Mister Arkadin

"CAPTIVE WILD WOMAN"

1 Août 2011, 23:03pm

Publié par Mister Arkadin

Captive Wild Woman, Edward Dmytryk, 1943, 65 minuteshttp://farm5.static.flickr.com/4036/4367334790_4585fca4bd.jpg

Pas un mot dans les dictionnaires sur ce superbe film fantastique, ni chez Tulard, ni chez Lamy et Rapp, ce qui ne surprend qu’à moitié, mais pas non plus chez un historien du cinéma autrement averti comme Lourcelles ; tout juste le si érudit tandem Coursodon / Tavernier l’a-t-il fait figurer dans la filmographie du réalisateur Edward Dmytryk. C’est probablement le nom de ce dernier, honni depuis quelque sombre histoire d’après la Seconde Guerre mondiale sur laquelle il est inutile de revenir ici, qui explique que Captive Wild Woman ne soit pas envisagé avec le même préjugé favorable que s’il était signé Browning ou Tourneur. Certes, l’hebdomadaire de programmes TV Télérama a daigné lui consacrer une colonne le 5 novembre 2003 (n°2808, p.107). Mais la caractérisation du genre (« tu m’aimes ? Oh ! guenon… ») de « cette petite série B speedée » trahit plus de condescendance pour un « nanar » que d’intérêt véritable.

Cette œuvre est pourtant digne des trois films auxquels elle fait immanquablement penser : Frankenstein, puisque l’impeccable John Carradine interprète un scientifique pris par l’ivresse de son savoir et obsédé par la volonté de créer une créature nouvelle par transfusion entre l’homme et le singe ; La Féline, la portée érotique du film étant renforcée par le choix d’une femme par le savant et par les métamorphoses qu’elle peut subir en fonction des événements ; Freaks, une grande partie de l’histoire se passant dans un cirque où les bêtes sont regardées et filmées avec le même respect que dans le film de Browning.

C’est toutefois d’un point de vue esthétique que Captive Wild Woman est le plus captivant. De très nombreuses scènes de domptage de grands fauves, parfaitement intégrées à l’intrigue et n’ayant par conséquent aucune fonction d’ornementation, sont également parfaitement intégrées au reste du film d’un point de vue chromatique. Rarement il aura été donné l’occasion de voir sur un écran des scènes aussi spectaculaires ne semblant absolument pas avoir été insérées avec maladresse entre deux scènes "normales". La continuité au niveau du grain des images, de leur vitesse de défilement, de la présence de l’acteur au milieu des fauves (qui, de ce fait, donne l’impression d’être réellement un dompteur professionnel risquant sa vie à tout instant), la virtuosité du montage n’ont, à notre connaissance, guère d’équivalent. Et les images de synthèse à la Jurassic Park ou à la Final Fantasy ont encore bien des progrès à faire pour arriver à un pareil résultat. L’émotion est à son comble quand la créature issue du croisement entre femme et singe, les autres protagonistes ignorant son origine, entre dans la cage pour sauver le dompteur blessé. Que la force du désir féminin s’exprime alors par l’acte de porter l’homme tombé au sol et en proie au danger, renversement du schéma habituel, ne le rend que plus prégnant.

(texte rédigé le 19 novembre 2003, à l'occasion du passage de ce film sur "CineClassic" ; initialement publié sur "Cine-Studies.net").