourdine celle-ci quand il mène ses entretiens, que ce soit dans son émission d'Europe 1 (« Regarde les hommes changer », tous les samedis, après avoir été diffusée tous les jours en semaine) ou dans son émission de France 3 (« Ce soir ou jamais »). Alors même que je préfère ordinairement la formule de la première de ces deux émissions (un dialogue, qui permet à l'invité de s'exprimer relativement longuement et sans être interrompu à tout bout de champ), c'est dans la seconde (un débat réunissant un assez grande nombre d'intervenants) que le talent de Taddeï s'épanouit totalement, tant il est miraculeux de réaliser une émission aussi structurée et pertinente dans de telles conditions et surtout à la télévision, où il fait figure d'exception. Quoi qu'il en soit, l'autre formidable qualité de Taddeï est son audace dans le choix des invités, le plateau où il a réuni Edwy Plenel et Alain de Benoist, le 16 mai 2007 (sur l'héritage de Mai 68), étant probablement son coup de maître (qui montrait de plus la magnanimité de l'un et l'opportunisme de l'autre, ce dernier étant trop vaniteux pour refuser une invitation à la télévision et trop désireux de promouvoir les livre et site qu'il venait de publier et de lancer pour refuser de se retrouver confronté à un intellectuel qu'il avait contribué, dans une campagne de lynchage orchestrée par Le Monde quinze ans auparavant, à éjecter des médias dominants).

Le principal inconvénient des émissions de Taddeï finalement, c'est qu'elles ne permettent pas de l'entendre s'exprimer en son propre nom. Heureusement que son succès nous permet de lire de temps en temps des entretiens où il fait les réponses, et non plus les questions !


(1) Un procès l'a à ce propos opposé à la presse de gauche, qui en fit sa tête de Turc durant les années 1970, pour des raisons dont je ne me souviens plus exactement, mais sur lesquelles je reviendrai peut-être un de ces jours. Il donnait alors des verges pour se faire battre, en collaborant à Éléments, la revue de la « Nouvelle Droite » honnie, et en publiant une biographie favorable à Leni Riefensthal, ce cinéaste dont une bonne partie de la presse a accueilli la mort avec soulagement, sinon avec joie (« Enfin ! », fut-il écrit dans le « Bloc-notes » de Positif).

(2) L'emploi de ce terme convient cependant parfaitement pour Charles Ford, auteur d'un Bréviaire du cinéma, au demeurant représentatif de son œuvre : une documentation riche et abondante (en l'occurrence un recueil de citations diverses sur le cinéma), agréablement présentée, mais difficile à utiliser (les références n'étant données que de façon parcimonieuse ou incomplètes, et parfois erronées). Quant à cette Histoire du cinéma que Taddeï mentionne, difficile d'identifier avec certitude de quel volume il s'agit, tant Ford a publié d'ouvrages d'histoire du cinéma (et du western !), seul ou avec René Jeanne, en gros volumes ou en éditions de poche.

(3) Pour un ancien d'Actuel (remember le beau supplément « Un siècle de films X » qu'il avait conçu en avril 1991 avec Frédéric Joignot, Stéphane Bourgoin et Henri Gigaix), donner un entretien à Valeurs actuelles, n'est-ce pas déjà une preuve d'ouverture d'esprit ? Pas si étonnant que cela, ceci dit, quand on se rappelle qu'il collabora aussi à L'Idiot international.