Mister Arkadin

Articles avec #films - reprises

ÉROTISME ANNÉES 1940 ? "JE SUIS AVEC TOI"

21 Janvier 2008, 07:50am

Publié par Mister Arkadin

Dans mes commentaires sur la revue Fascination (ici), j’ai mentionné un article publié par "Cine-Studies". Étant momentanément indisponible sur l’excellent site de notre ami Philippe Chiffaut-Moliard, le voici : 

 

Je suis avec toi, film réalisé par Henri Decoin, 1943, 85 minutesJe-suis-avec-toi.jpg

 

On pourra d’un côté nous parler autant qu’on veut de scénario, de décors, de message, etc., de l’autre, de mise en scène, de travellings, de rythme, ou de que sais-je encore, il n’en demeure pas moins que la première chose qui saute aux yeux dans un film raté est la fausseté du jeu des acteurs. Le ton enjoué de Je suis avec toi ne sied guère à l’Yvonne Printemps et au Pierre Fresnay de 1943, comme en témoignent les premières scènes catastrophiques de ce film de Henry Decoin (le y de Henry n’est pas une faute de frappe de notre part, mais une coquetterie du cinéaste au générique de son film). Sacha Guitry, pourtant autrement doué pour ce genre de comédies primesautières, l’aurait défendu à sa sortie, nous assure Télérama (n°2806, 22 octobre 2003, p.106). Bien difficile néanmoins de s’intéresser à cette histoire de sosie qui vient empêcher un aristocrate, interprété par Pierre Fresnay, de jouir tranquillement de l’absence de son épouse (Yvonne Printemps), partie en voyage en Amériques. A contrario, comme souvent dans ce type de divertissements des années 1930 à 1950, Bernard Blier et Paulette Dubost tirent leur épingle du jeu, car eux seuls se gardent de surjouer, y compris quand le grotesque ou le comique s’en mêlent (ou ce qui est supposé comique en l’occurrence). Reconnaissons toutefois, à la décharge de leurs aînés les premiers rôles qu’il était impossible de débiter un tel dialogue sans que son ridicule ne "saute aux oreilles". Un exemple. « C’est Madame. », constate le valet, avant d’ajouter : « Si Monsieur est Monsieur, Madame est Madame, et je suis Armand. » … et Pierre Bénard est le dialoguiste…

 

Comment se fait-il, dès lors, que ce film peut être vu jusqu’au bout, pour nous qui ne vouons pas un culte aux acteurs tel que nous pourrions les regarder même dans leurs navets ? Contentons-nous d’en donner quatre raisons, ce qui, convenons-en, n’est déjà pas si mal.

 

Passons d’abord rapidement sur la qualité technique de certains aspects de la réalisation, non parce que nous considérerions que c’est accessoire, mais parce que d’autres l’ont déjà souligné, et parce que le nom de décorateur, Lucien Aguettand, est déjà un gage de réussite sur ce point.

 

Ensuite, malgré tout, quelques répliques ne manquent pas de saveur, surtout dans un film réalisé pendant la Seconde Guerre mondiale. Une rixe éclate dans le hall d’accueil d’un hôtel. Mêlée générale. Légèrement en retrait, un homme est retenu par un autre alors qu’il tente de se joindre à la bagarre. Je cite de mémoire : « Mon général ! Que faites-vous ? ! ? ». Le général essaie en vain de repousser celui qui l’empêche d’aller se battre, en s’écriant : « Mais c’est une bataille ! » À quoi l’autre lui rétorque : « Justement ! ». Allusion à la défaite de 1940 ou à quelque général replié outre-Manche ? Chacun l’interprétera comme il voudra…

 

Troisième point retenant l’attention, une scène d’anthologie donne envie de voir le reste, au cas où le miracle se reproduirait (hélas non, à mon goût). Bernard Blier attend au restaurant et demande au violoniste de jouer quelque chose de doux et langoureux pour la personne qui va venir, dont il se déclare très amoureux. Survient à l’improviste Pierre Fresnay, que Blier est obligé d’inviter à sa table, tous deux s’étant donnés mutuellement rendez-vous, même si chacun d’entre eux avait en fait manigancé pour éloigner l’autre et se retrouver seul avec la même femme. Le violoniste, qui n’a pas été informé du sexe de la personne à qui il doit jouer la sérénade, s’exécute complaisamment. Blier, particulièrement embarrassé, l’interrompt bien sûr aussi prestement que possible. Arrive enfin Yvonne Printemps, sosie de la femme de Fresnay, que ce dernier courtise éhontément. Restée seule avec Blier, elle lui dit être belge ; et tous deux, en toute complicité, de batifoler en prenant l’accent adéquat. Fin de la scène, Fresnay revenant, Blier redevient sérieux : « Attention, voilà François : il est jaloux comme un phoque. » D’autres extraits de ce film pourraient figurer dans une anthologie du cinéma "queer" à la française tant la relation entre les personnages interprétés par Blier et Fresnay est particulière, le premier collant aux basques du second. La morale de l’époque reste sauve, bien évidemment, puisque le scénario présente Blier comme un parfait parasite et un soupirant résigné de la femme de son ami, mais les "scènes" auxquels se livrent les deux hommes sont suffisamment éloquentes pour en deviner le sous-texte.

 

Enfin, ce film confirme, s’il en était besoin, que l’absence quasi absolue de nudité à l’écran dans le cinéma de papa n’empêchait en rien de l’évoquer très explicitement, dans les dialogues bien sûr, mais aussi hors champ. Ainsi, alors qu’Yvonne Printemps s’apprête à retirer sa robe devant sa femme de chambre, un travelling avant ne laisse-t-il plus voir que la réaction émerveillée de la servante, bouche bée devant la poitrine de sa patronne, et donc de la vedette, le spectateur devant croire sur parole le soupir d’admiration. Grande est également l’insistance avec laquelle il est question de sexualité tout du long du film, dont l’enjeu principal est de savoir si l’aristocrate et le sosie de sa femme coucheront ensemble. Et, une fois que c’est fait, de savoir comment nous le bien faire comprendre.

 

Pascal Manuel Heu, pour "Cine-Studies.net", à l’occasion du passage du film sur "Cinétoile" le 26 octobre 2003.

Voir les commentaires

LE SECRET DES POIGNARDS VOLANTS

4 Janvier 2008, 13:38pm

Publié par Mister Arkadin

Le-Secret-des-poignards-volants-copie-1.jpgLe Secret des poignards volants a été diffusé fin 2007 sur la chaîne du câble TF6. L’occasion de revenir sur ce film, sorti dans les salles françaises le 17 novembre 2004 et disponible depuis en DVD.

 

Contrairement aux deux grands succès précédents du genre – le film de sabre chinois (ou film d’action en costumes situé à l’époque médiévale, un peu l’équivalent asiatique de notre film de cape et d’épée) –, le film de Zhang Zimou peut paraître un pur film d’action, au scénario minimaliste (c’est du moins ce qui lui a été reproché). Il ne s’embarrasse en effet d’aucun discours explicitement philosophico-oriental (particulièrement tarte dans le cas du film d’Ang Lee, Tigre et dragon ; que cette philosophie soit authentique ou non, elle plombait rapidement le film) ou implicitement politique (la réflexion sur le devenir de la Chine, qui serait le sous bassement du précédent film de Zhang Yimou, Hero).

 

Pour autant, l’histoire est moins simpliste qu’il n’y paraît, puisqu’elle mêle deux thèmes très familiers des cinéphiles. Inutile de préciser la référence fameuse du premier d’entre eux : deux personnages appartement à des clans opposés peuvent-ils s’aimer ? Quant au second, c’est tout simplement celui des Enchaînés d’Alfred Hitchcock : un personnage peut-il, par devoir, par fidélité à son clan, pousser la personne qu’il aime à séduire une tierce personne ? Peut-il prendre le risque de perdre la personne qu’il aime en suivant les ordres qu’il a reçus ?

 

L’enjeu n’est donc pas si mince : le conflit entre devoir et sentiments. Que privilégier ? Que faire face à ce dilemme qui fait que, quel que soit notre choix, on ressort vaincu ?

 

Quant à la forme, elle est étourdissante. Zhang Yimou ne s’embarrassant pas de "message", il se concentre sur quelques personnages et les combats, tous plus spectaculaires les uns que les autres.

 

Il est même assez émouvant que Zimou ait pris le risque de saboter son film par un pur délire visuel dans la scène finale. Ce cinéaste que l’on dit calculateur, soucieux de plaire au vaste public international, perd toute sagesse, « se lâche », comme disent les adolescents, et nous offre une scène finale où l’invraisemblance fait fi de toute logique, où un combat dure sur plusieurs saisons (passage d’un plan à un autre du printemps à l’hiver et la neige), où les morts reprennent vie le temps de quelques escarmouches de plus.

 
Les détracteurs du film ne manquent dès lors pas de le trouver très artificiel ; à quoi l’on peut répondre ce que Luc Moullet, pour une fois très intelligent, rétorquait aux détracteurs d’Alfred Hitchcock : « Où va-t-on si l’on interdit l’artifice en art ? »


Voir les commentaires

LE MARTYRE DE L’OBÈSE FATTY

4 Janvier 2008, 10:00am

Publié par Mister Arkadin

 

undefined

Arte diffuse aujourd’hui (pas de rediffusion annoncée, hélas), dans sa série "Splastik", le court métrage Garçon boucher (The Butcher Boy). Réalisé en 1917 par Fatty Rosco Arkbuckle, le film est connu pour être l’un des premiers de Buster Keaton. Or, autant la gloire de Keaton n’a pas trop pâti de son déclin à partir de l’arrivée du Parlant, autant celle de Fatty, qui fut presque son mentor et dont la célébrité surpassait celle de son comparse à l’orée des années 1920, n’a pas résisté à sa disparition des écrans.

 

undefinedVictime, en 1921, de l’une des plus retentissantes affaires de mœurs de la Babylone hollywoodienne, dont la presse, puis Kenneth Anger, puis bien d’autres ont fait leurs choux gras, Fatty ne s’en est jamais relevé.

Voici par exemple comment son histoire était racontée dans Le Film complet en 1954 :

undefined

undefined
J'aurais pu choisir bien d’autres récits de la vie de Fatty, plus ou moins rigoureux, plus ou moins romancé. Celui-ci a retenu mon attention par son titre : « Le Martyre de Fatty ». Car il fait directement référence au roman qui valut l’obtention du prix Goncourt, en 1922, à Henri Béraud, comme je l'explique dans le n°XIV des Cahiers Henri Béraud (automne 2007).

undefined
-----

Informations et liens complémentaires :

- Si vous avez manqué The Butcher Boy, le film bénéficie d’une séance de rattrapage sur Youtube (dans une qualité douteuse…)

- Il est également possible de voir en DVD un film de Fatty, The Cook (1918 ; toujours avec Buster Keaton et Al St John), dans le cinquième coffret « Retour de flammes » des éditions Lobster : http://www.lobsterfilms.com/dvd_retour_de_flamme_5.htm

- Cahiers Henri Béraud : pouvant être commandés à l'association rétaise des Amis d’Henri Béraud (ARAHB, BP n°3, 17 111 Loix-en-Ré) – 15 € pièce (port compris) ou adhésion à l’association pour 2007 et 2008 (19 € par année) ; une page de présentation de l'association des Amis d'Henri Béraud et de ses cahiers est en cours de préparation. En attendant, on peut consulter le très précieux Guide nicaise des associations d'amis d'écrivains.


 

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4