Mister Arkadin

LE ROMAN DE LA CINÉPHILIE

1 Septembre 2008, 23:01pm

Publié par Mister Arkadin

« On ne peut imaginer aujourd’hui une littérature sans trace du cinéma
et le jour est lointain où l’on s’essaiera à un cinéma sans littérature. »
Paul Fournel
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Un ami m’a récemment donné la meilleure définition de la cinéphilie que je connaisse. Un cinéphile, c’est quelqu’un qui organise sa vie afin d’être en mesure de voir le plus de films possibles. Mon emploi du temps n’ayant été principalement déterminé par ce facteur que durant quelques années de ma vie, je reconnais bien volontiers ne pas être, de ce point de vue, un véritable cinéphile. Il me faudrait proposer une définition moins exigeante pour me rattraper. Le cinéphile serait quelqu’un qui voit au moins un film par jour (de façon absolue ou en moyenne). Il lui faudrait sa ration quotidienne de cinéma. Un autre gage de cinéphilie est à mon avis la façon dont un passionné de cinéma ne peut s’empêcher de mettre en relation quasiment tous les événements avec le septième art (1). Cela en devient à la longue agaçant. C’est toujours mieux que de n’avoir pour centre d’intérêt que le cinéma. Au moins ce cinéphile-là s’intéresse-t-il à autre chose, comme le préconisait Éric Rohmer, pour qui une cinéphilie exclusive était pathologique.

Je suis de très loin les rentrées littéraires. Comme de juste, en feuilletant distraitement les pages que Le Nouvel Observateur a consacré aux livres à venir dans son édition du 21 août 2008, c’est le titre « Chaînes conjugales », page 76, qui a attiré mon attention (page 70, la photo d’Isild Le Besco, une actrice et cinéaste, d’après ce que je me suis laissé dire, ne m’a curieusement pas du tout arrêté). Il est question dans cet article du roman Paradis conjugal d’Alice Ferney. Celui-ci s’inspire ouvertement de Chaînes conjugales. Les écrivains français ont décidément une prédilection pour les films de Mankiewicz, Tanguy Viel ayant pour sa part écrit tout un roman à partir du Limier (Sleuth). Il l’intitula Cinéma. Voici au moins un roman dont le titre pourrait attirer le plus borné des cinéphiles !


P.S. : Dans le numéro suivant du Nouvel Observateur, c'est comme de juste le compte rendu des Accommodements raisonnables, roman de Jean-Paul Dubois se déroulant en partie à Hollywood, qui a attiré mon attention. De même, dans les nouveautés en poche, c'est bien sûr Un roman russe d'Emmanuel Carrère qui me tente.

Complément : La Beauté du monde, de Michel Le Bris (Éditions Grasset), évoque aussi le cinéma, à travers l'aventure de cinéastes.

Note :

(1) (7 septembre 2008) Cela vaut bien sûr aussi pour toute évocation d'un pays, que l'on reliera immédiatement à sa cinématographie. Une page de publicité pour Taïwan, dans Le Monde 2 d'hier, me rappelle instantanément que j'aurais voulu faire mon service militaire dans le pays d'Edward Yang, Hou Hsiao-Hsien et Tsaï Ming-Liang, ce qui n'était pas possible, Taïwan, non reconnu par l'ONU, n'ayant pas d'accord en ce sens avec la France.


Complément (25 avril 2009) : Dans « Citizen Cannes » (L'Histoire, n°342, mai 2009, p.98), Pierre Assouline décrit ce phénomène à propos des mémoires de Gilles Jacob (La vie passera comme un rêve, Robert Laffont) : « Mû par un véritable réflexe conditionné, l'auteur associe ce qu'il voit à ce qu'il a visionné. Toute réalité est aussitôt historicisée par le biais quasi exclusif du cinéma. Rencontre-t-il une femme les cheveux roulés dans une serviette lavande nouée au-dessus de la tête qu'il croit voir Lana Turner dans Le facteur sonne toujours deux fois. »