Mister Arkadin

PRESSE ET« NON-ÉPURATION » : DEUX VISIONS ALTERNATIVES SUR LA SECONDE GUERRE MONDIALE ?

26 Novembre 2020, 13:15pm

Publié par Mister Arkadin

Vient de paraître dans Livr'Arbitres (n°31, octobre 2020), la note de lectures suivante :

Doizy (Guillaume), Foufelle (Dominique), L’Autre histoire de 1939-1945, Vanves, Éditions E/P/A, juin 2019, 348 p.

Un brin immodeste, le titre de cet ouvrage est trompeur. Il présente bien moins une version alternative de 39-45 qu’ un vaste panorama des magazines et journaux des « années sombres » et de la Libération, comme l’indique le surtitre (« Information, censure et propagande à la une »). Y sont reproduits une multitude de couvertures et de unes (dont les articles sont souvent lisibles grâce au grand format, par exemple telle chronique de Morand), mais aussi des coupures de presse mettant en valeur textes et dessins (pas forcément choisis pour leur célébrité ou celle de leur auteur). Les introductions de chaque partie chronologique (par année) et de chaque section (« Point presse », « Point historique ») prennent soin de ne pas s’écarter de la doxa (ainsi le premier gouvernement de Vichy était-il composé d’hommes « venant la plupart de la Droite et de l’Extrême-Droite »). Comme elles ne sont en outre pas exemptes d’approximations, voire d’erreurs (les « mensuels » Candide, Gringoire et Je suis partout ; Brasillach accompagnant les dignitaires vichystes à Sigmaringen en septembre 1944), ce livre aux allures de catalogue d’exposition vaut surtout le détour parce que plusieurs riches collections ont été mises à contribution pour varier autant que possible les sources (plus de 150 titres différents, mêlant publications de toutes natures, tendances et zones, leur mise en parallèle suggérant que la confrontation des points de vue n’eurent pas moins d’importance que les affrontements armés) et parce que les auteurs ont trouvé le bon équilibre entre focalisation sur l’occupation de la France et description des conflits dans toutes leurs dimensions géographiques (la Scandinavie ou le Moyen-Orient n’étant pas négligés au profit de la campagne de Russie, par exemple). Trop nombreux sont les « beaux livres » que l’on feuillette distraitement plus que l’on s’y plonge goulument pour ne pas apprécier celui-ci, qui relève assurément de la seconde catégorie.

Lacroix-Riz (Annie), La non-Épuration en France de 1943 aux années 1950, Paris, Armand Colin, août 2019, 664 p.

Le titre de la nouvelle somme d’une historienne chevronnée et ouvertement partisane annonce pour sa part parfaitement la couleur (« non » étant écrit en rouge sur la couverture, au cas où le "concept" ne serait pas aussi frappant qu’audacieux). Comme à son habitude, Lacroix-Riz a brassé pléthore d’archives, en a prélevé uniquement ce qui confortait une thèse se voulant iconoclaste (le grand Capital qui avait préparé la Collaboration recycla ses hommes de main en les épargnant largement à la Libération) et a assemblé à la va-comme-je-te-pousse un patchwork indigeste de micro-récits. Peuvent y être glanées force informations utiles. Mais la simple consultation de l’index (où ne figurent ni Béraud, ni Brasillach, ni Chack, ni Hérold-Paquis) et de la bibliographie (quid d’Assouline ?) laisse perplexe quant à la croyance de l’auteur que de telles impasses, entre autres, ne discréditent pas son argumentation.

Pascal Manuel Heu.

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Note : pour des avis différents du mien sur le livre d'Annie Lacroix-Riz, voir ici ou ; voir parallèlement « Du mésusage des archives et de l'histoire », par Gilles Morin, dans 20&21. revue d'histoire (n°145, janvier-mars 2020 p.159-168), qui n'a guère satisfait l'historienne (cf. dossier sur "lherminerouge", le « blog franchement communiste du Finistère et du Morbihan contre l'U.E., le Medef, l'Otan et Macron, pour le Socialisme »).