Mister Arkadin

Articles avec #films - reprises

REMAKE AU CARRÉ

24 Novembre 2010, 01:10am

Publié par Mister Arkadin

Drôle de tour que viennent de jouer à Fred Cavayé les distributeurs en programmant Les Trois prochains jours, le remake américain de son premier long métrage, Pour Elle, le 7 décembre 2010, une semaine seulement après son deuxième, A bout portant. Ce mardi soir, à l'UGC près de chez moi, a été accentuée cette proximité par la diffusion des deux bandes annonces, l'une après l'autre, mais dans l'ordre inverse aux dates de leur sortie. Or, A bout portant ressemble étrangement aux Trois prochains jours. Dès son second film, Cavayé semble donc avoir en quelque sorte réalisé le remake du remake de l'unique film qu'il avait réalisé.http://digi.persgroep.be/event_photo/w350/05/E_0000198105.jpg 

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DISCRIMINATION D'INDIGENES

31 Mai 2009, 23:20pm

Publié par Mister Arkadin

J'ai parlé voici deux jours d'anomalie à propos de l'affiche du film Indigènes à sa sortie en salles.

Il faut croire qu'elle n'a pas été relevée par les divers auteurs, producteurs et distributeurs du film, puisque cette affiche fut reprise à l'identique pour l'édition en DVD.

Pour vous mettre sur la piste, je vous renvoie à la cérémonie de remise des prix du festival de Cannes en 2006, que l'on peut regarder dans le cadre d'un JT de France 2 mis en ligne par l'INA ici. Les acteurs d'Indigènes obtinrent un prix d'interprétation collectif.

Si je me reporte aux articles d'alors (par exemple un article de Jérôme Garcin dans Le Nouvel Observateur) ou les « Détails sur le produit » DVD, sur le site en ligne Amazon, j'imagine que le prix fut partagé par Sami Bouajila, Jamel Debbouze, Samy Naceri et Roschdy Zem. Or, un intrus s'était glissé à la cérémonie de Cannes. Un certain Bernard Blancan. Qui'q c'est cui-là ?! D'où qui sort ? Du film ? Ah, oui, c'est vrai, je me souviens. Je me souviens même que, des cinq acteurs principaux, ceux qui obtinrent ce fameux prix, c'était de loin le meilleur - avec Samy Naceri, soyons juste. La question n'est donc pas : d'où sortait-il ? Mais, pourquoi a-t-il disparu du paysage une fois Cannes passé (l'a-t-on souvent entendu ou lu dans les nombreux entretiens que les acteurs ont obtenu de la presse et de la télévision ?) ? Pourquoi est-il sorti de l'affiche ? Ou, plus exactement, pourquoi n'y a-t-il pas été rétabli, puisqu'il avait lui aussi obtenu le prix cannois ?

J'ai du mal à ne pas y voir une forme de discrimination, ce qui pourrait paraître fort de café pour un film prétendant justement dénoncer les discriminations dont furent victimes les "indigènes" des troupes françaises de Libération. Réparer une discrimination en en commettant une autre, n'est-ce pas quelque peu maladroit ?

En premier lieu, il convient de ne pas s'émouvoir outre mesure de cette discrimination, personne ne semblant s'en être rendu compte.

En second lieu, apporter une réserve à propos des si nobles intentions des auteurs, financiers et promoteurs de ce film du fait qu'une injustice aurait été commise au passage ne me semble pas pertinent s'agissant d'un film de propagande. Je suis en effet persuadé qu'un film "engagé", "militant" ou "à message", comme on voudra dire, genre auquel appartient indubitablement Indigènes, ne peut être pleinement efficace que s'il ne s'embarrasse pas trop de nuances et s'il ne se préoccupe pas tant d'être juste que de frapper fort. Aussi les efforts de quelques-uns (notamment Roger Holeindre et Marc-Edouard Nabe) pour rectifier les erreurs du film, en montrer le schématisme, voire une certaine malhonnêteté, à tout le moins un souci à éclipses dans la recherche de la vérité (même le sympathisant Pascal Blanchard, lors d'une émission d' « Arrêt sur images », dut admettre que des contre-vérités étaient colportées par le film et par les discours de Bouchared et de Debbouze), m'avaient-ils parus aussi louables que vains. Le film aurait-il eu un tel succès, aurait-il ainsi pu « faire bouger les choses », à l'instar du plus récent Welcome, s'il avait été moins outrancier ? Et, qui sait, l'injustice faite à Blancan, peut-être était-elle délibérée, et non involontaire comme on pourrait croire ? Pour nous faire prendre conscience d'une discrimination, quoi de mieux que d'en commettre une autre ?


Compléments : 

(3 juin 2009) Albert Montagne commente mes billets sur Indigènes sur son blog consacré à la censure (quoiqu'il ne s'agisse à proprement parler pas de cela). Il a bien raison de faire remarquer, de façon plus explicite que je ne l'avais fait (j'aurais dû comme lui placer les illustrations côte à côte dans ce deuxième billet - je rectifie aujourd'hui), que le nom de Bernard Blancan a été inscrit sur la jaquette du DVD (alors qu'il ne figurait pas sur l'affiche), sans pour autant que sa bobine ait été ajoutée sur la photo, qui demeure inchangée.

(8 janvier 2012) Coupure de presse tirée de « 1 500 ans d'histoires de France : les dates, les héros, les légendes » ("Les Collections de L'Histoire", Sciences Po Paris, n°44, 2009, p.83) :

http://farm8.staticflickr.com/7150/6662795497_0edac6454c_b.jpg

(22 février 2013) La photo choisie pour l'affiche et pour le DVD d'Indigènes vient de l'être pour la couverture d'un livre, publié en 2013 par le Centre régional de documentation pédagogique (CRDP) de Basse-Normandie, intitulé Le cinéma peut-il nous apprendre l'histoire ? (par Dominique Briand) :

 

https://farm6.staticflickr.com/5478/12693903813_8555cdb01d_b.jpg 


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VACHE SACRÉE ET AUDACE

5 Mai 2009, 23:02pm

Publié par Mister Arkadin

Dans son numéro 3088 (21-27 mars 2009), Télérama a publié un gros dossier intitulé « Éloge de l'audace ». Ce n'est toutefois pas en son sein que l'hebdomadaire post-catho m'a paru faire preuve du plus d'audace ; c'est dans la notice, page 149, sur Muriel ou le Temps d'un retour. Un seul T attribué à l'insubmersible Resnais (dont le dernier film a comme de juste été sélectionné à Cannes), qui plus est l'un des plus intouchables de ses films, Jacques Morice m'a pour le coup un peu réconcilié avec ce magazine : « Au risque de déplaire, Muriel déçoit un peu. Il ne manque pas d'audace (un thème de saison), mais celle-ci fait un peu "vieux moderne". » On ne saurait mieux dire !

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MA NUIT CHEZ CANAL

23 Novembre 2008, 00:05am

Publié par Mister Arkadin

Je ne dédaigne pas de parler de pornographie de temps en temps. Le titre de ce billet ne renvoie toutefois pas au « porno du mois » de Canal, mais aux horaires de diffusion des Amours d'Astrée et de Céladon (1) : 1h45 la nuit prochaine sur Canal +, puis le 27 à 3h30, le 2 décembre à 3h55 ; sur Canal + Cinéma à 2h40, 2h25, 1h45 et 0h00 ; sur Canal + Décalé à 1h05 et 4h50. C'est effectivement "en décalé" qu'il faut vivre désormais pour voir les films récents des meilleurs réalisateurs français de la fin du siècle dernier, ceux-ci, comme je l'avais déjà remarqué à propos de Bertrand Tavernier, étant confinés au « passage technique ».


(1) Cela ferait un beau titre pour un porno ! Olivier Smolders ne rêvait-il pas d'un porno réalisé par Robert Bresson ? Alors pourquoi pas par Éric Rohmer ?

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UNE NOUVELLE ÉDITION DVD DE "MISTER ARKADIN"

1 Octobre 2008, 23:05pm

Publié par Mister Arkadin

Il existait déjà une édition DVD de Mister Arkadin, minimale, que l’on peut se procurer à bas prix sur divers sites de commerce en ligne. Un article du Monde du 26 septembre 2008 (p.26) a attiré mon attention sur l’édition que vient de sortir Opening. Je n’ai pas encore eu le temps ni de l’acquérir, ni, a fortiori, de la regarder. D’ores et déjà, trois éléments plaident en sa faveur :

- le nom de l’éditeur, qui a la réputation de faire du bon travail ;

- le nom du spécialiste qui a été interrogé dans le documentaire de 47 minutes, Orson Welles et le dossier Arkadin (47mn, 2008), qui accompagne le film : Jean-Paul Berthomé, historien et critique de cinéma (notamment dans 1895 et Positif), auteur du livre Orson Welles au travail (Cahiers du cinéma), remarquable travail de critique génétique appliquée au cinéma, mené avec François Thomas (qui tient un séminaire sur la « genèse des films » à l’Université de Paris III)

- l’avis positif d’un bon site de critiques de DVD, "DVD Classik" (cf. fiche de Mister Arkadin).

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LES FEMMES DE L’OMBRE

22 Septembre 2008, 23:10pm

Publié par Mister Arkadin

Les Femmes de l’ombre, grosse production d’Éric Névé réalisée par Jean-Paul Salomé sur des françaises employées dans la Résistance par les services secrets anglais, est sorti en DVD au début du mois. Le film avait bénéficié d’une grosse campagne médiatique au moment de sa sortie en salles, à la hauteur de son sujet et de son casting (Sophie Marceau, Marie Gillain, Julie Depardieu), et d’un coup de pouce de TF1, qui, en invitant Sophie Marceau dans le même journal que Jean-Marie Le Pen, provoqua le courroux de la première, si scandalisée qu’on n’ait pas songé qu’elle ne pourrait respirer le même air que le second qu’elle quitta les loges sans passer par le plateau. Incarnant la Résistance, elle ne pouvait figurer dans le même JT que celui qui incarne probablement à ses yeux la Collaboration. Ce n’est pas le lieu d’examiner si Jean-Marie Le Pen aurait plus de titres que Sophie Marceau pour se réclamer de la Résistance (son engagement effectif à la fin de la guerre semblant n’avoir consisté qu’en une impulsion de très jeune homme désireux de rejoindre un maquis pour bouter le boche hors de France, sans grande conséquence) ; il pourrait toutefois difficilement en avoir moins que l’actrice, qui n’en a rigoureusement aucun. Quand bien même Jean-Marie Le Pen serait assimilé au régime collaborateur honni de Vichy et même si Sophie Marceau était adepte de la méthode Stanislavski, elle devrait savoir que jouer un rôle peut nécessiter de s’identifier à son personnage, d’essayer de se mettre dans le même état psychologique (et parfois physique) que lui, en aucun cas de s’imaginer a posteriori avoir réellement vécu les mêmes choses ! A-t-elle demandé à ce que toute chaîne recevant Jean-Marie Le Pen ne diffuse plus les films où elle apparaît, de peur d’être compromise par une telle proximité, que tout organe de presse où il est question du FN cesse illico de parler d’elle, etc. ? Cette façon de se la jouer, alors qu’on ne risque strictement rien et qu’il y a au contraire tout à gagner à se poser en courageux combattant de "la-bête-immonde-qui-revient", cette manière de sembler ne célébrer la Résistance que pour suggérer qu’on en aurait forcément fait partie soi-même (tel le complice sinon collabo au col Mao Sollers) est si indécente que cela m’aurait plutôt incité à boycotter le film, de même que l’affiche, qui fait craindre le pire.

Une chose m’a finalement convaincu d’aller voir le film. La présence au scénario de Laurent Vachaud, l’un des rédacteurs de Positif que j’aimais le plus (il y a écrit régulièrement de 1987 à 1999, plus épisodiquement depuis ; voir la liste de ses articles dans l’index Calenge). Il y aurait à ce propos un relevé statistique à faire pour vérifier que les rédacteurs des Cahiers du cinéma sont plutôt devenus des cinéastes et ceux de Positif des écrivains ou des scénaristes (Vitoux, Vassé, etc.), ce qui est l’idée que l’on se fait à vue de nez, malgré quelques exceptions (par exemple Benayoun et Carrère, ce dernier étant finalement devenu cinéaste après avoir été longuement écrivain et scénariste, activités qu’il exerce toujours). C’est en tout cas peu dire que Laurent Vachaud me paraît être un meilleur critique que scénariste. Car si le film se suit plutôt agréablement, il n’arrive pas à la cheville de Black Book, chef d’œuvre de Paul Verhoeven sur la même période, sorti quelques mois auparavant. Je n’ai guère plus envie de me procurer le DVD que je ne l’aie pour La Graine et le mulet, dont j’ai parlé hier. Je me contenterai donc de deux remarques supplémentaires.

La première, à la faveur du film, est que le méchant, un officier nazi, est particulièrement réussi et bien interprété par Moritz Bleibtreu. Cela ne saurait suffire à sauver le film, malgré le théorème d’Hitchcock, mais lui permet de ne pas être complètement raté. La deuxième, en sa défaveur cette fois, est l’image des femmes que véhicule ce film. Je sens que les adeptes des "gender studies", une Geneviève Sellier par exemple, vont s’en donner à cœur joie, à juste titre en l’occurrence, pour vitupérer un film où, paradoxalement vu qu’il est censé célébrer le courage des femmes, leur mérite au moins égal à celui des hommes, elles sont constamment passives (l’une d’elle ne s’engage d’ailleurs que contrainte), aux ordres d’hommes qui les manipulent éhontément, n’ayant jamais aucune décision personnelle à prendre, découvrant leurs missions au fur et à mesure, quand on ne leur a pas menti sur les tenants et aboutissants de celles-ci et sur les suites qui en seraient données. Peut-être était-ce le cas dans la réalité. Le film ne semble cependant pas avoir été conçu pour dénoncer, sinon très très implicitement, le machisme d’alors. Et il contient suffisamment d’invraisemblances, comme ont dû en convenir d’authentiques résistantes interrogées à la sortie du film (par exemple Lise Graf dans Le Figaro du 5 mars 2008, page 28), pour en inventer quelques-unes de plus qui permettraient à nos vaillantes "femmes de l’ombre" d’en sortir sans être constamment chaperonnées par un mâle. Une seule fait, in extremis, preuve d’initiative, le personnage de Sophie Marceau allant toute pimpette exécuter un officier allemand sur un quai de gare peu après s’être fait torturée et s’être pris moult coups de pompes dans le ventre alors qu’elle était enceinte. Assurément, nous avions sous-évalué les capacités de Résistance de la môme Marceau !

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KÉCHICHE, ROI DU NATURALISME POISSEUX À LA FRANÇAISE

21 Septembre 2008, 23:03pm

Publié par Mister Arkadin

J’avais annoncé, dans mon billet du 16 mai 2008, que je reviendrais sur La Graine et le mulet. La sortie du film en DVD pourrait me permettre de tenir parole. Sauf que je ne me vois pas sortir le moindre euro de ma poche pour l’acquérir, d’autant que je ne suis pas sûr que je serais plus capable chez moi qu’en salle d’en regarder plus d’une demi-heure. Je me contenterai donc de deux remarques, jusqu’au jour où j’aurai le courage de m’imposer la vision du Kéchiche jusqu’à la fameuse danse du ventre finale (mes rubriques « Érotisme et cinéma » et « Tous les prétextes sont bons » montrent qu’il faut vraiment que le film m’ait gravement barbé pour que je ne sois pas resté jusqu’à un tel dénouement – cela m’était déjà arrivé pour Basic Instinct 2, que j’ai quitté avant même que Sharon Stone dévoile un bout de sa poitrine admirablement ferme).

Quelques critiques ont été rebutés par une conversation de groupe qui tourne, pendant une dizaine de minutes qui en paraissent cinquante, autour des couches culottes (et de leur prix, si mes souvenirs sont bons). Pourquoi pas, après tout ? Pourquoi l’art s’interdirait-il de prendre pour objet les sujets les plus triviaux ? Ce qui m’avait épaté, c’est l’absence totale d’humour de la séquence (et de toutes les autres du reste). Dix minutes de discussion entre quatre ou cinq personnes au sujet de couches culottes sans une seule blague, sans qu’un seul des protagonistes ne disent quoi que soit pour dérider un peu les autres, sans que Kéchiche arrive à se déprendre de l’esprit de sérieux qui semble désormais constamment l’habiter.

Quelques procédés stylistiques procèdent du même naturalisme poisseux teinté de misérabilisme. N’en décrivons rapidement qu’un seul. Au début du film, peu après s’être embrouillé avec son patron, le personnage principal du film, un vieil ouvrier maghrébin, va voir une femme. Si je me souviens bien (cette précaution devrait être prise après chaque mot que j’écris sur ce film, tant il n’a laissé que des traces évanescentes dans mon esprit), il n’a pas la tête à la bagatelle. Un dialogue s’instaure plus ou moins entre eux. Champ contre champ classique. Sauf que, cela me paraît si gros que je l’écris sous réserve (bien que j’en sois presque sûr), les plans de la femme ne sont pas filmés de la même façon que ceux du bonhomme. La perception de l’accablement de celui-ci, déjà largement signifié par le jeu de l’acteur, son dos voûté, ses mines atterrées, son mutisme ostentatoire, est rendue plus évidente encore par le changement de manière de filmer entre les plans de l’homme et ceux de la femme. Je ne saurais dire quel procédé technique a été employé, mais je mettrais ma main à couper que l’image a été trafiquée pour que les premiers soient très moches, granuleux, et les seconds plus claires, plus "propres".

Peu de temps auparavant, ou juste après, j’avais vu Je suis une légende, film en bien des points remarquables, mais dont m’avaient gêné quelques procédés de mise en scène un peu lourdauds, en particulier les effets sonores assourdissants qui accompagnent la fermeture de toutes les portes et fenêtres de son appartement par Will Smith à la tombée de la nuit. Je me suis dit qu’il était dommage de gâcher ce qui aurait pu être un grand film par ce genre de facilité. Dans le cas de Kéchiche, le procédé est un peu plus discret, mais il a été employé avec une intention similaire, forcer la perception du spectateur, induire en lui une émotion que les metteurs en scène ont pensé ne pas être capables de susciter seulement grâce à la force de la situation, de sa mise en place et du jeu des acteurs. Un effet supplémentaire leur a semblé nécessaire. Dès lors, si la morale est affaire de travelling, Kéchiche nous a appris qu’elle pouvait aussi être affaire de grain de l’image.

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RÉDEMPTION DU CINÉPHILE

10 Septembre 2008, 23:03pm

Publié par Mister Arkadin

Quels sont les meilleurs films de l’histoire du cinéma ? Périodiquement, une revue prestigieuse ou une institution patrimoniale de cinéma organise un référendum auprès de critiques ou de cinéastes pour qu’ils désignent leur(s) film(s) préféré(s). Les réponses sont habituellement très différentes des palmarès obtenus quand ce sont des cinéphiles ordinaires qui sont interrogés. Il est d’autant plus surprenant que  celui des utilisateurs de la plus grande base de donnée en ligne, l’Internet Movie Data Base, son « Top 205 », ne comprenne pratiquement que des films ayant assez bonne réputation critique : Le Parrain, Batman, Le Bon, la brute et le truand, Pulp Fiction, Vol au dessous d’un nid de coucou, Casablanca, 12 hommes en colère, Les Affranchis, Fenêtre sur cour, entre autres films que l’on retrouve aux premières places. Mis à part le tropisme anglo-saxon et la prééminence de films relativement récents, cette liste pourrait être celle d’un critique. Une seule énorme surprise dans ce palmarès, en première place qui plus est : The Shawshank Redemption. « The what ? », se demande probablement nombre de cinéphiles français. « Qu’est-ce que c’est qu’ce film ? D’où qui sort ? » Les Évadés ne diront peut-être pas grand-chose de plus à mes lecteurs, sauf ceux qui ont déjà regardé les photos ci-dessous. Ce film de Frank Darabont est non seulement celui qui a suscité le plus de votes sur l’IMDB (369.731 !), mais aussi celui qui obtient la meilleure note moyenne (9,2), les votants non américains l’ayant autant plébiscité que les Américains (1).

Cela demeure un mystère pour moi. Indépendamment de l’avis que l’on peut avoir sur cette espèce de conte philosophique nous enseignant que l’espoir rend plus libre que la peur, je n’arrive pas à comprendre le gouffre existant entre l’amour des amateurs de cinéma pour ce banal film de prison et la discrétion du culte qui lui est rendu, le peu d’écho qu’il a dans les conversations cinéphiles (2), le néant critique qu’il suscite (3). Tout film ayant un peu de succès engendre aussitôt son lot d’interprétations et d’explications, souvent plus sociologiques qu’esthétiques, parfois idéologiques (les "Ch’tis" étant le dernier exemple en date). Rien de tel en ce qui concerne Les Évadés, qui baigne dans une absence complète d’analyse du phénomène d’adhésion dont il bénéficie.

Quelle audience aura-t-il donc ce soir pour son passage sur M6 ?


(1) Tout juste peut-on remarquer que les utilisateurs de l’IMDB qui sont les plus actifs (« Top 1000 voters ») apprécient un peu moins le film (8,4 de moyenne tout de même).

(2) Pour être tout à fait honnête, je dois préciser que j’avais regardé Les Évadés sur les conseils de mes anciens voisins. Les cinéphiles français le tenant pour un grand film existent donc : j’en ai rencontrés !

(3) Les hebdomadaires de programmes télévisés en rendent bien sûr compte quand ce film passe à la télévision (Télérama par exemple), mais sans qu’il les inspire plus qu’un film de série moyen.


PS (5 décembre 2008) : Je viens de retrouver un Pariscope d'avril 1995 dans lequel Les Évadés est jugé par les critiques dans le tableau "Hit parade" figurant au centre de cet hebdomadaire. Le film est classé en treizième position, sur vingt-cinq, seuls quatre critiques sur neuf l'ayant apprécié. Cela confirme l'indifférence critique qui a toujours entouré ce film. Cela dit, l'avant-dernier de ce même tableau est Chungking Express, que quatre critiques sur dix avaient apprécié, modérément d'ailleurs, alors que ce film est aujourd'hui tenu pour l'un des meilleurs de Wong Kar-Waï, devenu depuis l'un des chouchous de la presse.

Complément :
(8 avril 2013) Un peu moins de cinq ans plus tard, Les Évadés sont toujours en tête du "Top 250" de l'Imdb, à égalité avec Le Parrain pour ce qui est de la moyenne (9,2), mais avec bien plus de votants : près d'un million, dont plus de la moitié lui donne 10/10 !
(1er mai 2013) Les cinéphiles adorateurs de ce film existent, j'en ai trouvé un, le blogueur Maxime, qui a rendu hommage à son film de chevet en y faisant référence par les noms qu'il a choisis pour ses deux blogs : "La Salle Obscure de Shawshank" et "Cinéma Rédemption". Je n'ai pas encore eu le temps de fureter beaucoup sur ces blogs, mais rien que l'accueil au son de One More Cup of Coffee, chapeau !

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