LE POUVOIR AUX ACTEURS ET RÉALISATEURS
D'emblée, je dois avouer ne pas avoir vérifié la composition des jurys des précédentes éditions du festival de Cannes. Toutefois, le fait marquant du jury de cette année me semble être la présence exclusive d'acteurs et de réalisateurs, voire d'acteur-réalisateur, à l'image de son président. Tout autre profession du cinéma a été exclue, alors qu'un jury équilibré devrait être également composé de techniciens du cinéma (monteurs, cascadeurs, étalonneurs, etc.), de financiers (producteurs, exploitants, etc.), de médiateurs (agents, critiques, etc.), etc.
La prééminence absolue accordée au réalisateur dans le système français et celle de l'acteur dans le système américain se renforcent l'une l'autre pour prendre acte de la relégation de tous les autres "acteurs" du monde cinématographique au rang de figurants, et même de spectateurs dont l'avis n'a pas droit de cité. On ne saurait mieux affirmer que réalisateurs et acteurs ont désormais tout pouvoir (artistique, financier et symbolique), les seconds ne pouvant d'ailleurs la plupart du temps pas s'empêcher de s'improviser réalisateurs pour rafler doublement la mise.
Quoi d'étonnant à ce qu'un festival de plus en plus raccoleur accompagne le mouvement. Après tout, pour faire parler du jury, de jolies actrices, des réalisateurs à l'ego boursouflé, une touche (et même deux) d'étrangers-venus-enrichir-la-France ne sont-ils pas les vecteurs idéaux d'un "plan média" ? La composition d'un gouvernement répondant aujourd'hui aux imparatifs de la "peopolisation" de la politique, pourquoi la composition d'un jury échapperait-elle à la "peopolisation" du cinéma ? Messieurs Frémaux et Jacob s'en font donc les complices, aussi suiveurs qu'ils l'ont été pour leur sélection (cf. mon article "Jeunes et vieux habitués").
La prééminence absolue accordée au réalisateur dans le système français et celle de l'acteur dans le système américain se renforcent l'une l'autre pour prendre acte de la relégation de tous les autres "acteurs" du monde cinématographique au rang de figurants, et même de spectateurs dont l'avis n'a pas droit de cité. On ne saurait mieux affirmer que réalisateurs et acteurs ont désormais tout pouvoir (artistique, financier et symbolique), les seconds ne pouvant d'ailleurs la plupart du temps pas s'empêcher de s'improviser réalisateurs pour rafler doublement la mise.
Quoi d'étonnant à ce qu'un festival de plus en plus raccoleur accompagne le mouvement. Après tout, pour faire parler du jury, de jolies actrices, des réalisateurs à l'ego boursouflé, une touche (et même deux) d'étrangers-venus-enrichir-la-France ne sont-ils pas les vecteurs idéaux d'un "plan média" ? La composition d'un gouvernement répondant aujourd'hui aux imparatifs de la "peopolisation" de la politique, pourquoi la composition d'un jury échapperait-elle à la "peopolisation" du cinéma ? Messieurs Frémaux et Jacob s'en font donc les complices, aussi suiveurs qu'ils l'ont été pour leur sélection (cf. mon article "Jeunes et vieux habitués").
Compléments :
(6 novembre 2011) Les acteurs et réalisateurs sont aussi surreprésentés parmi les jurés du festival de Venise. Ils trustent cependant un peu moins toutes les places. Ainsi cette année avaient-ils laissé un peu de place à l'artiste Eija-Liisa Ahtila et au musicien David Byrne.
(21 novembre 2011) Un lecteur érudit me signale que David Byrne a réalisé deux films, une fiction (True Strories, 1986) et un documentaire (Between the Teeth, 1994). Dont acte. C'est cependant loin d'être son activité artistique principale et elle commence à dater.
(5 juin 2012) « Festival de Cannes : des écrivains partout sauf au jury » (Pierre Assouline, Le Monde, "Le Monde des livres", 18 mai 2012, p.6).
(25 avril 2013) Il semble désormais institutionnalisé que seuls les acteurs et réalisateurs méritent de faire partie du jury. De quoi donner un argument de plus à ceux qui pensent que la "diversité" sexuelle (ou parité : 4 femmes + 4 hommes + 1 Président) est promue pour faire diversion, la diversité des métiers du cinéma passant à la trappe (ainsi que l'Afrique et l'Amérique latine).