Mister Arkadin

PRÉSENCE DU CINÉMA DANS LES VARIÉTÉS DE ROGER NIMIER

10 Janvier 2008, 23:17pm

Publié par Mister Arkadin

 

Les revues de jazz, notamment Ascenseur-pour-l---chafaud.jpgJazz Magazine (dans son numéro de décembre 2007), célèbrent le cinquantenaire d’Ascenseur pour l’échafaud, sorti à Paris le 29 janvier 1958.
Plusieurs émissions de radio l'on également fait de belle façon, comme "L'heure du jazz", sur RTL, qui a accueilli René Urtreger et Raymond Forlani le 16 décembre 2007 (émission disponible ici).

 

Les dialogues de ce film étant signés Roger Nimier, rendons hommage à ce dernier à notre façon, en reproduisant le compte rendu d’un de ses ouvrages posthumes, paru dans Jeune cinéma (n°289, mai-juin 2004, p.70-71). Nous n’avions pu y faire figurer à l’époque l’index des noms et titres relatifs au cinéma évoqués par Nimier dans ses articles, que nous avions préparé et qui trouve donc sa place ici.


Roger NIMIER, Variétés. L’air du temps (1945-1962), textes choisis et présentés par Marc Dambre, Paris, Arléa, mars 2003, 280 p.

Nous autres cinéphiles ne pouvons que nous réjouir que Marc Dambre, responsable d’une sélection d’articles de Roger Nimier publiée l’année dernière, ait retenu trois textes sur le cinéma, alors que l’écrivain et journaliste, figure de proue du mouvement des "Hussards", ne fut jamais vraiment un critique de films régulier.

Le premier, paru en mars 1952 dans l’hebdomadaire Carrefour, pour lequel Nimier tint par intérim la chronique de cinéma, est un compte rendu assez classique d’un film de Carol Reed (Le Banni des îles) : résumé, comparaison avec le roman de Joseph Conrad, puis avec le film le plus célèbre de Reed (Le Troisième Homme), propos sur les acteurs, jugement esthétique. Retenons-en surtout une phrase, « Un jour, un garçon ingénieux inventera le cinéma muet. »Le-Banni-des---les.jpg, qu’aurait pu reprendre à son compte Robert Bresson, lui qui déclara (je cite de mémoire) : « Si le cinéma était né en Cinémascope, l’écran normal aurait été une grande invention. » La même nostalgie pour l’âge d’or du cinéma muet se retrouve dans le second, l’éloge des Lang, Eisenstein, Clair des années 1920 répondant à la stigmatisation des cinéastes de 1954, incapables de réaliser autre chose que du « roman photographié », après avoir servi du « théâtre photographié ». « De quoi souffre le cinéma ? de bêtise », va jusqu’à titrer Nimier, au risque de passer pour cinéphobe. Le plus savoureux est de loin le troisième, « Festival de quartier » (Arts, 9 septembre 1959), compte rendu d’une semaine vénitienne où les jugements de Nimier contredisent allègrement les réputations. « Rien n’est plus insipide que cette succession d’interrogatoires », écrAnatomy-of-a-Murder.jpgit-il par exemple d’Anatomie d’un meurtre, où « le gentil James Stewart pratique deux attitudes : les coups de poing sur la table et les regards en dessous. » Quant à Ingmar Bergman, il a, « bien entendu », « écrit "le scénario le plus original". Il en fera soixante encore, comme cela. »

 

Cela est bel et bon, mais le bilan demeurerait assez maigre si l’index, établi par nos soins, des noms et titres relatifs au cinéma cités par Roger Nimier dans l’ensemble des textes du recueil ne prouvait que l’intérêt du romancier pour le cinéma était suffisamment grand pour transparaître dans nombre de ses écrits journalistiques. Sans doute l’importance sociale qu’il revêtait dans les années 1950-1960 était-elle devenue si forte que les références au cinéma étaient monnaie courante dans la presse de l’époque. Toutefois, dans le cas de Nimier, cet intérêt fut loin d’être anecdotique dans son œuvre, comme l’a montré Philippe d’Hugues dans deux études (1), assez complètes quoique brèves. Il fut au contraire persistant et prit divers aspects. La forme la plus "noble" en est bien sûr sa participation à l’écriture de scénarios, la collaboration avec Louis Malle étant la plus célèbre (Ascenseur pour l’échafaud). Mais de nombreuses remarques et réflexions éparses de Nimier sur le cinéma (2), et non pour le cinéma, peuvent être glanées dans toutes sortes de textes que cette édition de poche rend très abordables.

 

Contentons-nous de signaler les plus récurrentes. D’abord une attention particulière aux acteurs, surtout les artistes féminines pour tout dire. Elle donne lieu à deux beaux portraits de Marlène Dietrich, dont Nimier loue la « voix faite de cendres chaudes et de larmes cristallisées » (à la faveur du passage de "Mlle Dietrich" à l’Olympia en 1962), et d’Arletty, dont la beauté sur scène en février 1962 « fait pâlir les étoiles » : « Marie-Aline Monroe [sic !] n’est plus qu’une excroissance de bonne humeur sur fond de bouillie lactée. Brigitte Bardot, un gentil petit chiffon un peu dodu. Sarah Bernhardt, un nasillement charbonneux ». Les acteurs ne sont toutefois pas en reste, Nimier les convoquant par exemple pour définir « le Dom Juan ténébreux », « intermédiaire entre Rudolf Valentino et Jean Marais ». L’autre principale caractéristique du discours de Nimier sur le cinéma est d’être inspirée par l’idée que le spectateur se projette dans ce qu’il voit sur le grand écran, et qu’en retour sa vie en est influencée. Ainsi, le cinéma est-il « bienfaisant », en donnant « aux spectateurs des deux sexes l’idée d’être amoureux, puisque des personnes aussi considérables que Lauren Bacall, Anna Magnani ou Trevor Howard le sont continuellement » (1952). Nimier, qui, en 1954, classe le cinéma parmi « les industries qui veulent nous garder éveiller », décrit également le succès de « la pellicule de cellulose », « produit chimique qui vaut l’anisette, pour bercer l’ennui des légionnaires. », mais aussi pour constituer « le film imaginaire » de tel ou tel lieu, pour ceux qui n’y ont jamais mis les pieds. Car c’est somme toute comment le cinéma en est venu à faire partie de l’imaginaire d’une société et de "l’air du temps" qu’au fil d’une lecture constamment plaisante nous invite à découvrir Variétés.

 

(1) Deux études de Philippe d’Hugues (que nous remercions de nous les avoir communiquées) : « Roger Nimier spectateur », Cahiers Roger Nimier, n°5, 1987, p.16-19 (suivi d’un choix de critiques de Roger Nimier, dont certains ne sont pas repris dans le recueil Variétés) ; « Roger Nimier au temps de la "caméra-stylo" », Roger Nimier quarante ans après Le Hussard bleu, acte du colloque international organisé par l’Association des Cahiers Roger Nimier et la Bibliothèque nationale de France, 1990, p.231-240.

 

(2) Cette diversité des interventions de Nimier sur le cinéma rejoint celle des supports de presse ayant accueilli ses articles : Opéra, Elle, Nouveau Fémina, Arts, Nouveau Candide, etc.



Index :

À double tour 78, 80
Amants (Les) 80, 85
Anatomie d’un meurtre 81
Arletty 247-249 – Mlle Arletty 249
Banni des îles (Le) 27
Bacall (Lauren) 32
Bardot (Brigitte) 114, 247
Barrault (Jean-Louis) 217
Becker (Jacques) 84, Becker 85
Bergman (Ingmar) 85, 87
Bernhardt (Sarah) 247
Borges 85
Brasillach (Robert) 113
Bresson (Robert) 84 – Bresson 85
Buñuel 258
Cabiria 83
Cadets de l’océan (Les) 120
Carol (Martine) 44
Casanova 80, 81
Cayatte (M. Cayatte) 44
Chabrol 77, 80 – Chabrol (Claude) 78, 79, 85
Chevalier de Maison-Rouge (Le) 84
Clair (René) 45, 80, 85, 113

Clouzot 81
Complicité 85
Conrad (Joseph) 29
Cuirassé Potemkine (Le) 45
Darrieux (Danielle) 87
Davis (Bette) 22
Decae 79
Diable au corps (Le) 25
Dietrich (Marlène) 22, 113, 114 – Mlle Dietrich 114-116, 202
Donogoo 215
Drôle de drame 217
Eisenstein 45
Enfants du paradis (Les) 217
Fin d’un joueur (La) 83
Fresnay (Pierre) 233, 234
Garbo (Greta) 133, 134, 232
Gegauff (Paul) 79
Goldwyn (Samuel) 47
Hitchcock 79
Howard (Trevor) 29, 32
Iles (Francis) 85
Immortel (L’) 85
Inconnus dans la maison (Les) 81
Josselyn (André) 79

Kerima 29
Lang (Fritz) 45
Lawrence 233
Lollobrigida (Gina) 44, 40
Loren (Sophia) 40
Lourau (M. Lourau) 47
Lualdi (Antonella) 79, 80
Magnani (Anna) 32
Malle (Louis) 80, 85
Manon 25
Marais (Jean) 225
Marie Tudor 83
Mille et Une Nuits (Les) 80
Mon Petit Homme à moi 46
Morand (Paul) 41
Moreau (Jeanne) 87
Morgan (Michèle) 22
Nous autres, les hommes 46
Païsa 87
Paqui (Jean) 120
Pastrone 83
Peck (Gregory) (M. Peck) 226
Préméditation 85
Preminger 81, 82

Raimu 81
Rank (M. Rank) 47
Reed (Carol) 27, 28, 29
Richardson (Ralph) 29
Robinson (Madeleine) 79, 87
Roman d’un tricheur (Le) 83
Rossellini 78, 87
rossellini (les) 77
Sorcier ajourné (Le) 85
Stewart (James) 82, 87
Tant qu’il y aura des hommes 45
Terreur du Far West (La) 46
Thérèse Lacerteux 46
Tissier (Jean) 29
Troisième Homme (Le) 16, 28
Trou (Le) 84
Valentino (Rudolph) 225
Végétarien, mon frère ! 44
Vie de saint Jean 81
Vilar (Jean) 29
Viridiana 258
Visage (Le) 85
Wagner 80
Welles (Orson) 233