Mister Arkadin

BÉRAUD HIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN

1 Février 2009, 00:02am

Publié par Mister Arkadin

Texte remanié d'une causerie prononcée aux Ronchons (Paris), le 14 octobre 2008, à l'invitation de l'Association rétaise des amis d'Henri Béraud (ARAHB), à paraître dans le n°XIX des Cahiers Henri Béraud (p.s. : paru mi-mai 2009 ; cf. couverture, liste des sommaires des cahiers et index, actualisés en conséquence).


Le titre de ce papier est on ne peut plus immodeste. D'abord parce que je ne suis nullement habilité pour prétendre à l'omniscience sur un auteur que je ne lis que depuis quelques années. Je serais de même bien en peine d'entreprendre l'histoire de l'Association rétaise des amis d'Henri Béraud (ARAHB) et de décrire précisément les projets que nous concocte son président et principal animateur, Francis Bergeron. Ensuite parce je vais me contenter (ce verbe - pronominal, comme la langue française est bien faite ! - est parfaitement adapté au narcissisme de la situation) d'évoquer les contributions aux manifestations et publications de l'ARAHB que Francis me fait l'honneur de me demander (merci pour cette confiance) ou d'accepter (ce qui est encore plus généreux de sa part).

Hier, ce sont les deux cahiers spéciaux sur le cinéma publiés fin 2007 et début 2008 :

- n°XIV, sur les écrits d'Henri Béraud à propos du cinéma et sur l'adaptation du Martyr de l'obèse à l'orée du Parlant, au début des années 1930 ;

- N°XV, sur Un revenant, film inspiré de Ciel de suie, réalisé juste après la Libération, et sur les rapports entre deux Henri, Béraud et Jeanson.

Aujourd'hui, c'est la rubrique sur Béraud et l'ARAHB que j'ai créée voici quelques mois sur le mini-site Internet consacré plus généralement à mes publications, au cinéma et à la critique ("Mister-Arkadin", http://mister-arkadin.over-blog.fr/).

Demain, si ma paresse ne l'emporte pas, ce sera un dossier sur Béraud et l'Affaire Salengro, principalement tel qu'il en est rendu compte dans deux téléfilms français.

Continuons à ignorer toute modestie en expliquant comment m'est venue l'idée d'un dossier sur Béraud et le cinéma. Il s'agissait d'un défi : de la même façon que Flaubert déclara qu'avec Madame Bovary, il avait voulu écrire un livre sur rien, j'avais décidé, toutes proportions gardées bien entendu, d'entreprendre une recherche sur rien. Faire une étude sur un sujet impossible, quelle meilleure façon d'éprouver ses capacités de chercheur ? Plus exactement, je désirais montrer que tout écrivain français du siècle dernier, même celui qui pouvait paraître le plus réfractaire ou indifférent au cinéma, ne pouvait, d'une façon ou d'une autre, de près ou de loin, ne pas s'être intéressé à ce moyen d'expression nouveau. Mon choix s'est porté sur Henri Béraud en dépouillant une chronique de Ciné-Magazine, une revue cinéphile des années 1920, dans laquelle le pionnier de la critique Lucien Wahl recensait toutes les occurrences du septième art naissant dans les livres (dont il rendait compte également, dans quelque autre publication). Or, Lucien Wahl avait signalé l'anecdote sur Mussolini au cinéma racontée dans Ce que j'ai vu à Rome, que je vous invite à retrouver dans l'édition originale (1929, p.40-41) ou dans le cahier Béraud n°XIV (p.51-53). Au moins avais-je un point de départ...

En lisant ou relisant tous les livres de Béraud un crayon à la main, je me suis surpris à trouver bien plus de références au cinéma que je ne l'imaginais, y compris dans des livres que j'avais déjà lus (notamment Le Martyre de l'obèse), ceux qui m'avaient justement fait choisir Béraud pour cette étude flaubertienne, puisque, dans mon souvenir, il n'y était pas du tout question de cinéma ! Cela me conduit d'ailleurs à penser que, pour bien connaître une œuvre, la lire en ayant une idée de recherche en tête permet de beaucoup mieux maintenir son attention, d'y découvrir bien plus de richesse, de contenu qu'on en aperçoit en la lisant sans idée de recherche prédéfinie. Bien sûr, cette méthode oriente la lecture ; on pourrait dire a contrario qu'en se focalisant sur un thème, par exemple, on ne lit plus qu'en diagonale ce qui s'en éloigne. L'objection est recevable. Disons alors que, pour bien connaître une œuvre, il faut la lire une première fois le plus vierge possible d'idée préconçue, puis la relire, ou au moins la parcourir attentivement, avec l'objectif d'y relever tout ce qui se rapporte à un thème ou un aspect de l'œuvre. J'ai en l'occurrence choisi le cinéma. Ce pourrait être les chansons ou le théâtre, telle figure de style ou de rhétorique, tel procédé narratif ou élément de ponctuation, les lieux, les femmes ou les enfants, la nourriture ou les idées politiques, les soucis d'argent ou les références au monde de la presse, etc. Pour ma part, si j'entreprenais de nouveau cette relecture de l'œuvre de Béraud accompagnée d'un dépouillement systématique, je choisirais d'inventorier tous les portraits qu'il a écrits. Ce serait donc une relecture sélective et non complète de l'œuvre, se concentrant sur les souvenirs, essais et articles, dans lesquels il faudrait noter tous les noms de personnes dont Béraud a parlé. Muni de cet index, un dictionnaire des portraits écrits par Béraud offrirait un vaste panorama du monde des lettres et du journalisme de son époque, qui démontrerait par là même la générosité du bonhomme, capable de consacrer tant de temps et d'énergie à laisser une trace, originale et vivante, de ses contemporains, capitaux ou non. L'empathie de Béraud, voire sa "sympathie", au sens propre du terme, y serait en effet manifeste.

Pour l'instant, je m'en suis tenu aux personnalités côtoyées par Béraud qui se sont intéressées au cinéma, en particulier le grand critique Émile Vuillermoz, l'un de ses amis lyonnais. J'ai aussi fait un sort tout spécial au journaliste et scénariste Henri Jeanson, proche de Béraud devenu l'un de ses plus féroces détracteurs, avant de lui piquer l'idée de Ciel de son suie pour son Revenant, et de lui rendre tout de même hommage dans ses mémoires. Jeanson me permet de faire la liaison entre mon « Béraud d'hier » et mon « Béraud de demain », celui de l'Affaire Salengro ; celle-là même qui a provoqué la rupture entre les deux Henri, dont témoigne « Le cœur de Monsieur Béraud », l'article que Jeanson publia dans Le Canard enchaîné en novembre 1936 (reproduit dans le cahier n°XV, p.57-61).

L'Affaire Salengro est un trop gros morceau, même en se focalisant sur le rôle qu'y joua Béraud, ou qu'on lui prête, pour la traiter de manière exhaustive. On ne s'étonnera donc pas que j'aie de nouveau choisi le cinéma comme médiateur, à tout le moins l'audiovisuel. Un nouveau téléfilm sur l'Affaire Salengro allant être diffusé courant 2009, probablement sur une chaîne publique, il me semble indispensable que l'ARAHB marque le coup, un précédent, réalisé en 1992 par Denys de la Patellière, avec Jean-Claude Dreyfus dans le rôle de Salengro, ayant donné un résultant on ne peut plus fâcheux en ce qui concerne la représentation de Béraud. C'est un certain Éric Leblanc qui l'interprétait. On ne doit pas faire plus obscur comme acteur de seconde zone, même l'un des cinéphiles les plus érudits de Paris (i.e. de France, sinon du monde), présent parmi nous ce soir, n'en ayant jamais entendu parler. On ne peut donner une image plus grotesque de Béraud, gros fat dépourvu de charme et de talent, tout occupé à comploter avec Maurras (!?) dans quelque officine pour faire chuter le Front populaire. Difficile d'aligner plus de clichés, quand ce n'est pas d'inepties, que ne le font les auteurs de ce téléfilm. Le célèbre et controversé Yves Boisset s'est-il mieux documenté ? A-t-il fait preuve de plus de nuances ? J'avouerais en douter, ne serait-ce qu'au vu du titre, qui annonce la couleur : Salengro, exécution d'un ministre. Laissons-lui cependant l'ombre du doute (n'est-ce pas d'ailleurs cinématographique ?), et attendons de voir. Notons seulement d'ores et déjà la présence de Bernard-Pierre Donnadieu en Salengro, ce qui ne manque pas d'ironie vu qu'il a interprété l'horrible industriel fasciste du pauvre quoique riche Faubourg 36, sorti sur les écrans français en 2008. Il n'est d'ailleurs pas exclu que, par un retournement identique, qui relève presque du private joke, Jean-Claude Dreyfus, présent dans la distribution de ce nouveau Salengro, y joue cette fois-ci Béraud. Pour plus d'objectivité, je pense examiner ces téléfilms à la lumière du meilleur ouvrage consacré à l'Affaire, Ils l'ont tué ! Malgré ce titre racoleur, qui ne rend pas justice du contenu, et bien que son auteur, Thomas Ferenczi, soit journaliste au Monde, il analyse de manière relativement honnête les tenants et aboutissants de cette histoire, le rôle des uns et des autres, qu'il replace dans leur chronologie et leur contexte, en s'appuyant sur des dépouillements de sources d'époque (surtout la presse) effectués par des étudiants ayant travaillé plutôt sérieusement. Tout le contraire du téléfilm de 1992 donc, voire des comptes rendus parus sur le livre de Thomas Ferenczi, notamment celui que Le Monde demanda à Jean-Denis Bredin - que d'aucuns font sans vergogne rimer avec gredin (encore plus depuis la dernière affaire Tapie, les millions empochés par ce dernier n'ayant pas nui à tout le monde), qui ne prennent aucunement en compte les réserves émises par Ferenczi, pourtant peu suspect de complaisance envers l'Infâme, au sujet de la version officielle de l'Affaire, l'enquêteur atténuant, sans la minimiser, la responsabilité des journaux (dont Gringoire, d'où Béraud) dans le suicide du ministre.

Si notre dossier sur Béraud et l'Affaire Salengro traitera pour l'essentiel de ces deux téléfilms, ainsi que du livre de Thomas Ferenczi, nous n'excluons bien évidemment pas de l'enrichir avec tout document relatif à ce sujet. Toute pièce que les membres de l'association des Amis d'Henri Béraud ou tout autre personne pourraient nous apporter sera la bienvenue. N'hésitez donc pas à nous en communiquer. C'est dans le but que chacun puisse contribuer plus aisément à enrichir la documentation dont dispose Francis Bergeron pour établir ses cahiers que j'ai inclus une rubrique Béraud sur mon mini-site en ligne, objet de la dernière partie de cette petite causerie, sur « Béraud aujourd'hui ».

Pour apporter de la documentation nouvelle aux cahiers, encore faut-il savoir ce qu'ils ont déjà publié. Lapalisse n'aurait pas dit mieux. En revanche, reparcourir tous les cahiers à chaque fois que l'on découvre un document sur Béraud pour voir s'il s'y trouve déjà, voilà qui est plus difficile. Dix-huit numéros, en plus de rééditions diverses d'écrits sur ou à propos de Henri Béraud, ont en effet paru de 1996 à 2008. Ces cahiers comportent des reprises de textes de Béraud lui-même (dont ses écrits de captivité et des écrits de jeunesse), certains inédits, des textes récents sur Béraud, inédits ou repris de la presse et d'ouvrages évoquant Béraud, les conférences des 14 juillet Henri Béraud, organisées par l'ARAHB et des reprises de textes anciens sur Henri Béraud. Il m'a semblé qu'un inventaire était indispensable pour voir plus clair dans la masse de documentation et d'études déjà rassemblée, afin de repartir du bon pied. Aussi avons-nous fait paraître au printemps 2008 un « Bilan général de 15 années de publication, par l'Association Rétaise des Amis d'Henri Béraud » (Cahier Henri Béraud n°XVII), qui donne la liste des sommaires, un index par auteurs et des détails des autres activités de l'association. Et, pour s'y retrouver encore plus commodément, cet inventaire a été mis en ligne, ce qui permet une actualisation périodique, à l'adresse Internet suivante :

http://mister-arkadin.over-blog.fr/article-18586032.html

Voici le plan de ce "mini-site" consacré à Henri Béraud :

1. Présentation générale de l'ARAHB et sommaire des cahiers n°I à VII (1996-2002) ;

2. Sommaire des cahiers n°VIII à XVIII (2003-2008) ;

3. Index des cahiers : textes de Henri Béraud ;

4. Index des cahiers : articles et documents contemporains (« Béraud aujourd'hui ») ;

5. Index des cahiers : conférences du 14 juillet ;

6. Index des cahiers : articles et documents anciens (« Béraud hier ») ;

7. Autres publications et activités de l'ARAHB ;

8. Couvertures des cahiers ;

9. Béraud : Bibliographie (actualisation du cahier Béraud n°V, reproduite avec l'aimable autorisation d'Alain de Benoist) ;

10. Bilan d'étape, par Francis Bergeron, président de l'ARAHB.

Espérons que cet inventaire continuera de s'enrichir dans les mois et années à venir, à mesure que Francis nous adressera de nouveaux cahiers et brochures, avec une fidélité qui est la manifestation concrète d'une persévérance et d'une passion remarquables, peu d'associations d'amis d'écrivains y parvenant aussi régulièrement.