Mister Arkadin

SÉRÉNADE POUR TROIS CIBLES

19 Septembre 2012, 23:05pm

Publié par Mister Arkadin

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La sortie en France, voici quelques mois, d’un film dont il vous serait sans doute difficile de deviner quel est le titre français sans voir les affiches (Target ou This Means War, l’autre étant le titre américain), permet de renouveler une phrase fameuse de Truffaut sur la critique (selon laquelle les films seraient bientôt jugés par des gens n’ayant jamais vu un Murnau).

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Peu de comptes rendus ont en effet relevé (pas Télérama et Le Monde, par exemple), non seulement que ce film « s’inspirait vaguement de Sérénade à trois (comme dit Jacky Goldberg dans Les Inrockuptibles), mais qu’il faisait explicitement référence au "gentlemen’s agreement" de Coward-Hecht-Lubitsch.

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Même Laurent Dandrieu, l’un des critiques de la place de Paris les plus érudits, n’en parle pas. Il met cependant le doigt sur l’une des différences majeures entre l’original et son faux remake. Ce dernier présente « un récit doublement incroyable : que [les deux héros masculins] puissent mobiliser les moyens de la CIA au service de leurs affaires de cœur paraît d’ailleurs moins ahurissant que leur hargne à se disputer une femme aussi dénuée de charme et de piquant que Reese Witherspoon » (Valeurs actuelles, 22 mars 2012, p.60). On comprenait certes largement mieux que Gary Cooper et Frédéric March se disputent les faveurs de Myriam Hopkins !

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L’autre différence qui saute aux yeux, c’est le cas de le dire, est le statut social des deux bonhommes. Comme le suggère Dandrieu, il s’agit dans TargetThis Means War, d’agents secrets pouvant épater leur blonde amie par tous les gadgets dont ils disposent, par une réussite matérielle clinquante et tapageuse au sein d’une mégapole américaine. A contrario, ce qui était susceptible de séduire une élégante au temps de Sérénade à trois était le talent et l’esprit de deux pauvres jeunes gens vivant la bohème parisienne, aspirant à voir leurs pièces et tableaux respectivement jouées dans les grands théâtres ou exposés dans des galeries prestigieuses. Une tout autre conception de la réussite et du glamour !